Les acteurs du transport face aux impératifs de l’adaptation climatique : défis stratégiques et opportunités

Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a récemment souligné la nécessité pour toutes les grandes entreprises publiques de présenter un plan détaillé d’adaptation au changement climatique d’ici la fin de l’année 2024.

Alors que la réduction de l’impact environnemental et social est un objectif bien intégré dans le développement durable, le défi de l’adaptation au changement climatique reste quant à lui encore peu pris en compte dans les stratégies de développement des acteurs de la mobilité.

L’adaptation aux changements climatiques englobe toutes les initiatives et mesures prises pour réduire la vulnérabilité aux effets des changements climatiques déjà observés ou prévisibles. C’est une opportunité pour les opérateurs de la mobilité de répondre aux attentes croissantes des pouvoirs publics en matière de durabilité et de se démarquer en tant qu’acteurs proactifs et responsables auprès des usagers. VERTONE a ainsi identifié 4 défis majeurs en lien avec l’adaptation au changement climatique pour les opérateurs de transports.

1. La résilience opérationnelle face aux impacts des aléas climatiques sur la performance des infrastructures de transport

Face à des conditions météorologiques extrêmes, les opérateurs de transport sont confrontés à de nouveaux défis opérationnels pour assurer la performance des infrastructures et des matériels roulants. Dilatation des rails, inondations, feux de talus et surchauffe, peuvent engendrer des problèmes de performance majeurs tels que des retards, des interruptions, des correspondances perturbées ou des annulations de voyages.

Afin d’identifier et d’anticiper ces risques, certaines initiatives sont mises en œuvre pour penser des infrastructures résilientes. Keolis a par exemple développé un tapis végétal le long de la nouvelle ligne de tramway T9, à Paris. Ce tapis permet d’absorber la chaleur tout en optimisant les quantités d’eau d’arrosage nécessaires grâce à des plantes locales sélectionnées et peu gourmandes en eau.

À New York, la Metropolitan Transportation Authority (MTA) a mis au point un système de « portes flexibles » afin de rendre hermétique l’entrée des bouches de métro en cas de pluies diluviennes, prévenant ainsi les risques d’inondation en station.

Par ailleurs, en prévention et face à la multiplication des pannes en cas de forte chaleur, SNCF Réseau peint en blanc certains locaux techniques installés le long du réseau en Occitanie. Par ailleurs, la SNCF Réseau utilise un outil de prédiction de la température du rail, afin de prendre des mesures de réduction de la vitesse des trains en cas de risque de déformation de la voie associée à un épisode de canicule.

2. L’adaptation des conditions de travail pour les métiers exposés à l’intensité des aléas climatiques

Aujourd’hui, l’augmentation des températures et l’intensification des phénomènes climatiques exposent les travailleurs à des conditions susceptibles de provoquer fatigue et épuisement, augmentant ainsi les risques d’accidents professionnels. De plus, les effets délétères de la chaleur sur les capacités et l’efficacité des travailleurs constituent un coût économique peu évalué.

Une reconsidération des conditions de travail s’impose pour garantir la résilience des travailleurs, en assurant le confort thermique des infrastructures et en fournissant des équipements adaptés.

Afin d’adapter les conditions de travail, certains acteurs de la mobilité veillent à garantir l’accessibilité à l’eau en cas de fortes chaleurs, comme Grand Reims Mobilités (Ex CITURA), opéré par Transdev, qui organise des distributions de brumisateurs aux conducteurs de bus. D’autres adaptent le code vestimentaire, la RATP permet ainsi aux conducteurs de bus de Paris de porter un bermuda en cas de fortes chaleurs.

3. L’Adaptation de l’expérience voyageur pour assurer le confort et la qualité de l’information malgré les conditions climatiques variables et les perturbations réseau fréquentes

Le réchauffement climatique engendre la multiplication des aléas météorologiques majeurs qui paralysent les infrastructures de transport et se traduisent par une augmentation des perturbations réseau et à des interruptions de service. Il devient donc impératif d’accroître la communication avec les voyageurs en cas d’aléas survenus ou prévisibles, en fournissant des informations détaillées sur les conditions de voyage, les retards, les annulations et en expliquant les causes de ces perturbations.

Au-delà de l’effort d’information et afin de garantir la qualité de l’expérience voyageur malgré les perturbations climatiques, certains acteurs mettent en œuvre des solutions pour protéger les passagers de la chaleur, garantir leur confort, et préserver leur santé dans les cas extrêmes. Par exemple, Transdev expérimente à Montpellier des arrêts de bus éco-conçu, fournissant une ventilation naturelle, un espace ombragé et un mécanisme d’évapotranspiration pour améliorer le confort des passagers en période de fortes chaleurs.

La RATP quant à elle met en place un plan d’action spécifique afin de relayer les messages et actions de prévention gouvernementales auprès des usagers (comprenant l’augmentation des effectifs l’été pour accompagner et aider les voyageurs, le rappel des messages de prévention par les agents, la distribution de briques d’eau et d’éventails dans 23 points fréquentés ainsi que le déploiement à venir de fontaines à eau).

4. L’adaptation du business model face aux conséquences du changement climatique

À l’heure actuelle, peu d’études se penchent sur les projections de l’impact du changement climatique sur l’affluence dans les réseaux de transport. Le changement climatique pourrait entraîner une baisse du nombre de voyages réalisés, en conséquence des contraintes subies par les opérateurs (pannes, retards…) et les voyageurs (confort…).

Anticiper les répercussions sur la fréquentation et les recettes nécessite une modélisation approfondie et la mise en place de systèmes de surveillance et de monitoring. Les opérateurs doivent se préparer à une possible diminution des taux de fréquentation et des recettes et se questionner sur l’adaptation de leur modèle économique.

Conclusion

De manière générale, les initiatives recensées dans le secteur du transport sont relativement ponctuelles, avec une absence notable d’approches globales ou de stratégies transversales de la part des acteurs étudiés (transporteurs, villes).

Les efforts innovants se concentrent principalement sur les infrastructures de transport, laissant la dimension de l’expérience collaborateur et client assez peu explorée. Les actions et initiatives déployées à l’attention des voyageurs sur cette question sont principalement orientées vers la prévention des risques, en réaction aux conséquences du changement climatique et alignées sur les discours politiques de sensibilisation. Il semble pourtant aujourd’hui nécessaire d’adopter une stratégie plus globale et proactive, afin de démontrer un engagement réel en matière d’innovation, permettant d’améliorer significativement les conditions de voyage des usagers et ainsi limiter le risque de baisse de la fréquentation.

Les mesures d’adaptation dans les villes demeurent souvent partielles et insuffisantes pour répondre aux importants enjeux posés par le changement climatique. Les initiatives actuelles sont souvent fragmentées, manquant d’une vision globale pour aborder les multiples facettes des impacts climatiques. Le coût de l’inaction reste fréquemment négligé, compromettant ainsi la capacité à allouer efficacement les ressources pour l’adaptation.

L’analyse de la dimension économique des impacts du changement climatique émerge comme un axe à étudier pour une compréhension complète des enjeux et des opportunités à intégrer dans les actions futures. Il est essentiel aujourd’hui de réfléchir au développement de stratégies efficaces permettant de gérer les impacts de fréquentation en cas de situation météorologique exceptionnelle. À cet égard, il devient de plus en plus évident que la prise en compte de ces enjeux à un niveau stratégique relèvera d’un facteur différenciant pour garantir la qualité de service et assurer la résilience des organisations face aux défis climatiques en évolution.