10/11/16

Les entreprises s’armant du Big Data ont-elles assez de soldats ?

Alors que se tient à Paris au Palais Brongniart, le salon du recrutement DataJob 2016avec comme objectifs principaux pour les entreprises de s’armer de compétences autour du Big Data, nous allons voir que pour ces entreprises, les enjeux sont de taille si elles veulent exploiter toute la puissance de ces données.

Le Big Data dans l’air du temps

Tous les jours, les entreprises collectent de plus en plus d’informations sur leurs clients, leurs produits, leurs performances, leur secteur, etc. L’explosion des volumes de données est en marche : les objets, les produits connectés ainsi que la digitalisation de la relation client vont générer une quantité croissante d’information en temps réel que les entreprises vont devoir, si elles veulent en tirer toute la valeur, capter et valoriser.

Selon une étude menée par MarketsandMarkets, le marché du Big Data, divisé entre les logiciels (solutions analytiques, plateformes de gestion de données, Data Visualization, etc.) et les services (consulting, intégration, formation, etc.), pourrait atteindre une valeur de 66,79 milliards de dollars en 2021, un marché qui touche déjà tous les secteurs d’activité.

Les possibilités offertes par le Big Data sont vertigineuses. Et selon les spécialistes, elles demeurent même pour la plupart encore insoupçonnées. Pour les entreprises qui s’orientent vers le Big Data, la première étape, incontournable, est de s’armer d’une solution spécialisée et parfois d’une nouvelle architecture SI. Or, il s’agit de projets complexes et chronophages pour l’entreprise. Pire, il faudra aussi que les entreprises s’équipent d’une organisation humaine dédiée, sans quoi les outils n’auront que des effets limités…

Les Data Miners, Data Analysts et Data Scientists : à mi-chemin entre le marketing et l’IT

Les données récoltées ne sont rien sans l’intelligence des Data Miners, Data Analysts et autres Data Scientists qui leur donnent du sens et en extrait de la valeur.

Leur rôle est de faire passer l’entreprise du Big Data au Smart Data, de se servir des outils pour comprendre les données et en tirer de la valeur pour l’entreprise de façon directe (comprendre à très court terme) ou indirecte (comprendre que le processus de décision suite à ces analyses va être générateur de croissance pour l’entreprise dans les prochaines années). Tour d’horizon des profils du Big Data :

  • Le Data Miner est en charge du traitement, de la qualité et de la consolidation des données

Avant toute analyse, il convient de correctement gérer cet ensemble immense de données brutes stockées dans un Data Center. Le Data Miner est alors en charge du traitement des données (vérification de la qualité, dé-doublonnage, convergence des données via des règles algorithmiques, etc.). Il conçoit ainsi des modèles permettant de collecter, stocker, traiter et restituer les données afin de rendre propre leurs analyses.

  • Le Data Analyst est en charge d’analyser l’ensemble des données collectées pour répondre à des besoins métiers

Le Data Analyst possède tout un arsenal de données, issues du passé de l’entreprise, qu’il va devoir trier et étudier. Généralement, les métiers traditionnels font part d’un besoin très spécifique auprès du Data Analyst (i.e. mieux segmenter les clients, mieux comprendre le parcours de fidélisation, mieux optimiser les livraisons, etc.). Il devra alors trouver une modélisation statistique pour répondre à la problématique, déterminer quelles sont les données pertinentes dont il a besoin et enfin, en tirer les conclusions.

  • Le Data Scientist est en charge d’analyser l’ensemble des données collectées pour anticiper les développements stratégiques de l’entreprise

Contrairement au Data Analyst, les problématiques des Data Scientist ne proviennent pas des métiers mais sont directement liées au secteur de l’entreprise et à son développement stratégique à moyen / long terme. Il doit analyser les données de la façon la plus large possible pour les faire parler et en déduire des points stratégiques bénéfiques pour la croissance de l’entreprise.

