La stratégie de diversification des services des bailleurs sociaux
Acteurs incontournables du logement en France, les bailleurs sociaux logent plus de 6 millions de Français. Pour faire face à la fragilisation de leurs revenus et aux nouvelles attentes des locataires, les organismes HLM ont décidé de diversifier leurs services au-delà de la simple gestion immobilière.
VERTONE vous propose de mettre en perspective cette stratégie en revenant sur plusieurs initiatives.
Une diversification des services nécessaire face à une structure de revenus fragilisée et de nouvelles attentes
Le rôle crucial des HLM a largement été amplifié ces dernières années par l’augmentation constante de demandes en logement social : fin 2022, ce sont 2,4 millions de ménages qui sont en attente d’un HLM soit 18% de plus qu’en 2016. Cette pression exige des investissements conséquents dans les parcs locatifs. Or, les bailleurs sociaux font face à un double défi : l’augmentation significative des coûts et des normes de construction.
Paradoxalement, leur modèle financier s’affaiblit. Celui-ci est, à l’origine, un circuit fermé reposant sur le réemploi des loyers payés, des subventions de l’État et des prêts à taux préférentiels par la Caisse des Dépôts. La baisse conséquente des loyers perçus (majoritairement causée par la Réduction des Loyers de Solidarité) et le recul des subventions publiques remettent toutefois en cause ces anciens équilibres.
Les bailleurs sociaux font également face à une évolution des attentes des locataires. Les mutations socio-économiques (vieillissement de la population, paupérisation…) créent de nouveaux besoins chez certains locataires HLM dont les effectifs ne se cessent de croître.
Ainsi, les bailleurs se retrouvent, par exemple, à devoir adapter leurs services aux seniors (résidences EHPAD) ou aux étudiants (loyers modérés) tout en devant davantage accompagner socialement les locataires les plus précaires. En addition, les résidents des HLM cherchent une relation de plus en plus qualitative et simplifiée avec leurs bailleurs ainsi qu’une réduction des incivilités. Apporter de la stabilité aux quartiers prioritaires est alors essentielle pour améliorer le confort de vie comme pour réduire les coûts (dégradation, retards ou loyers impayés…).
L’état et les collectivités territoriales ne sont pas en reste en incitant de plus en plus les bailleurs à prendre en charge certains services de proximité jusqu’à devenir des acteurs essentiels de l’accompagnement social.
Face à la fragilisation de leurs équilibres financiers et aux nouvelles attentes, les entités HLM doivent donc trouver de nouveaux relais de croissance.
La nouvelle stratégie de diversification
Dans ce contexte, les bailleurs sociaux ont drastiquement redéfini leurs périmètres d’actions, et ce, appuyés par les évolutions réglementaires récentes.
Adoptée en 2018, la loi Elan a acté un élargissement significatif des champs des actions des organismes HLM dépassant la « simple » gestion immobilière. Grâce à celle-ci, les acteurs peuvent désormais diversifier leurs activités, multiplier leurs sources de financement et développer de nouveaux services innovants.
Ces dispositions issues de la loi incitent particulièrement à rechercher des relais de croissance et des sources de financements alternatifs, en passant d’une approche reposant sur les subventions à une méthode entrepreneuriale (illustration 1). L’ouverture apportée par la loi Elan a également offert un terrain propice à la création de nouveaux modèles de déploiement (partenariats avec des entreprises & associations …) et de financement (facturation au locataire, mécénat, abattements fiscaux…) pour dépasser les difficultés de mise en œuvre de nouveaux projets.
Exemples de services proposés
Les organismes HLM peuvent donc se doter d’une proposition de valeur plus riche en offrant un écosystème de services diversifiés. En plus d’être une source de revenu supplémentaire, ces nouveaux services répondent aux missions de base des bailleurs : favoriser le bien-être ensemble, dynamiser la vie économique du quartier, améliorer le confort des logements et accompagner socialement les locataires (illustration 2).
Favoriser le bien-être ensemble
Exemple n°1 : Le concept Axès de Logeo Seine
Le bailleur Logeo Seine propose des logements et « lieux hybrides de proximité » au travers du concept « Axès ». Le bailleur a, par exemple, inauguré en octobre 2022 au Havre son premier Axès : un local de 350m² – évolutif en fonction des évènements organisés – composé d’une zone de coworking gratuite en accès libre, d’un coffee shop avec conciergerie (prêt de matériel informatique, aide en tout genre…) mais également d’une offre de services HLM aux habitants Logeo (paiement du loyer, demandes techniques…).
