Tourisme, la rançon du succès : comment traduire les enjeux de l’overtourisme en opportunités
Une prise de conscience collective des externalités négatives du tourisme de masse
En 2018, 1,4 milliard de touristes ont voyagé à travers le monde (+6% selon la World Tourism Organization). Le développement des liaisons aériennes combiné à des tarifs plus attractifs a stimulé les flux touristiques avec un nouvel attrait pour les séjours courts et le tourisme urbain. Dans le même temps, de nombreux voyageurs fuient la densité et cherchent à sortir des sentiers battus. Cependant, les endroits préservés du tourisme se raréfient sous l’influence des réseaux sociaux et notamment d’Instagram : une photo postée par un influenceur peut rapidement attirer des milliers de visiteurs. Ce nouvel afflux de touristes en quête d’expériences alternatives a pour effet de voir de nouvelles destinations être progressivement prises d’assaut.
Ces nouvelles tendances touristiques ont fait paraître au grand jour des externalités négatives, d’autant plus évidentes aujourd’hui compte tenu de l’importance accordée à la préservation de l’environnement. La croissance fulgurante du tourisme, qui lui vaut parfois le qualificatif d’overtourisme, est devenue une source d’inquiétudes pour les riverains et collectivités mais aussi pour de nombreux voyageurs conscients de leur impact :
- Pollution : le tourisme représente près d’un dixième des émissions mondiales de gaz à effet de serre (Nature Climate Change, Mai 2018)
- Saturation des centres-villes et congestion
- Diminution des logements disponibles en centre-ville, hausse des loyers
- Tensions sociales entre locaux et touristes
- Etc
LES INSTANCES POLITIQUES MULTIPLIENT LES PLANS D’ACTIONS POUR CONCILIER DÉVELOPPEMENT TOURISTIQUE ET DURABILITÉ
Les pouvoirs publics ont déjà mis en place des mesures de plusieurs natures pour contrer les effets de l’overtourisme et préserver le niveau de vie des résidents sans sacrifier leur attractivité et leur développement :
- Restreindre l’accès au centre-ville :
- Amsterdam a interdit les bateaux de touristes dans le centre
- Le centre historique de Rome est devenu une Zone à Trafic Limité aux riverains (et véhicules utilitaires sous conditions), Londres a mis en place un péage urbain pour lequel seuls les résidents bénéficient de 90% de réduction, Paris envisage également un péage urbain réduit voire gratuit pour ses résidents
- Mieux répartir les flux :
- Venise développe l’attractivité de Mestre, village limitrophe et met ponctuellement en place des portiques à des points stratégiques pour réguler les flux de visiteurs
- Barcelone, Bruxelles et bien d’autres attirent les touristes en dehors du centre-ville en jouant sur l’attractivité de la périphérie
- Mettre en place des quotas :
- Dubrovnik a plafonné les entrées quotidiennes dans la vieille ville à 4000 visiteurs
- Santorin régule les bateaux de croisière et a plafonné à 8000 le nombre d’arrivées quotidiennes
- Des quotas ont été mis en place pour le Machu Picchu, le Mont-Blanc, des parcs nationaux et sont en réflexion pour de nombreux sites naturels. En Thaïlande, l’accès à Maya Bay est complètement interdit depuis plusieurs mois et pour une durée indéterminée
- Limiter la multiplication des logements touristiques :
- Amsterdam, Londres ou encore Paris limitent le nombre de nuits de locations sur Airbnb
- Dans le Barrio Gotico de Barcelone, il est interdit d’ouvrir mais aussi d’agrandir un établissement hôtelier, même en cas de reprise d’activité
- Modifier la fiscalité :
- Rome impose une taxe aux bus touristiques
- Amsterdam a augmenté sa taxe de séjour
- Mettre en place des chartes de bonne conduite :
- Amsterdam a lancé une campagne « Enjoy and Respect » pour rappeler les sanctions encourues en cas d’incivilité
- En Islande, il est demandé aux voyageurs de prêter serment devant une charte de protection des sites naturels
POUR LES ENTREPRISES CIBLANT LES TOURISTES, LA PRISE EN COMPTE DE L’OVERTOURISME DANS LA CONCEPTION DE LEUR OFFRE EST UN FACTEUR DE DIFFÉRENCIATION ET UNE OPPORTUNITÉ DE DÉVELOPPEMENT
Pour séduire les instances politiques, les touristes et les locaux, les acteurs économiques peuvent mettre en place tout un arsenal de solutions leur permettant de tirer leur épingle du jeu face à la concurrence :
