16/02/23

New retail #2 – L’ultra-personnalisation au cœur de la proposition de valeur client : entre opportunité de fidélisation et risque de confidentialité

Devenue un incontournable de la relation client, la personnalisation est un enjeu majeur à adresser pour les marques afin de fidéliser, mais elle est également devenue une composante essentielle de la valeur perçue du produit ou du service par les consommateurs.

Plus qu’un avantage concurrentiel, la personnalisation est devenue un attendu : 76% des consommateurs expriment de la frustration face à la standardisation de leur expérience (source LSA). Cette personnalisation « choisie » s’oppose à une personnalisation perçue comme « subie » quand elle résulte de l’exploitation massive des données personnelles « tracking ».

Afin de répondre au besoin de distinction et de singularité du consommateur, les marques ont donc l’injonction paradoxale d’innover pour personnaliser leur offre à tous les moments de vie du client, et ce tout en évitant les risques de défiance.

Pour y parvenir, les marques peuvent exploiter 4 principaux leviers et atteindre un niveau plus ou moins important de personnalisation, en fonction des moyens et de la qualité de la donnée à disposition, jusqu’à tendre parfois vers l’hyperpersonnalisation quand le dispositif mis en place repose sur une connaissance fine, voire « intime » du client, de ses désirs et habitudes de vie.

1/ Impliquer le consommateur grâce à l’individualisation du produit

Le chiffre à retenir : 41% des consommateurs se déclarent prêts à payer davantage pour un produit personnalisé selon leurs envies et besoins (source : Les Echos).

La personnalisation du design du produit constitue un premier niveau d’individualisation. Au sein de son nouveau flasgship Lacoste Arena, la marque de fashion-sport française a déployé plusieurs options de customisation pour ses clients, certaines ponctuelles, et d’autres permanentes. Les clients peuvent d’abord bénéficier d’options de customisation dans l’espace permanent My Lacoste pour certains modèles de polos, de sacs et également de chaussures : en moins d’une heure et pour un prix additionnel variable en fonction du produit, les clients peuvent jouer sur le logo de la marque, ajouter des broderies ou encore personnaliser leurs lacets et boucles de lacets en fonction de leurs préférences. Certains week-ends, la marque invite également des artistes pour imaginer des éléments de personnalisation pour des modèles de chaussures, dans une approche plus créative. Dansun secteur du luxe de plus en plus standardisé, Gucci a lancé un service DIY destiné à customiser certaines pièces emblématiques de la marque, permettant au client d’être impliqué dans le processus créatif, en ajoutant à son produit des broderies, détails, finitions, ou encore ses propres initiales.

Sur un niveau plus avancé de personnalisation, certaines marques dans la beauté utilisent la technologie pour permettre à leurs clients d’adapter la composition des produits sur la base d’un diagnostic sur-mesure, à l’instar du fond de teint lancé par Lancôme « Custom Made Foundation ».

Enfin, au-delà du produit, les marques peuvent également jouer sur la personnalisation du packaging : Guerlain a ainsi lancé un parfum sur-mesure pour lequel le client peut choisir les fragrances, la concentration ainsi que le design du flacon.

2/ Attirer et retenir le client avec l’adaptation et l’ultra pertinence du contenu

Le chiffre à retenir : la première page affichée sur un site e-commerce représente 74% des ventes (source : étude AB Tasty, 2019).

La pertinence du contenu passe d’abord par la connaissance et l’exploitation des caractéristiques du consommateur. Par le biais d’un questionnaire précis, Asos propose un affichage personnalisé pour aider ses clients à choisir la pièce idéale en fonction de leurs mensurations, de leur style ou marque préférée. En allant un cran plus loin, Adidas a lancé L’Adiclub, un programme de fidélité affinitaire autour du profil sportif du client et de ses objectifs, avec à la clé des récompenses personnalisées.

La qualité des données récoltées par les marques sur les habitudes de leurs clients peut également leur permettre d’adapter leur contenu. Par exemple, Netflix est connu pour adapter les visuels des contenus proposés sur sa plateforme en fonction des préférences de consommation des utilisateurs : un même contenu pourra ainsi être présenté sous un angle différent (comédie, romance, action etc.) selon les profils. La connaissance fine des habitudes des clients peut également permettre aux marques de personnaliser leurs offres marketing, comme lorsque Monoprix propose des promotions ciblées et personnalisées dans son programme de fidélité.  

Si les potentialités offertes par l’utilisation des données clients sont vastes, bien qu’encore relativement peu exploitées, on peut imaginer que l’évolution récente de la réglementation portée par la CNIL, qui impose désormais aux marques de recueillir le consentement explicite et spécifique des internautes pour la collecte de leurs données via les cookies, pourrait dégrader la qualité des données disponibles et ainsi constituer un frein pour la personnalisation du contenu.

