19/09/13

De la relativité de la notion de client dans le transport aérien (1/3)

Nous entamons aujourd’hui une série de trois articles qui relatent une expérience client vécue récemment, à partir de laquelle nous avons tiré quelques enseignements sur les stratégies relationnelles. 

Aujourd’hui, premier épisode : le début de l’intrigue ! 

Récit de Voyage : les tribulations d’une famille retenue à New York pour cause d’ouragan. 

Jeudi 25 août 2011 – Manhattan, New York City

Je découvre qu’un ouragan du nom d’Irène est annoncé pour une arrivée probable sur New York le dimanche 28. On commence à parler d’évacuation partielle de la ville et de fermeture des aéroports.

Au-delà du caractère étonnant de l’annonce – un surlendemain de tremblement de terre, rarissime sur New York – nous en venons vite à nous inquiéter sur le maintien de notre vol retour pour Paris, prévu samedi 27 à 5.29 pm, sur un vol British Airways (BA1534), opéré par American Airlines. J’avais déjà découvert dans le vol aller les subtilités des alliances qui font qu’un même vol peut avoir 3, 4 ou 5 références selon les compagnies émettrices de billets.

Un Starbucks Coffee et son service de WiFi nous offre une bonne plate-forme pour faire le point en famille, chercher des numéros pour joindre agences, compagnies et consulter les infos sur les différents sites. Et en plus, le Iced Coffee y est plutôt bon. Nous décidons que si une possibilité se présente d’avancer notre retour, nous partons. Nous envoyons mails et messages vocaux sur nos correspondants à Paris, et en particulier l’agence par laquelle nous avions acheté nos billets. Ils trouveront nos messages le matin, quand nous dormirons encore à New York.

A ce stade, le premier bon point à distribuer est pour Starbucks: aucune pression pour la consommation, liberté pour agencer les chaises pour les six personnes de la famille à notre guise, et même verres d’eau glacée sur demande pour les enfants.

Le lendemain matin, nous avons en ligne nos interlocuteurs français. Aucun moyen d’avancer le départ, tous les vols sont pleins, et pour l’instant pas d’information sur une annulation du vol de samedi. L’agence nous renvoie vers les compagnies, et d’abord British Airways. Dès le vendredi, il est impossible d’avoir quelque information que ce soit en appelant sur les numéros de service client de British Airways ou d’American Airlines. Impossible de joindre un conseiller, et aucune information en ligne sur les serveurs vocaux ou sites web. Les sites des compagnies précisent qu’en cas d’annulation de vol, il convient de contacter l’agence qui a procédé aux réservations.

Samedi 27, nous nous préparons à quitter notre hôtel pour partir à l’aéroport Kennedy. Aucune information sur le site de British Airways, aucune information sur le site d’American Airlines. On annonce l’aéroport comme fermé aux vols arrivant à partir de 12h00. Mais pas encore d’annonce d’annulation de notre vol départ en après-midi.

Au dernier moment, vers 12h00, nous constatons que le site d’Aéroport de Paris annonce comme annulé notre vol prévu en arrivée le dimanche matin à Paris. Ça y est, le site British Airways confirme l’information. Par ailleurs, les taxis de passage annoncent qu’ils ne vont plus à l’aéroport, qui serait à présent fermé.

Bagages faits, chambres libérées. Un coup de fil à de la famille heureusement résidant sur Manhattan déclenche un enthousiasme pour nous héberger le temps de trouver une solution. Nous nous en sortons pour l’instant bien, et avons de la chance dans notre déroute.

Samedi 27. Manhattan.

Je laisse de côté l’expérience inoubliable d’une ville de New York désertée, d’un Manhattan sans voiture, magasins fermés, tous chantiers arrêtés. Le silence et le calme. Ça n’arrive jamais là-bas, même la nuit. Une exception notable et amusante. Un chantier reste pourtant actif et même très agité : une boutique Ladurée sur Madison dont l’inauguration est prévue le lundi 29 !

Et puis l’ouragan Irène passe sur New-York. C’est une nuit assez effrayante vécue au 33èmeétage dans une pièceexposée à l’est, sans immeuble aussi haut aux alentours. Nous avons cru plusieurs fois que les baies vitrées ne résisteraient pas.

Ça passe mais après de longues heures.

Avec le calme qui revient, les habitants descendent marcher et découvrent leurs rues jonchées de branches d’arbres que la tempête a dispersées. Nous reprenons la chasse aux informations, via numéros d’appels ou sites web. Rien. Aucune info, si ce n’est que Kennedy Airport, évacué, doit rester fermé jusqu’à lundi 6h00.

Nuit de dimanche à lundi.

Les échanges nocturnes avec notre agence qui a ouvert à Paris nous convainquent de me rendre à l’aéroport à l’ouverture, soit 6h00 du matin. Je file donc à l’aube.

Lundi 29, 6h15 du matin – Kennedy Airport

Je choisis le terminal 7, celui de British Airways puisque mon billet est BA et que le vol prévu portait la référence BA1534.

Je ne suis pas seul, évidemment. Après 4 heures d’attente, la personne de British Airways qui me reçoit m’indique qu’elle ne peut rien faire pour moi, puisque le vol annulé était opéré par American Airlines. Le coup est dur, mais je tiens. Il faut dire qu’elle me dit cela en manifestant ce qui ressemble à de l’empathie. Elle semble effectivement embêtée pour moi. Je suis certes client de BA mais sous la responsabilité de AA, puisque c’est sur le vol que je devais partir.

Je saurai après que BA avait en fait la responsabilité de me trouver une solution au moins autant que AA, mais l’humanité avec laquelle ils m’ont accueilli et orienté fait que je ne leur en veux même pas.

Lundi 29, 10h30 – Kennedy, Terminal 8 d’American Airlines

Après deux heures de patience, un agent AA me reçoit fort dignement derrière un desk d’un hall d’enregistrement reconverti en hall « rebooking, booking& sales ». Il me témoigne beaucoup d’attention et de considération. L’attente avait été pénible, mais le contact est plutôt agréable. La situation est toutefois compliquée. Tous les vols sont complets, des places se libèrent de temps en temps, des décisions sont en cours pour des vols supplémentaires mais pas ouverts à la réservation. Nous sommes six. Il va falloir trouver des solutions en deux ou trois groupes, et avec des escales sans aucun doute. Au bout d’une heure, l’agent saisit une ouverture dans les systèmes de réservation pour profiter d’un avion Air France supplémentaire prévu pour le mardi soir. Il patiente et parvient à réserver – et confirmer – quatre passagers sur six. L’espoir me gagne.

Après 20 ou 25 minutes de plus, de forte concentration de sa part, et d’expectative pour moi, l’agent contourne son desk, se place à mes côtés et, victorieux, m’indique dans un français presque maîtrisé « Monsieur, vous partez tous ensemble, les six ensemble, sur le vol Air France demain soir à 10.10 pm, en direct pour Paris ». Je remercie le ciel, bénis intérieurement notre belle compagnie nationale qui a su prendre les mesures qui s’imposaient en ajoutant des avions et en trouvant des accords avec les autres compagnies, et me retiens de sauter au cou de l’agent AA pour l’embrasser. Je le remercie chaleureusement et lui serre la main.

Je retrouve la famille à Manhattan qui m’accueille comme un héros, fatigué mais content, les reçus voyageurs de tous à la main.

A suivre […]