28/05/24

Électrification du transport routier de marchandises : Les clés d’une stratégie réussie pour verdir sa flotte ?

Contraints par des mesures politiques Européennes visant à accélérer la transition énergétique du secteur, les transporteurs doivent se positionner rapidement sur un moyen de décarboner leurs activités. À court terme, l’électrique s’impose comme la motorisation permettant de verdir les flottes de véhicule et d’atteindre les objectifs de réductions de GES fixés par l’UE. Quels sont alors, pour les transporteurs, les facteurs clefs de succès d’une transition à l’électrique ?

1/ Bien évaluer le coût du passage à l’électrique en prenant en compte le total cost of ownership (TCO)

Actuellement, un camion électrique est 3 à 4 fois plus cher à l’achat qu’un camion à motorisation diesel. Mais pour comparer équitablement ces deux motorisations, il convient de prendre en considération l’intégralité des coûts liés au cycle de vie du camion en utilisant le total cost of ownership (TCO).

En effet, les coûts d’exploitation et d’entretien des camions électriques sont plus faibles que ceux des camions diesel (source Carbone 4). De plus, l’utilisation avisée des différents dispositifs fiscaux permet de réduire le coût d’acquisition : bonus à l’achat, appel à projet de l’ADEME et dispositif de suramortissement. Enfin, ce surcoût d’acquisition devrait chuter rapidement d’ici 2030 avec une diminution évaluée à 50% pour les batteries et à 78% pour les moteurs (source : International Council on Clean Transportation).

Malgré un prix à l’achat qui demeure donc une barrière à l’entrée, les transporteurs doivent prendre en compte l’ensemble de ces paramètres pour évaluer la rentabilité d’une bascule à l’électrique. Pour cela, ils peuvent notamment s’appuyer sur les constructeurs qui modélisent le TCO sur plusieurs années et proposent des solutions de financement adaptées.

2/ Sécuriser l’approvisionnement en énergie

La sécurisation d’un approvisionnement en énergie à des tarifs compétitifs doit être un élément central de la stratégie de décarbonation des transporteurs. En effet, 90% du coût de revient d’une prestation de transport provient du triptyque conducteur – véhicule – carburant dont 25% au moins du carburant (source : échange avec des experts du secteur).

Celui qui se fournira en électricité à des tarifs avantageux sera donc plus à même de gagner des parts de marché dans un environnement fortement concurrentiel. Par ailleurs, les fortes contraintes sectorielles sur les marges opérationnelles accentuent la nécessité de maitriser ce poste de dépense. Pour ce faire, les transporteurs devront négocier avec les fournisseurs d’électricité pour obtenir des conditions tarifaires favorables et de la flexibilité sur les dispositifs de blocage des prix.  

D’autre part, certains transporteurs voient dans l’électrification une opportunité inédite de réduire leurs coûts et de développer un avantage concurrentiel. En effet, en produisant une partie de leur énergie grâce à des panneaux photovoltaïque installés sur le toit des entrepôts, ils pourront avitailler une partie de leur flotte de véhicule. Depuis le 1ᵉʳ juillet 2023, la loi Climat et Résilience renforce l’obligation d’intégrer des procédés de production d’énergies renouvelables aux toitures de certains bâtiments, notamment lors de travaux de rénovation lourde.

3/ Piloter la consommation énergétique

Les nouvelles conditions de marché de l’énergie électrique créent des opportunités d’optimisation de la consommation grâce au pilotage dynamique de la charge des camions électriques (recharge intelligente ou smart charging). Ces technologies optimisent la recharge en fonction du coût de l’électricité en temps réel, ce qui permet de réaliser jusqu’à 50% d’économies. Un pilotage optimisé de la consommation électrique permet donc de réduire considérablement le TCO.

