08/07/19

Une marque doit-elle forcément lancer un site e-commerce ?

Dans l’étude réalisée par la Fevad (Comment les marques investissent l’e-commerce ?), « 82% (des marques) déclarent que lancer son propre site de vente en ligne est le meilleur moyen pour une marque de réussir sa stratégie e-commerce ».

Selon nous, une stratégie « e-commerce » réussie ne rime pas forcément avec le développement de son propre site e-commerce.

C’est vrai qu’il est facile pour les marques de se laisser tenter lorsqu’on voit le nombre de prestataires de services prêts à les conseiller et à les accompagner au développement de leur propre site e-commerce, très souvent leur promettant une croissance rentable à moyen terme ou une perte de part de marché si elles n’y vont pas.

Chez VERTONE, nous avons réalisé une étude en 2019 sur un périmètre de 230 marques de PGC alimentaire, qui montre que même sur l’alimentaire (secteur encore peu mature en e-commerce), 38% des marques étudiées possèdent un e-shop.

Cependant, quand on y regarde de plus près, les promesses ne semblent pas tenues :

  • La plupart des sites e-commerces (de marque) ne sont pas rentables
  • Leur trafic est faible (voir très faible), notamment face aux mastodontes du web (Amazon, Booking, UberEats, Facebook, Instagram…). Une étude Wunderman Thompson Commerce, précise d’ailleurs que 79 % des internautes aux US cherchent d’abord leurs produits sur Amazon plutôt que sur les moteurs de recherche ou d’autres sites de ventes
  • La CVP (Customer Value Proposition) est souvent floue voire inexistante, car les objectifs ne sont pas clairement posés ou difficilement atteignables.

Alors il est vrai que les 2 premiers points sont légèrement « optimisables » sur du court terme via différentes techniques que proposent d’ailleurs très bien ces mêmes prestataires de service (le business a l’air lucratif !). En revanche pour la CVP, c’est bien plus complexe. Car finalement pourquoi un client se rendrait sur un site de marque de PGC pour y acheter son paquet de biscuits ou sa crème solaire ? Le parcours le plus courant reste encore aujourd’hui celui de la grande distribution ou de la distribution spécialisée (que ce soit en ligne ou en magasin).

Attention, notre recommandation n’est pas qu’une marque ne doive pas faire de e-commerce ! Nous pensons cependant qu’il ne faut pas forcement partir sur un site Direct-to-Customer trop vite et qu’il faut au préalable se poser quelques questions clés.

 

  • Quelle est la notoriété de ma marque ? Si des concurrents (ou même des distributeurs) sont plus connus que moi, cela va être difficile d’émerger en direct face à eux. Les investissements média vont donc vite devenir importants et la rentabilité ne sera pas au rendez-vous

  • Ai-je un site vitrine de marque sur lequel capitaliser ? Investir en trafic naturel sur mon site de marque pour driver du trafic sur mon site e-commerce dans un second temps, sera moins couteux que de lancer rapidement mon site e-commerce et par la même occasion devoir investir fortement en e-marketing.

  • Quelle est ma présence sur les réseaux sociaux ? Si je suis présent sur les différentes plateformes sociales telles que Facebook, Instagram, SnapChat…, cela me permet de capitaliser sur ce trafic pour gagner en visibilité, notoriété et pourquoi pas aussi, driver du trafic naturel / organique sur mon site e-commerce (dans un second temps)
  • Quel est le poids du e-retail dans mon business actuel et sur mon marché ? Le e-retail pèse souvent plus que l’e-commerce en direct pour une marque. Capitaliser sur ce canal devrait donc être une priorité. En effet, quel hôtelier aujourd’hui ne propose pas de nuitées sur Booking, de compagnies aériennes sur les comparateurs de vols, de restaurateurs sur UberEats, de petits distributeurs/revendeurs ou marques sur Amazon – à l’exception de certaines marques de Luxe) ; me couper de ces carrefours d’audience, devenus incontournables, semble donc inconcevable. Et même si ces intermédiaires impactent ma marge, via des commissions non négligeables, ils me permettent d’être top-of-mind des clients et a minima de gagner en visibilité et ainsi de faire des ventes additionnelles.
  • Quelle est ma capacité d’investissement ? Lancer une activité e-commerce ne revient pas à lancer un site vitrine. Cela nécessite une logistique dédiée, un service client, des compétences spécifiques à acquérir (e-CRM, e-merchandising, e-logistique…), un système d’information à faire évoluer entre mes magasins et mon site (pour être omnicanal)… Sans investissement conséquent, il vaut mieux ne pas me lancer dans l’aventure.

En synthèse, la bonne stratégie pour une marque ne réside pas forcément dans le lancement d’un énième site e-commerce.

Selon l’objectif, la stratégie ne sera pas la même et les leviers à actionner également. Au-delà de l’objectif de CA additionnel qui est clairement le plus difficile à atteindre et qui passe nécessairement par une forte différenciation, les marques peuvent également chercher à travers l’e-commerce direct à créer un lien direct avec le consommateur mais aussi à recruter de nouveaux clients, à améliorer son image et sa notoriété.

Les alternatives à un stratégie e-commerce directe sont selon nous multiples :

  • Optimiser sa présence sur le e-retail
  • Savoir tirer parti des réseaux sociaux pour gagner en visibilité
  • Capitaliser sur un (ou plusieurs) site(s) vitrine(s), notamment pour ensuite driver du trafic sur son site e-commerce (de manière rentable dans un second temps)

Finalement, la décision de se lancer sur l’e-commerce en direct nécessite (au-delà des investissements financiers et humains) de définir une proposition de valeur différenciante selon l’objectif recherché. Quelques exemples de leviers différenciants :

  • Créer du lien avec le consommateur final en mettant par exemple ses collaborateurs en avant sur le site (ex : Nature Addict) ou via la co-construction produits (comme le fait par exemple Lego avec sa plateforme online)
  • Proposer des produits exclusifs (comme la gamme Made for you de Bic ou encore les produits exclusifs Bonne Maman)
  • Proposer un service à valeur ajouté, de type :
    • La livraison et l’abonnement: avec Evian chez vous qui permet de se faire livrer à domicile en abonnement (ou non) ses packs d’eau
    • La personnalisation de produits: Coca, Evian, M&Ms, Gemmo (joaillerie premium accessible en ligne)
    • Des expériences inédites: visites d’usine ou d’ateliers (Galette Saint Michel)

Et pourquoi pas aller jusqu’à réfléchir à de nouveaux business models : box d’abonnement, financement participatif dans l’élaboration de produits, vente de produits de seconde main… toutes ces initiatives qui seront selon nous toujours bien plus impactantes que de lancer un e-shop « classique ».

 

Article rédigé par Pierre Brun