18/06/13

LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS, NOUVEAUX CHAMPIONS DES MARCHÉS CONCURRENTIELS ?

La question peut sembler paradoxale, ou tout au moins provocatrice. Pourtant, nombre d’établissements publics interviennent sur les marchés concurrentiels, sur lesquels ils occupent parfois une position de premier plan. Comment s’explique ce succès ? Quelles sont les forces / faiblesses spécifiques de ces organisations sur les marchés concurrentiels ?

 

Une opposition conceptuelle à dépasser

Initialement conçus pour assurer un service public, s’appuyant sur la notion d’intérêt général, les établissements publics évoluent a priori dans une sphère où les notions de marché et de concurrence n’ont pas place. S’il a pu en être ainsi, la situation actuelle est toute autre et les établissements publics de l’État interviennent largement dans le champ concurrentiel. Quelques exemples permettent de s’en convaincre : l’IGN (Institut Géographique National) est-il ainsi le co-leader du marché français  des cartes papier avec Michelin ; le Cned (Centre National d’Enseignement à Distance) vend quant à lui un large catalogue de formations et est leader de l’enseignement à distance en Europe.

Concrètement, les établissements publics qui interviennent dans le champ concurrentiel font face à une dualité interne : d’une part, ils accomplissent une mission de service public pour laquelle ils reçoivent une dotation sous forme de subvention ; d’autre part, ils sont acteurs du marché et y vendent leurs produits pour assurer leur autofinancement.

Malgré une séparation comptable, culturelle, et parfois même organisationnelle entre ces deux aspects, des interactions existent inévitablement et donnent à ces acteurs originaux un positionnement concurrentiel non dénué d’atouts.

Le label « Service Public », un actif à valoriser ?

Au premier rang de ceux-ci, la notoriété des organisations en question. Forts d’une existence souvent antérieure à leurs principaux concurrents, ils peuvent bénéficier de niveaux de notoriété inaccessibles aux acteurs privés sans investissements conséquents en communication. D’une certaine manière, les missions de Service Public connues et communiquées aux citoyens agissent comme un produit d’appel pour les activités concurrentielles auprès de ces mêmes citoyens, mais cette fois-ci en position de client. Après avoir consulté gratuitement les bases cartographiques de l’IGN sur le site geoportail.fr (relevant de la mission de Service Public, donc subventionné), quoi de plus naturel que de se tourner vers l’IGN pour acheter une carte routière ou de randonnée ?

Non seulement la notoriété est importante, mais aussi est-elle souvent positive. Sont ainsi fréquemment associées aux établissements publics les notions de confiance et de qualité. L’appartenance, au moins pour partie, à la sphère publique joue ici le rôle d’un label de qualité. Même si le service n’est plus rendu au citoyen gratuitement, mais au désormais client contre paiement, les valeurs positives véhiculées par la « marque » sont associées à l’ensemble de son offre, service public réglementé et champ concurrentiel.

Une culture commerciale à développer

Toutefois, il est des aspects du statut et de la culture d’établissement public qui représentent des obstacles au développement sur le marché concurrentiel.

Le statut tout d’abord. Par leur rattachement sous tutelle à un ministère, les établissements publics ne sont pas totalement libres de l’ensemble de leurs décisions de gestion. La fixation des prix notamment, décision majeure s’il en est, est encadrée et doit être soumise à validation du ministère de tutelle. Au-delà de la décision en elle-même, c’est avant tout le processus y conduisant qui peut s’avérer contraignant, par la longueur de la chaîne de décision et le manque de réactivité associé. Or, sur un marché où le prix est un élément capital de choix pour le consommateur, il est crucial pour toute organisation de pouvoir les ajuster aisément.

La culture ensuite. Même si en théorie les missions sont séparées, certains réflexes prévalant pour l’exercice de la mission de Service Public sont souvent transposés dans le champ concurrentiel. La réticence fréquemment opposée aux actions de communication et de publicité peut conduire à des budgets de communication parfois 3 à 5 fois inférieurs à ceux des concurrents directs en pourcentage de chiffre d’affaire. Conséquence logique, les produits souffrent d’un manque de visibilité, en contradiction avec la notoriété importante dont bénéficie la marque.

En conclusion…

Les établissements publics disposent d’atouts non négligeables qu’ils peuvent valoriser. En conservant l’appartenance à la sphère publique en ce qu’elle a de rassurant pour le client, il leur importe toutefois de prendre un virage culturel. Autrefois simple « usager », le désormais « client » a des attentes spécifiques non seulement sur l’offre mais sur son mode de délivrance (canaux, packaging, …) et les services associés. Travailler à l’optimisation de l’expérience client, en mettant le client au centre des préoccupations, est certainement la clé pour assurer un développement réussi d’un établissement public sur les marchés concurrentiels.