4/ Équiper son entrepôt avec des bornes de recharges privées

La disponibilité des infrastructures de recharge en itinérance est un enjeu majeur de l’adoption du camion électrique. Pour autant, la recharge publique ne couvrira que 10% à 40% du besoin en énergie des flottes de véhicules (source : Fully charged for 2030, Transport & environnement). La majorité des bornes de recharge seront donc installées dans les entrepôts des transporteurs. Leurs installations doivent faire l’objet d’étude de faisabilité afin d’éviter les surcoûts liés à un sur ou à sous dimensionnement. Pour cela, il convient de :  

  • Dimensionner la taille du parc de bornes en fonction du taux d’utilisation des camions et des besoins de recharges simultanées.
  • Calibrer la puissance des bornes en fonction du cas d’usage privilégié de recharge (recharge longue la nuit ou rapide entre deux tournées ou mixte), du cadencement et de la taille des tournées et de la capacité des batteries.
  • Anticiper la faisabilité d’une montée en charge du parc de bornes pour éviter d’être limité dans les possibilités d’électrification de la flotte de véhicules.

Par ailleurs, les transporteurs font face à des contraintes liées aux caractéristiques du foncier qu’ils occupent qui peuvent impacter l’intégration des bornes de recharges. Par exemple, la longueur des câbles commercialisés par les fabricants peut être un facteur limitant la part de quais de chargement électrifiables. Les possibilités de raccordement de l’infrastructure au réseau électrique peuvent également contraindre la taille et la puissance du parc de bornes installé.

5/ Adapter ses opérations

Deux nouvelles contraintes liées à la transition électrique sont à intégrer à l’organisation des transporteurs : l’autonomie des camions électriques et les temps de recharge.

L’offre actuelle de camions couvre déjà certains besoins de transport courte distance avec des autonomies allant jusqu’à 300 km, permettant de commencer à électrifier une partie des flottes. En effet, 62% du transport routier en Europe concerne des trajets de moins de 400 km (source : AT Kearney). Pour ces distances de transport, l’autonomie actuelle des véhicules couplée à une recharge correctement dimensionnée (en puissance et en temps de charge disponible) permet l’électrification de certaines tournées sans modifications structurantes des opérations.

D’ici 2025, les constructeurs prévoient la commercialisation de camions avec une autonomie de 500 km ce qui permettra d’augmenter la part de tournées électrifiables et, moyennant une recharge de 45 minutes à haute puissance pendant la pause réglementaire du chauffeur, d’électrifier le transport longue distance. Les transporteurs devront alors planifier leurs opérations en intégrant dans les itinéraires la disponibilité des bornes de recharges publiques, qui reste l’un des enjeux majeurs de cette transition. Certains acteurs, à l’instar de PTV Logistics, ont développé des outils de planification d’itinéraire pour camions électriques permettant de déterminer la faisabilité d’un itinéraire souhaité.

En complément de la recharge au dépôt et de la recharge publique sur les grands axes routiers et autoroutiers, la recharge complémentaire ou « biberonnage » permettra de récupérer quelques kilomètres d’autonomie pendant le chargement / déchargement ou sur de courtes pauses.

En conclusion, la décarbonation du secteur du transport passera inévitablement par l’électrification d’une partie des flottes de véhicule. Pour mener cette transition complexe et inédite, les transporteurs doivent intégrer de nouveaux paramètres s’ils souhaitent respecter les objectifs de réductions de GES fixés par l’UE et ne pas prendre de retard par rapport à leurs concurrents.

Il convient donc de définir au plus vite une stratégie de décarbonation basée sur la motorisation électrique qui constitue le levier à privilégier à court terme. À moyen terme, l’électrique devra cohabiter avec un mix énergétique permettant d’adresser tous les cas d’usages (gazole et GNL/GNV).
À plus long terme et dans un monde sans pétrole, l’électrique cohabitera probablement avec la motorisation hydrogène, une fois les freins à son adoption levés. 

Pour un retour d’expérience, ou si votre entreprise s’interroge sur ces problématiques, n’hésitez pas à contacter les équipes de VERTONE.

Un article rédigé par

Pierre-Olivier B
Pierre-Olivier B

Senior Manager

Léo F
Léo F

Consultant