Les nouvelles tendances de consommation et initiatives qui impactent l’agroalimentaire
La transformation du monde agricole s’explique pour partie au moins par les évolutions des attentes de consommation alimentaire des Français vers le « mieux manger ». Une alimentation saine et respectueuse de l’écosystème ne semble jamais avoir autant préoccupé les Français et de nombreuses initiatives sont en cours. C’est ainsi l’ensemble du secteur de l’agroalimentaire qui doit s’adapter pour bâtir une chaîne de valeur complète et cohérente.
Une consommation plus saine et de meilleure qualité
Le succès du bio
Avec des surfaces agricoles qui ont doublé en 5 ans, l’agriculture biologique se répand de plus en plus le territoire national. Elle a recours à des pratiques de culture et d’élevage soucieuses du respect des équilibres naturels, qui exclut l’usage des produits chimiques de synthèse, des OGM et limite les intrants. Depuis 10 ans, les exploitations agricoles engagées dans l’agriculture biologique ont triplé en France et représentent désormais 10% des exploitations françaises (source : Statista).
Les produits bios font désormais l’unanimité. En 2019, ils étaient responsables de 93% de la croissance des produits de la grande consommation en France et ont vu leur chiffre d’affaires progresser de 19% (source : Alimentation Santé). Leur gamme (frais et épicerie) n’a jamais été aussi présente dans les points de vente de nos supermarchés. L’apparition de nouveaux magasins bio spécialisés (Biocoop, Naturalia, La Vie Claire, Bio C’ Bon, …) renforce le succès spectaculaire du bio en France.
L’émergence de nouveaux modes d’alimentation
En parallèle de ces évolutions, les allergies alimentaires deviennent une préoccupation majeure de santé publique. Selon les chiffres de l’Agence Nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), 3,5% des adultes et 8% des enfants présentent des allergies alimentaires.
Opposée à la Junk Food, la Healthy Food prend de l’ampleur depuis plusieurs années avec plusieurs mouvements alimentaires qui la caractérisent : fléxitariens, végétariens, végans, sans gluten, antiallergiques…
Sur le marché des produits frais (marée, viande, volaille, charcuterie-traiteur, fromages, fruits, légumes et pomme de terre), les fruits et légumes tirent leur épingle du jeu. En 2019, les sommes dépensées par les ménages pour leurs achats de fruits et légumes frais ont augmenté de + 2,2 %, malgré une inflation des prix de 1,4 % et une hausse en volume de 0,7%, soit plus que l’inflation (+1.4%) (Source : France AgriMer).
Reconnues pour leur intérêt nutritionnel, les protéines végétales continuent d’envahir les rayons des supermarchés, au détriment des protéines animales. Soucieuse d’une alimentation plus saine, la tendance du végétal semble donc s’installer durablement dans notre consommation. Selon une étude de Xerfi, les ventes de produits végétariens et végans dans les grandes et moyennes surfaces (GMS) françaises en 2018 ont généré un chiffre d’affaires en hausse de + 24%.
Une vigilance renforcée à la qualité et la provenance des produits
De plus en plus vigilants et adeptes du « contrôle qualité » des produits alimentaires qu’ils achètent, les consommateurs privilégient les produits pas ou peu transformés, avec un regard actif vis-à-vis des apports nutritionnels et bienfaits des aliments (sans conservateur, sans OGM, sans nitrite, sans additif, sans colorant, sans antibiotique, sans lactose, mais aussi sans sel, sans sucre et plus récemment « zéro résidu de pesticides »). Le décryptage de la composition des formules présentes sur les étiquettes est devenu un comportement nouveau lors d’un achat et met en avant une défiance des consommateurs envers les industriels. Avec plus de 12,5 millions d’utilisateurs en France en 2020, le succès de l’application Yuka symbolise parfaitement cette nouvelle tendance.
Enfin, la traçabilité alimentaire reste toujours autant une priorité aux yeux des Français. Les scandales alimentaires des dernières décennies n’ont cessé d’augmenter notre désir de connaître l’origine des produits consommés, leur mode de fabrication et de production. En gage de qualité, des labels apparaissent désormais sur la plupart des emballages afin de promettre des produits de meilleure qualité (ex : Label Rouge), bons pour la santé (ex : BLEU-BLANC-CŒUR) et pour l’environnement (ex : AB).