- Jouer sur la répartition géographique des flux : répondre aux attentes d’expériences alternatives des touristes en leur proposant des activités en dehors du centre-ville, des offres combinées
- Lisser la temporalité des flux : influencer les périodes et durées de séjour pour réduire l’impact de la saisonnalité (nombre de tickets limité, tarifs attractifs, diversification de l’offre…)
- Concevoir des offres très ciblées, étudier les préférences clients pour répondre à leurs besoins d’expériences touristiques durables et authentiques avec des offres sur-mesure :
- Agritourisme pour les familles en quête d’authenticité, pour découvrir le savoir-faire agricole d’un territoire
- Ecotourisme, parcours cyclotourisme ou encore walking-tours pour les voyageurs soucieux de leur empreinte environnementale
- Tourisme solidaire et volontariat pour ceux qui souhaitent favoriser l’économie locale
- Woofing offrant le gîte et le couvert en échange de son travail pour les jeunes souhaitant voyager en immersion et à moindre coût
- Emergence de nouveaux concepts qui réunissent voyageurs et locaux
- Etc
- S’appuyer sur le digital et la data :
- Proposer des services qui permettent de mettre en relation touristes et locaux, d’échanger son logement, d’organiser du covoiturage touristique ou des visites groupées…
- Etudier les flux touristiques pour mieux les anticiper et les suivre en temps réel afin d’adapter l’offre (portiques limitant les accès au-delà d’un quota de visiteurs, offres pour détourner ou faire patienter les touristes, ticketing digital pour éviter les files d’attente…)
CERTAINS ACTEURS DU SECTEUR ONT DÉJÀ TIRÉ PROFIT DE CES NOUVELLES OPPORTUNITÉS
Certains opérateurs ont su faire preuve de réactivité pour être les premiers à proposer des services innovants intégrant ces exigences dans leur offre.
Accor, précurseur de l’hospitalité augmentée a revu sa stratégie pour répondre aux fortes attentes en termes d’expérience notamment avec le lancement de son concept « Open House » Jo & Joe.
Ces « maisons des Millennials » au design surprenant sont conçues pour favoriser les échanges entre les habitants du quartier et les voyageurs qui l’explorent, aidant ainsi à les réconcilier et répondant à l’un des enjeux de l’overtourisme. Leur intérêt n’est pas seulement de pouvoir y dormir mais aussi de prendre part à une activité sportive, à un atelier de cuisine ou encore d’assister à un concert, avec bien sûr une application dédiée à la communauté.
La startup Evaneos met en relation les voyageurs avec des agents locaux pour une expérience authentique, hors des sentiers battus et favorise les destinations moins populaires.
L’impact de l’activité est plus équitable avec une meilleure redistribution des profits au niveau local : 73€ pour 100€ dépensés contre 10-40€ seulement habituellement.
C’est aussi la stratégie suivie par Airbnb qui propose à ses clients voyageurs de réserver des activités pour partager une expérience immersive et authentique avec un local : apprendre à cuisiner, faire du shopping… : « Ne visitez pas. Vivez là-bas ».
La start-up Dayuse démocratise quant à elle les hôtels en proposant aux touristes comme aux locaux d’effectuer une réservation en journée pour accéder aux services proposés par l’hôtel (salles de travail, salle de sport, piscine, spa…).
L’initiative européenne Nearly Zero Energy Hotels accompagne les hôtels dans leurs démarches de rénovation pour diminuer leur consommation d’énergie et les encourage à produire leur propre énergie renouvelable.
Un nombre croissant d’hôtels et de gîtes tendent également vers le zéro déchet en réorganisant notamment le ménage et la restauration, à l’image du Conca Park en Italie ou du Strattons au Royaume-Uni.
Le media Enlarge Your Paris encourage touristes et parisiens à sortir du centre de la ville en proposant activités et itinéraires au-delà du périphérique parisien.
De son côté, Costa Croisières noue des partenariats durables, par exemple avec une Banque Alimentaire italienne pour redistribuer les repas excédentaires.
Dans les prochaines années, tous les acteurs ciblant les touristes devront avoir des réponses sur le sujet de l’overtourisme.
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Article rédigé par Sébastien VIDET et Charlène DELCOURT