Exemple n°2 : Les jardins partagés de Nantes Métropole Habitat
La végétalisation des espaces et la mise en place de jardins partagés sont également des sujets portés par les organismes HLM. Nantes Métropole Habitat a installé 40 jardins dans les quartiers prioritaires, promouvant des pratiques respectueuses de l’environnement et favorisant le lien social entre habitants. Parallèlement, un partenariat avec l’association VRAC permet aux locataires HLM d’accéder à des aliments bio ou issus de l’agriculture raisonnée à des prix abordables, pour une alimentation plus saine et durable.
Dynamiser la vie économique du quartier
Exemple n°3 : Conciergerie des habitats Cocoon’Ages
Au sein de leurs habitats intergénérationnels Cocoon’Ages, dans plusieurs villes françaises (Lyon, Le Havre, Grenoble…) Eiffage Immobilier et Récipro-Cité proposent aux bailleurs des conciergeries participatives. La conciergerie offre des services de la vie quotidienne (café, presse en libre-service…) mais également des services payants proposés par des prestataires locaux (paniers bio, pressing, théâtre …).
Exemple n°4 : Des contrats d’énergie préférentiels et faciles d’accès
Plusieurs entités HLM facilitent l’accès à une énergie abordable. Immobilière Atlantic Aménagement en Nouvelle-Aquitaine, propose des tarifs préférentiels dans le cadre d’un partenariat avec Sélectera tout en touchant une commission sur les contrats signés, permettant de réinjecter l’argent reçu dans des services annexes (comme celui du retour à l’emploi).
Améliorer le confort des logements
Exemple n°5 : Réhabiliter son chez soi avec Mut’Toit
Dans les Bouches du Rhône, Mut’Toit est un projet initié par 2 bailleurs sociaux Logirel et Erilia en partenariat avec l’association Compagnons Bâtisseurs Provence pour proposer une auto-réhabilitation accompagnée. Les ménages découvrent ainsi comment entretenir leur logement au travers de la réalisation de petits et gros travaux. Ce projet permet une réduction des coûts d’entretiens, de relouer plus rapidement les appartements tout en contribuant à l’épanouissement des locataires.
Accompagner socialement les locataires
Exemple n°6 : Les dispositifs de réinsertion professionnelle de Sia Habitat
Sia Habitat a mis en place depuis 2014 l’ASPI (Accompagnement socio-professionnel individualisé), un dispositif pour aider ses locataires à un retour à l’emploi et à la formation professionnelle tout en levant les freins repérés (garde d’enfant, hygiène, santé…).
Exemple n°7 : Le partenariat entre Domanys et Acadomia pour offrir un soutien scolaire gratuit
Le bailleur Domanys a souhaité contribuer à la réussite scolaire des enfants de ses locataires, en s’associant à Acadomia, leader français du soutien scolaire à domicile, pour proposer un programme d’accompagnement pédagogique gratuit aux élèves du CP à la terminale au travers d’une plateforme en ligne complètement gratuite : ACAD & Moi.
La Place des Services par La Poste
Dans ce contexte, La Poste a pris la vague des exigences nouvelles des organismes HLM. VERTONE a accompagné La Poste au lancement de la « Place des Services », une offre à destination des bailleurs sociaux pour proposer des services à leurs locataires. La Place des Services est une application couplée à une plateforme de conciergerie de quartier d’hyper-proximité. Cette solution innovante propose aux locataires HLM un panel de services du quotidien (illustration 3).
Co-financée par la Poste et des partenaires tiers (bailleurs sociaux, collectivités territoriales…), La Place des Services a reçu plusieurs prix grâce à des implantations réussies (Chatillon, Brulon, Epône …). Cette initiative a largement satisfait les habitants des quartiers concernés.
Conclusion
La diversification des services répond donc à la double exigence de trouver de nouveaux relais de croissance et d’améliorer le confort de vie des locataires tout en étant un caractère différenciant.
Rappelons toutefois que le premier critère de choix d’un logement social reste avant tout son prix et sa disponibilité dans un contexte de fortes tensions sur le parc locatif privé et un accès difficile à la propriété. Si cette stratégie semble intéressante, on peut se questionner sur le réel intérêt et usage de ces services pour les locataires.
À peine née, la diversification des services se doit donc de prouver son utilité tout comme de trouver le juste modèle économique, organisationnel et culturel pour atteindre des équilibres technico-financiers satisfaisants.
Un article rédigé par Sibylle Lebreton et Audrey Ohnona.