Une consommation plus responsable et respectueuse de l’environnement
La (re)naissance de modes de production de cultures durables
L’agroforesterie est une initiative importante en matière de mode de production en France. Elle permet de redécouper des formes anciennes et traditionnelles de polyculture-élevage, constitutives du bocage, et plus récemment des plantations d’arbres en alignement à l’intérieur des parcelles. Ses bienfaits sont nombreux : diversification des productions, bien-être animal, lutte contre l’érosion ou encore rétention en eau des sols.
La permaculture également a le vent en poupe et permet de développer une culture en totale harmonie avec son environnement, tant en espèces végétales qu’animales.
La lutte contre le gaspillage alimentaire s’intensifie…
La France est aussi pionnière dans la lutte contre le gaspillage alimentaire et est le premier pays, à se doter d’une législation aussi forte dans ce domaine. Entrée en vigueur en 2018, la loi Garot oblige chaque supermarché de plus de 400 m² à rechercher un partenariat avec une association d’aide alimentaire pour lui céder ses invendus alimentaires, au lieu de les jeter ou de les détruire. Plusieurs initiatives notables ont découlé de cette loi : redistribution de repas à des associations caritatives, création de startups spécialisées dans la gestion des invendus alimentaires (Too Good To Go, Meal Canteen, Optimiam…). Cette lutte anti-gaspillage alimentaire va également s’étendre dans les prochains mois à la restauration collective et à l’industrie agroalimentaire qui devront, elles aussi, proposer leurs invendus aux organismes de dons alimentaires (source : Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation).
… ainsi que celle contre la réduction du plastique
Face à une demande pour une réglementation plus responsable, la réglementation mise en place évolue également pour la réduction de l’utilisation d’emballage en plastique. Depuis le 1er janvier 2020, la mise à disposition des ustensiles à usage unique en matière plastique est interdite et avant 2025, l’utilisation de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe ou de service en matière plastique sera également interdite dans les services de restauration collective d’établissements scolaires et universitaires.
En outre, le marché des produits en vrac explose. Selon une étude de Nielsen, plus d’un consommateur sur trois achète des produits en vrac et le segment a enregistré une croissance de +41% entre 2018 et 2019 (source : Nielsen).
Une consommation plus sociable
Le made in france
La consommation de produits de « proximité » s’intensifie également. En 2015 déjà, le « made in France » représentait 81 % de la consommation des ménages (source : INSEE). La crise sanitaire a renforcé cette préoccupation majeure d’une gestion trop longue des chaînes d’approvisionnement de nos produits. Elle a redonné du sens à une consommation « locale ».
Les achats de produits régionaux/locaux, déterminés par la saison, deviennent de plus en plus une évidence pour les Français. D’après une étude récente du CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), 75% de consommateurs se déclarent être fortement incités par l’achat de produit régionaux contre 54% en 2008.
La percée de nouveaux modes de production et de distribution : circuit court, locavorisme, agriculture urbaine
Visant à limiter le nombre d’intermédiaires au profit d’une vente directe entre le producteur et le consommateur, le succès de la distribution en circuit court montre également une évolution de notre mode de consommation. Le développement du « locavorisme » (consommation de nourriture produite dans un rayon allant de 100 à 250 kilomètres maximum autour de son domicile) s’intensifie lui aussi. Ce mouvement permet de valoriser le travail des producteurs locaux et d’éviter les transports alimentaires trop longs et trop coûteux (énergie, empreinte carbone).
L’agriculture urbaine s’accroît elle aussi. Celle-ci consiste à pratiquer une activité agricole au cœur des villes, dans des caves aménagées à la manière des serres, des containers, sur des toits-terrasses ou via des cultures verticales. A titre d’exemple, la plus grande ferme urbaine d’Europe, d’une surface de 14 000 m2, a été inaugurée à Paris en avril 2020. A terme, cette ferme a pour objectif de produire jusqu’à une tonne de fruits et légumes par jour en haute saison.
Le commerce équitable toujours en vogue
Les achats de produits issus du commerce équitable séduisent toujours plus les Français. En 2018, le commerce équitable a affiché une croissance de +22% (source : Commerce Equitable France). Offrant une rémunération plus juste pour les producteurs, le commerce équitable permet d’investir dans des méthodes de production davantage adaptées à la transition écologique.
Tout semble laisser croire que les consommateurs français veulent de la qualité (bio, éco-responsable, locale) et sont prêts à y mettre le prix.
Ces nouvelles tendances de consommation peuvent-elles peser sur les accords CETA ou Mercosur, qui pourraient faire entrer en France des produits alimentaires basés sur un tout autre type d’agriculture ?
Un article rédigé par Henri Dousset