Face à l’urgence climatique et à la pression croissante des parties prenantes, les entreprises et collectivités doivent démontrer leur engagement en matière de transition énergétique. L’un des leviers les plus accessibles pour décarboner rapidement leurs achats d’électricité est le recours aux Garanties d’Origine (GO).
Ces certificats électroniques, délivrés pour chaque MWh produit à partir de sources renouvelables (solaire, éolien, hydraulique, biomasse…), assurent la traçabilité de l’électricité verte consommée. En France, leur enregistrement est centralisé par l’EEX (European Energy Exchange), et ils peuvent être vendus avec ou séparément de l’électricité physique.
Au-delà d’un simple outil administratif, les GO répondent à deux objectifs majeurs : permettre aux acheteurs d’afficher une consommation d’électricité décarbonée et soutenir le financement des infrastructures renouvelables. Mais comment fonctionne ce marché encore jeune, parfois critiqué, et quelles sont ses perspectives d’évolution ? Vertone décrypte pour vous les dynamiques à l’œuvre autour des Garanties d’Origine.
Zoom sur le fonctionnement du marché de certification des Garanties d’Origine

Vertone dresse 3 constats du marché de la certification des Garanties d’origine :
1. Le marché des Garanties d’Origine se développe en réponse à une demande grandissante des entreprises et collectivités pour décarboner
Entre 2019 et 2023, le volume de Garanties d’Origine (GO) échangées en France est passé de 42 à 79 TWh, soit une croissance annuelle moyenne de plus de 17 %, selon AIB (Association of Issuing Body). Cette dynamique traduit une prise de conscience accrue des entreprises sur l’importance de la traçabilité énergétique, ainsi qu’un durcissement des exigences en matière de reporting RSE (obligation de publication d’un bilan carbone, CSRD)
Cette hausse des échanges accompagne l’augmentation continue de la production d’énergies renouvelables en France depuis 2010.
Pour y répondre, l’offre sur le marché des GO s’est diversifiée, permettant aux acteurs d’accéder à des garanties mieux alignées avec leurs priorités en matière de décarbonation et de transparence.
Tous les types d’acteurs s’emparent progressivement des Garanties d’Origine, chacun avec ses enjeux :
- Les TPE et PME y accèdent via leur fournisseur pour pouvoir revendiquer une consommation d’électricité verte auprès de leurs clients ou partenaires, eux-mêmes soumis à des exigences croissantes en matière de décarbonation.
- Les ETI et grands groupes intègrent les GO dans des stratégies plus larges de réduction des émissions, en particulier sur les scopes 2 et 3. L’électricité verte devient pour eux un levier rapide et identifiable de décarbonation.
- Les collectivités territoriales utilisent les GO dans le cadre de leurs marchés publics « verts », afin d’inscrire concrètement leurs politiques locales dans la trajectoire de transition énergétique.
Les Garanties d’Origine s’imposent aujourd’hui comme un outil stratégique au sein des politiques de transition énergétique des grandes entreprises françaises. Des groupes comme Renault, L’Oréal, Carrefour, Danone ou Air Liquide s’appuient sur ces certificats pour certifier la provenance renouvelable de leur électricité, renforcer leur crédibilité RSE et avancer vers leurs objectifs de décarbonation. Plusieurs options pour les acheteurs sont ainsi disponibles sur le marché des garanties d’origine.
Zoom sur les principales Garanties d’origine disponibles :
Type de GO | Coût | Disponibilité sur le marché | Spécificités |
---|---|---|---|
GO nucléaires | + | + | GO issues d’installations nucléaires |
GO standards européens | + + | + + + + | GO issues d’installations renouvelables partout en Europe |
GO France | + + | + + + | GO issues d’installations renouvelables en France |
GO RE100 | + + + | + + | GO issues d’installations renouvelables de moins de 15 ans en France |
GO localisées | + + + | + | GO issues d’installation renouvelables issues de certaines régions |
GO avec traçabilité horaire | + + + + | + | GO issues d’installation renouvelables disposants d’une technologie de traçabilité horaire |
GO issues de PPA | + + + + | + | GO issues d’installations renouvelables ayant contractualisé des PPA |
2. Un marché encore en structuration et parfois critiqué
Une volatilité des prix qui déstabilise le marché et remet en cause l’incitation financière pour les producteurs
Depuis 2021, les prix des GO fluctuent fortement : après un pic à 7-8 €/MWh en 2022, ils sont retombés à 3,25 €/MWh début 2024, avec des creux à 0,46 €/MWh pour des options ENR France 2024 (d’après une étude d’ORIGO Renouvelables). Cette volatilité s’explique à la fois par des facteurs conjoncturels (baisse de la consommation post-crise énergétique, sortie du Royaume-Uni du marché européen des GO) et structurels (développement de la production d’énergie renouvelable, avec la reprise de la production hydraulique et l’essor du solaire et de l’éolien) ayant entraîné une surabondance de GO disponibles sur le marché.
