Les banques redoublent d’efforts pour capter les clients patrimoniaux. Dernier exemple en date : Les Échos révélaient le 12 novembre dernier que l’offre de banque privée de Boursobank a franchi le cap symbolique du milliard d’euros d’encours en moins d’un an. Une performance qui illustre l’intensification d’une bataille où acteurs traditionnels, fintechs et nouveaux entrants rivalisent pour séduire une clientèle parmi les plus rentables du secteur.
Résultat : un terrain de jeu saturé, où chaque nouveau client est bien souvent… un client repris à un concurrent. D’ailleurs, 7% des clients patrimoniaux déclarent avoir changé de banque principale ces 2 dernières années (Source étude Vertone, 2025).
Mais face à cette guerre d’attraction, une question se pose : et si le véritable potentiel se trouvait déjà dans les bases clients des banques, au cœur même de la clientèle « mass market » ?
Car derrière des profils ordinaires se cachent parfois des trajectoires patrimoniales existantes ou en devenir. Montée des revenus, comportements d’épargne, événements de vie : autant de signaux faibles qui, combinés avec les données patrimoniales, permettent d’anticiper les futurs clients à forte valeur.
Nous avons identifié trois catégories de « patrimoniaux cachés », encore trop peu activées, et les leviers pour les engager durablement. Car dans un marché saturé où chaque conquête est coûteuse, le gisement de croissance pourrait bien se situer au sein même de la clientèle existante.
1/ Les “hors champs” : ces clients dont le patrimoine dort, se fragmente ou passe sous les radars
Alors que la pression sur la collecte s’accentue, deux cibles semblent négligées :
- les clients disposant de capitaux dormants
- les clients dont patrimoine est fragmenté
Les capitaux dormants traduisent une épargne sécuritaire pas ou peu rémunérée (660 Mds € sur les comptes à vue et 218 Mds € sur les livrets ordinaires fin 2023 – Banque de France). Ces comportements traduisent généralement une aversion au risque (43 % des Français refusent tout risque pour leur épargne – Baromètre AMF 2024), une culture financière à développer et un besoin de réassurance.
À l’inverse, le patrimoine fragmenté concerne les clients qui investissent ailleurs (banques privées, fintechs, CGP…), tout en conservant leur banque principale pour le quotidien. Résultat : des flux sortants bien visibles mais une relation patrimoniale… invisible.
Quels leviers activer pour (re) créer l’envie d’investir ?
Pour les capitaux dormants :
- Sensibiliser au coût d’opportunité de l’épargne non investie
- Renforcer la confiance à travers un discours simple et rassurant et des contenus pédagogiques
- Proposer des solutions d’entrée de gamme accessibles et progressives
- Accompagner la transition vers des placements diversifiés
Pour le patrimoine fragmenté :
- Analyser les flux sortants pour identifier les investissements réalisés ailleurs
- Reconstituer une vision globale du patrimoine du client
- Offrir un conseil renforcé, même pour les clients partiellement équipés
- Repositionner la banque comme partenaire principal, au-delà du compte courant
2/ Les « jeunes à potentiel » : miser sur les futurs patrimoniaux
Dans un contexte de vieillissement des portefeuilles, identifier et accompagner les jeunes clients prometteurs devient un enjeu stratégique.
Ces profils affichent pourtant des signaux clairs : revenus en progression rapide (cadres, professions libérales, entrepreneurs), premiers investissements immobiliers ou financiers.
Pourtant, seuls 17 % des 18-34 ans investissent réellement, alors qu’ils sont 74 % à s’y dire prêts (AMF 2023). Une contradiction qui révèle un manque d’accompagnement structuré.
Et les banques où ces jeunes domicilient leurs revenus détiennent un avantage déterminant : elles les voient avant tout le monde. À condition d’être prêtes à s’engager dans le temps long.
Quels leviers activer pour devenir un partenaire d’investissement crédible auprès de ces jeunes ?
- Proposer des produits accessibles, conçus pour les premiers pas patrimoniaux (tickets d’entrée bas, tarification lisible et attractive)
- Accompagner progressivement la montée en gamme patrimoniale avec des parcours adaptés, en repérant le plus tôt possible les clients au potentiel long terme (dès les études ou à l’ouverture du premier compte) et en les identifiant dans les systèmes
- Combiner autonomie digitale et conseil humain pour offrir une expérience hybride fluide
- Engager la relation sur le long terme, même à faible encours initial et valoriser les étapes clés de la construction patrimoniales, notamment le 1ᵉʳ achat immobilier
Un défi majeur pour les banques traditionnelles, face à des fintechs dont la lisibilité du positionnement, l’expérience client et la simplicité des offres séduisent fortement les jeunes actifs.
3/ Les « héritiers de demain » : anticiper la grande transmission
D’ici 2040, 9 000 milliards d’euros seront transmis en France d’une génération à l’autre (Fondation Jean Jaurès, 2024).
La majorité de ces patrimoines est aujourd’hui gérée par les banques historiques… mais rien ne garantit que les héritiers restent fidèles à l’établissement de leurs parents. D’autant que les jeunes affichent une mobilité bancaire croissante : 32 % des moins de 35 ans ayant changé d’établissement ces deux dernières années se sont tournés vers une banque en ligne (Vertone 2025).
Ces héritiers, autonomes, informés, souvent multi-bancarisés s’attendent à un partenaire financier moderne, clair et proactif.
Quels leviers activer pour maintenir le lien avec la nouvelle génération ?
- Créer le lien en amont de la transmission : rendez-vous intergénérationnels, implication dans la stratégie patrimoniale
- Proposer des offres claires, modernes, avec une tarification lisible
- Anticiper les besoins futurs de ceux qui, souvent, cumulent héritage à venir et capacité à construire leur propre patrimoine
Conclusion
Ces trois cibles “hors champ”, « jeunes à potentiel », « héritiers de demain » ont un point commun : elles sont déjà là, au sein des bases clients des banques de détail, mais restent encore largement sous-exploitées.
BoursoBank l’a d’ailleurs clairement assumé lors du lancement de son offre de banque privée : celle-ci vise en priorité les clients déjà en portefeuille, preuve que le potentiel interne devient un axe majeur de croissance.
Dans un marché où la conquête externe devient coûteuse et volatile, la véritable opportunité réside dans la capacité à détecter, qualifier et accompagner les trajectoires patrimoniales internes.
La bataille de la gestion patrimoniale ne se gagnera plus seulement sur le marché. Elle se gagnera aussi dans la donnée, dans l’anticipation et dans la capacité à révéler la valeur cachée de sa propre clientèle.