3/ Se rappeler au client en individualisant l’expérience pendant et en dehors de l’acte d’achat

Le chiffre à retenir : 97% des consommateurs disent vouloir continuer à se rendre dans des magasins physiques, non pas pour acheter, mais pour y vivre des expériences, se divertir, et se socialiser avec leurs pairs (source : Etude AB Tasty, 2019).

Dans un contexte de digitalisation massive des habitudes de consommation, notamment pour les plus jeunes générations, les options de customisation et de personnalisation offrent aux marques un moyen de réenchanter l’expérience client, notamment en boutique en optimisant le drive-to-store.

Le Printemps a ainsi déployé dans ses magasins une série d’initiatives pour développer une relation personnalisée avec ses clients : un maillage d’experts à chaque étage pour orienter les clients ou procurer des conseils mode, un quiz en ligne intégré au service de personal shopping permettant de sélectionner un conseiller dédié en fonction des réponses du client, ou encore un service VIP à destination du segment ultra-luxe. Le passage du client en boutique peut également être motivé par la promesse d’un accueil et d’une expérience « sur-mesure ». Chanel a mis en place un dispositif omnicanal grâce à une application disposant d’une interface client, lui donnant accès à un catalogue étendu ainsi que des fonctionnalités innovantes (reconnaissance de produits, wishlist), et d’une interface pour le vendeur, permettant à ce dernier de préparer la venue de son client en boutique pour lui offrir une expérience individualisée grâce aux préférences indiquées. Au-delà des espaces physiques de vente, l’individualisation de l’expérience client se joue également dans les espaces digitaux et notamment dans le métaverse. La chaîne de restauration mexicaine rapide Chipotle a ainsi ouvert un restaurant virtuel et y propose des expériences ludiques. Pour tenter de remporter quelques Bucks (monnaie virtuelle échangeable sur l’app Chipotle Chipotle.com), les adeptes de plats mexicains peuvent ainsi s’essayer au roulage de burritos dans le métaverse, tout un programme !

4/ S’appuyer sur la personnalisation pour répondre aux enjeux RSE : le futur du retail ?

Le chiffre à retenir : 72% des consommateurs disent modifier leurs habitudes en faveur d’une consommation plus responsable (source : baromètre de la consommation responsable, Greenflex, 2021).

La personnalisation de l’offre peut enfin constituer un véritable atout pour les marques dans le déploiement d’une stratégie de développement durable, notamment lorsqu’elle est alliée à l’innovation. À l’avant-garde du retail, certaines marques ont ainsi déployé des modèles reposant sur le sur-mesure et visant à concilier création de valeur et croissance responsable.  Pour lutter contre la surconsommation et produire « à la demande », la marque de textile Asphalte propose un modèle de vente inversé dans lequel une première phase vise à valider un prototype en co-construction avec les clients, puis une deuxième phase à produire le prototype en série limitée sur la base d’un nombre de pré-commandes.

Au sein de l’écosystème élargi du retail certaines parties prenantes à la relation marques-consommateurs capitalisent sur une connaissance fine des clients et de leurs habitudes de vie pour promouvoir des modes de consommation plus vertueux. La fintech Doconomy exploite les données bancaires des clients et propose une carte carbone avec des options d’alerte et de blocage une fois un certain quota carbone dépassé. Dans la sphère publique, la ville finlandaise de Lahti récompense ses citoyens en bons d’achat grâce à l’application Citi app, en fonction du bilan carbone de leurs déplacements.

Conclusion : vers une personnalisation engagée portée par des marques citoyennes ?

Si la richesse des exemples montre l’effervescence de l’innovation dans la personnalisation de l’offre des marques, elle pose néanmoins la question de la surenchère et des limites éthiques de ces stratégies. Comment affirmer sa différence quand tous les concurrents proposent un même niveau d’individualisation des produits et de l’expérience et comment identifier la limite entre un bénéfice pour le client et une utilisation problématique de données personnelles à des fins commerciales, pouvant produire des effets de défiance contre-productifs ?

L’avenir de la personnalisation semble se trouver dans une relation bilatérale fondée sur le consentement du consommateur concernant l’exploitation de ses données (personnalisation choisie). Finalement, que ce soit dans les moyens ou la fin, la personnalisation doit bien s’intégrer dans un rôle citoyen des marques et non pas uniquement comme pure stratégie marketing.

Retrouvez également notre premier article de la série New Retail sur le juste prix et le paradoxe du consommateur et notre troisième article sur les clients ultra-connectés et l’exigence d’instantanéité.

Un article rédigé par

Lucie Ozon, Consultante

Fanny Moulin, Manager
Mathilde Jardin, Senior Manager