Cette volatilité complique les projections pour les producteurs et brouille la perception de la valeur environnementale pour les acheteurs.
Évolution de la moyenne des prix des Garanties d’Origines électricité en France (en €/MWh) :

Une perception dégradée : greenwashing ou outil sincère ?
Le système actuel permet, à bas coût, d’acheter des GO détachées et standardisées, parfois étrangères, sans lien avec la consommation réelle. Ce décalage temporel et géographique alimente la critique d’un usage cosmétique des GO par certaines entreprises ou fournisseurs, nuisant à la crédibilité du dispositif. L’absence de traçabilité fine (horaire, locale, technologique) fragilise la cohérence entre achat de GO et réduction réelle d’empreinte carbone.
Des règles hétérogènes entre pays
Les pratiques diffèrent selon les États membres de l’AIB : concomitance annuelle ou mensuelle, conversion en kWh ou MWh, durée de validité, etc. Ces écarts rendent les stratégies multi-pays complexes à déployer pour les grands groupes, et limitent l’impact climatique global du dispositif.
3. Un marché qui s’oriente vers des Garanties d’Origine de plus en plus localisés et alignées avec la production d’électricité des centrales ENR
Dans un contexte où les exigences en matière de traçabilité énergétique et de conformité réglementaire s’intensifient, les entreprises ne se contentent plus d’acheter des GO standardisées. Elles recherchent désormais des certificats mieux alignés sur leurs propres critères : origine nationale ou locale, période de production précise, technologie utilisée (solaire, éolien…), ou encore liens contractuels directs avec les producteurs.
Ces évolutions répondent à plusieurs enjeux :
- Maîtrise du reporting réglementaire (CSRD, taxonomie verte) : des groupes comme Carrefour ou Danone intègrent des GO françaises dans leur reporting de consommation d’électricité pour démontrer la cohérence de leur stratégie à l’échelle du territoire.
- Réponse aux attentes des partenaires commerciaux : dans le secteur de l’agroalimentaire, la distribution ou la cosmétique, certains clients exigent une consommation d’électricité « certifiée France » ou issue d’installations récentes. Ces exigences sont parfois formalisées dans des appels d’offres ou des chartes fournisseurs, et peuvent conditionner des contrats.
- Alignement avec les achats d’électricité : pour garantir une correspondance temporelle et géographique entre le MWh acheté et la GO associée. Pour renforcer cette cohérence, deux leviers sont aujourd’hui mobilisables, avec déjà des expérimentations concrètes en cours :
- La généralisation de la traçabilité horaire, notamment via des projets pilotes basés sur la technologie blockchain. EDF a développé Trackelec, un outil numérique innovant fondé sur la blockchain, qui a été utilisé pour certifier que l’électricité consommée sur les sites des Jeux Olympiques de Paris 2024 provenait bien d’installations renouvelables. En associant heure par heure la consommation des sites à la production de huit centrales solaires et éoliennes d’EDF, Trackelec délivre des certificats de concomitance horaire, offrant ainsi une traçabilité précise et transparente. Ce dispositif a permis de couvrir 100 % de la consommation électrique des JO avec de l’énergie verte, dépassant largement les garanties d’origine classiques.
- Le développement des Garanties d’Origine locales (ex : PPA), permettant un lien plus direct et transparent entre production et consommation sur un même territoire.
- Lisibilité dans les appels d’offres publics : les collectivités incluent désormais des exigences spécifiques sur les GO dans leurs marchés d’achat d’électricité, ce qui pousse leurs fournisseurs à structurer une offre plus segmentée.
- Attractivité auprès de certains financeurs : plusieurs entreprises constatent que l’usage des GO, en particulier lorsqu’il est lié à un engagement sur plusieurs années ou à une traçabilité avancée peut se traduire par une meilleure notation extra-financière (ESG) et un accès facilité à des financements durables comme les green bonds.
En réponse à ces besoins, les fournisseurs et agrégateurs développent une gamme d’offres de plus en plus différenciées et segmentées qui permettent aux entreprises de sélectionner un niveau de traçabilité adapté à leurs objectifs de décarbonation.
Par ailleurs, la création d’un marché à terme pour les GO est envisagée afin de réduire la volatilité des prix, sécuriser les revenus des producteurs et stabiliser les stratégies d’approvisionnement des consommateurs.
Cette évolution vers des Garanties d’Origine « sur mesure » marque une étape importante dans la structuration du marché, où la valeur d’usage des certificats prime de plus en plus sur leur simple volume ou coût.