15/06/18

Mobility as a Service : enjeux et opportunités pour les acteurs historiques de la mobilité

Mobility as a Service (MaaS) est un concept de mobilité récent visant à l’intégration de modes de transports publics et privés pour proposer une offre multimodale accessible depuis une plateforme mobile unifiée. Ce concept comporte des implication techniques et partenariales. Le marché du MaaS est naissant et actuellement porté par des start-ups spécialisées dont les solutions sont progressivement testées et déployées dans quelques villes, majoritairement européennes.

Les opérateurs historiques du transport et les autorités organisatrices (AO) se trouvent donc face à la décision de leur positionnement sur ce marché. Bien que la volonté d’un tel positionnement soit souvent affirmée, ses modalités restent floues ou non éprouvées. De nombreuses questions sur l’organisation et le modèle économique du MaaS restent à lever.

L’opportunité d’une bascule servicielle pour les opérateurs de transports

Les opérateurs de transport, notamment en France, ont depuis longtemps étendu leur offre en proposant des services aux voyageurs en complément de l’exploitation des réseaux. Ces services sont parfois intégrés aux délégations de service public (DSP) concédées par les AO. Face aux demandes spécifiques de chaque territoire, les opérateurs développent des solutions adaptables aux différents environnements.

Les pure players MaaS, souvent des start-ups, proposent des solutions à la flexibilité limitée et dont la viabilité économique est basée sur la réplication à l’identique dans de nombreuses villes. A l’inverse, les opérateurs de transport, par leur connaissance des autorités du transport, des territoires et leur capacité d’adaptation, disposent d’arguments importants et d’une légitimité incontestable pour se positionner sur le marché du MaaS. De plus, les réseaux dont ces opérateurs assurent la gestion constituent des potentiels laboratoires pour expérimenter en conditions réelles de nouveaux services.

Se pose alors la question du modèle d’organisation de l’offre MaaS d’un opérateur de transport. En dehors de l’intégration inévitable de services privés non détenus en propre, l’opérateur doit faire le choix de proposer ce nouveau service comme composante d’une DSP (comme l’a fait Transdev à Mulhouse avec le « Compte mobilité ») ou comme une offre à part entière. Cette dernière solution entraine une bascule de l’opérateur vers un rôle de fournisseur de service qui pourrait être déployé dans des réseaux qu’il n’opère pas nécessairement.

Le rôle potentiellement central des autorités organisatrices de mobilité

Le rôle des AO peut être variable dans un système MaaS. Certaines affichent une volonté claire de garder le contrôle sur les services proposés aux voyageurs. La ville de Vienne, par exemple, dispose d’un service de mobilité intégrant de l’information et du ticketing mobile. Ce service est géré par une filiale de l’autorité des transport Viennois. Ce mode d’organisation est cependant marginal.

De nombreuses initiatives orientées vers une plus grande intégration des modes et des territoires peuvent être mises au crédit des AO. Korrigo, la carte des transports bretons, donne accès aux transports de villes distantes de plusieurs centaines de kilomètres mais également à des bibliothèques, cinéma, etc. A l’international, des initiatives prometteuses peuvent être citées : le système de ticketing national hollandais « OV » ou encore le projet de billettique unifiée entre la Finlande et L’Estonie.

Les AO adoptant une position passive ou attentiste sur le MaaS gardent cependant le contrôle sur le développement des transports de leur territoire. Les modes publics demeurant le cœur d’une offre MaaS, un acteur spécialisé ne pourrait se lancer sans avoir noué un partenariat avec l’autorité de transport locale pour l’intégration de l’offre publique.

Les autorités organisatrices de transport les plus matures sur les problématiques digitales et d’intermodalité sont donc également légitimes pour se positionner sur le MaaS. Les situations sont cependant différentes d’un territoire à l’autre, tout comme la volonté d’une telle implication. A plus long terme, il est également envisageable de voir la forte influence des AO remises en question par des instances nationales, en vue de l’intégration des services de mobilité à une échelle géographique beaucoup plus large (nationale voire transnationale).

Un concept au modèle économique non-arrêté

Au-delà de la technique, les défis qui attendent un porteur de projet de MaaS sont relatifs à la gouvernance et au modèle économique. En effet, le lancement d’une telle offre nécessite de mettre autour de la table l’ensemble des transporteurs, afin qu’ils acceptent de partager leurs données, et de trouver un modèle économique viable pour tous.

Les pure players du secteur tels que Whim (Finlande) ou UbiGo (Suède) se basent essentiellement sur un modèle de commissions prélevées aux opérateurs privés et publics pour chaque trajet effectué. La viabilité du modèle dépend de sa capacité à être répliqué et à attirer de nombreux clients. Un modèle d’achat en gros et de repricing des services est également envisageable, permettant une rentabilité supérieure au prix d’un certain risque économique.

Dans le cadre réglementaire français, un MaaS géré par un opérateur de transport serait probablement partiellement financé par une DSP plus large ou par l’ouverture d’un marché dédié à ce service. L’organisation du MaaS étant très dépendante de celle des modes de transport qu’il intègre, il est probable que des business models hybrides, s’adaptant à leur environnement, apparaissent. Ces derniers comprendraient des sources de revenus évoquées ci-dessus, mais également des revenus complémentaires.

Pour aller plus loin :