Ticketing dématérialisé dans les transports en commun : quel modèle économique ?
Brest, Angers, Dijon, Lille, Béziers… De nombreuses collectivités ont récemment lancé des solutions de « ticketing dématérialisé », offrant aux usagers des transports en commun la possibilité d’acheter leurs titres sur internet, sur leur smartphone ou en « open payment », c’est-à-dire directement sur le valideur dans le bus, le tramway, le métro avec sa carte bancaire « sans contact », qui joue alors le rôle de titre de transport.
Outre le développement des usages digitaux et du paiement « sans contact », la multiplication des solutions de ticketing dématérialisé a été fortement accélérée par la crise du COVID 19. La suspension des ventes à bord, imposée en mars 2020 face à la crise sanitaire, a contraint les opérateurs de transports à réagir rapidement pour assurer un service minimum et préserver leur activité.
VERTONE a décrypté ce bouleversement du modèle de distribution traditionnel des opérateurs de transports en commun sous l’angle économique : Quelle place demain pour les canaux de distribution digitaux dans le mix des transporteurs ? Quels leviers de rentabilité se dessinent pour les opérateurs les incitant ou non à investir ?
Un fort potentiel de développement, favorisé par la crise sanitaire
Le ticketing dématérialisé contribue à lever de nombreux irritants du parcours d’achat d’un titre de transports en commun : nécessité de payer en espèces dans le cas de la vente à bord, craintes d’égarer son titre de transport, etc. Dans un contexte de crise sanitaire, il permet également de limiter les échanges physiques et de respecter les principes de distanciation sociale, notamment avec les conducteurs. Autant d’éléments en faveur d’un développement important de l’usage des canaux de distribution digitaux sur les années à venir.
A titre d’exemple, l’open payment représentait 44% du chiffre d’affaires de Transport of London en 2019, contre 15% en 2016 (sources Statista). VERTONE a réalisé un benchmark d’une dizaine d’acteurs dans le secteur de la mobilité (transport en commun, location de voitures, autoroutes…), qui a mis en évidence que les acteurs étudiés réalisaient en 2019 entre 40% et 90% de leur chiffre d’affaires sur les canaux de ventes digitaux (essentiellement internet et mobile). Ces chiffres, antérieurs à la crise sanitaire, attestent de l’attrait déjà très important des usagers pour les solutions dématérialisées. La crise actuelle aura probablement renforcé encore cette dynamique.
Un levier d’optimisation de coût et de temps
Au-delà du simple aspect pratique pour le client, le ticketing dématérialisé présente de nombreux avantages en termes d’optimisation de coûts et de temps de l’activité des opérateurs. La moindre sollicitation des canaux de distribution physiques au profit des canaux digitaux permettra aux opérateurs de réaliser des économies sur la fourniture et l’impression des titres, mais aussi de réduire les commissions versées à leurs « dépositaires » comme les réseaux de bar/ tabacs ou autres commerces revendeurs de titres.
Le principal intérêt est surtout le gain de temps considérable pour les chargés de clientèle et les conducteurs de bus, car ils n’auront plus à s’occuper de la vente de titres de transport. Ile-de-France Mobilités a communiqué à ce propos un chiffre impressionnant : la vente à bord ferait perdre plus de 150 000 heures de trajets par an à ses conducteurs de bus !
Le ticketing dématérialisé apparait donc comme un levier majeur d’optimisation de la vitesse commerciale et de la qualité de service. De même, le temps libéré en agence pourra être alloué à d’autre tâches à valeur et visant à développer l’activité, par exemple sur des sujets de relation client ou de prospection commerciale.
Vers la fin de la fraude « molle » grâce au ticketing dématérialisé ?
En levant un certain nombre d’irritants des parcours d’achats de titres, le ticketing dématérialisé offre aux acteurs la perspective de développer leur chiffre d’affaires additionnel, notamment en lien avec une augmentation de la fréquence de voyage d’usagers occasionnels. Le ticketing dématérialisé apparait également comme un levier de diminution de la fraude « molle » d’usagers n’ayant « pas le temps » d’acheter un titre avant de monter dans le tramway/bus, ne disposant pas d’espèces sur eux… A titre illustratif, grâce à l’open payment, la ville de Dijon espère faire passer le taux de fraude de 10% à 8% (sources Kéolis).
Quel niveau d’investissements pour les acteurs ?
Pour mettre en place le ticketing dématérialisé, le degré d’investissement reste variable d’une collectivité à l’autre, car éminemment lié au système de billettique en place. Outre l’investissement « technologique », les opérateurs de transport devront anticiper des commissions récurrentes sur les ventes : auprès des banques et parfois des prestataires de ticketing dématérialisé.
En conclusion
Tout porte à penser que l’usage du ticketing dématérialisé se développera fortement dans les années en venir, boosté par des usages digitaux de plus en plus courants et par les enjeux sanitaires actuels. Pour les opérateurs de transports, ce bouleversement du modèle de distribution représentera une opportunité d’optimiser leur activité tout en développant les usages, en particulier dans un contexte de recul de la fréquentation des transports en commun.
Un article rédigé par Elise Cadilhac