Qu’il s’agisse du Data Miner, du Data Analyst ou du Data Scientist, ces trois rôles doivent être capables d’imaginer de nouveaux modèles d’analyse pour comprendre et/ou traiter les données brutes et hétérogènes. Les responsables des Ressources Humaines recherchent donc des profils alliant marketing, études statistiques et informatique chez les candidats, mais aussi une forme de créativité et capacité à traduire un problème business en un problème mathématique statistique. Simple non ? En fait, et il s’agit du premier challenge auxquels feront face ces entreprises, s’armer de tels profils s’avère très compliqué…

Des compétences très rares sur le marché

Et la chose n’est pas simple. Le cabinet McKinsey prévoit qu’il manquera environ 1 million de Data Analyst aux Etats-Unis l’année prochaine. Proportionnellement, cela pourrait représenter pour la France environ 200 000 postes non pourvues ces prochaines années. Autant dire qu’il s’agit d’un risque majeur pour ces entreprises : elles pourraient voir leur investissement logiciel et SI réduit quasi à néant faute de ressources suffisantes pour exploiter cette donnée.

Ainsi, ces nouveaux métiers sexy (la célèbre Harvard Business Review a élu le métier de Data Scientist comme le métier le plus sexy du XXIe siècle) et qui ont la cote (le site Glassdoor l’a placé quant à lui en tête des 25 métiers les plus cotés des Etats-Unis) sont des denrées rares et il faudra véritablement partir à la chasse pour équiper son entreprise de ces compétences spécifiques.

Vient ensuite un second challenge : comment organiser ces nouveaux rôles au sein d’une organisation existante ?

Des objectifs flous

Le nombre important de flux et données et d’informations à recueillir et à traiter peut parfois noyer l’entreprise dans le volume et la nature des données et faire ainsi oublier les objectifs premiers du projet Big Data.

Pour éviter ce risque, les entreprises doivent placer le client ou le prospect au centre de leur analyse. Par exemple, l’objectif d’un projet Big Data pourrait être d’améliorer l’expérience d’achat, d’optimiser le tunnel de transformation, de mieux adapter les produits et les services, d’inventer l’offre de demain, etc.

Une fois cet objectif posé, l’exploitation des données reste un défi auquel font face toutes les entreprises. Les données qui la concernent, de nature variable et stockées dans des systèmes différents, peuvent être rapatriées au sein d’un seul et même endroit grâce aux technologies développées pour le Big Data. Néanmoins, il reste ensuite à traiter et les analyser (pour répondre à des besoins métiers et pour anticiper les développements stratégiques de l’entreprise) correctement. Surtout, à qui revient ces trois nouvelles fonctions dans l’entreprise ?

Des organisations complexes

Traditionnellement, la Business Intelligence pourrait prendre ces rôles mais les multiples sources d’informations non structurées, le volume et la volatilité des données rendent ces éléments difficilement exploitables dans une solution de BI traditionnelle. Alors, comment structurer son entreprise pour répondre aux enjeux du Big Data ?

Il n’existe aujourd’hui aucun modèle d’organisation faisant office de référence pour les entreprises souhaitant s’orienter vers le Big Data. Chacune devra à court terme y aller à « tâtons », en fonction de ce qui semble être le plus optimal par rapport à sa propre organisation. Chez certaines entreprises, ces nouveaux métiers sont par exemple intégrés aux équipes marketing, dans d’autres ils sont intégrés à la DSI ou à la BI… Nous pouvons aussi imaginer que ces métiers soient explosés au sein de l’organisation : par exemple les Data Miners rejoignent les équipes techniques, les Data Analyst les équipes Marketing et les Data Scientists les équipes BI.
Néanmoins, nous pouvons attendre qu’à terme, les entreprises désireuses de pérenniser leur investissement Big Data et d’en retirer un maximum de valeur devront créer une (ou plusieurs) entité(s) spécialisée(s) pour que ces métiers puissent travailler conjointement.

Ceci implique de mettre en place des équipes dédiées, mais aussi à plus longue échéance des moyens et des stratégies spécifiques et adaptés. La jonction de cette organisation au sein du processus décisionnel sera aussi une clé de la réussite.

Nous avons vu qu’il existe de nombreuses barrières aux entreprises souhaitant se tourner vers le Big Data. Celles qui ont décidé de partir en guerre à la donnée s’arment généralement techniquement (logiciels dédiées, etc.) mais peuvent rencontrer des difficultés à lever une armée. Les conférences dédiées sur le Big Data et notamment au recrutement de ces soldats sont un excellent moyen pour ces entreprises de comprendre les difficultés rencontrées et d’échanger autour des bonnes pratiques actuellement en vigueur.

Maël Murta et Sébastien Videt