10/03/20

Municipales 2020 : et si le futur de la mobilité urbaine se dessinait à travers les programmes des candidats ?

Compte-tenu de la transformation en cours des usages post crise Covid-19, la mobilité urbaine est plus que jamais au cœur des enjeux de politique locale. A ce titre, elle occupe une place importante des programmes des candidats aux élections municipales 2020 dont le second tour se tiendra le 28 juin. [Mise à jour le 25/06/2020].

Malgré les divisions qui animent les différents camps politiques, il semble que la plupart des candidats partagent une même trajectoire de transformation de la mobilité en réponse aux mutations sociétales qui s’opèrent dans les villes.

Par le prisme des programmes politiques qui ont largement été coconstruits avec les citoyens, les associations, et les acteurs économiques locaux, nous identifions 3 grandes tendances qui peuvent illustrer le futur de la mobilité urbaine

La ville, nouveau terrain de jeu des modes alternatifs à l’autosolisme et aux véhicules individuels

L’arrivée de nouveaux acteurs de la mobilité dans les espaces urbains a orienté les usages vers la mobilité partagée : location entre particuliers, autopartage, covoiturage, VTC… elle concerne autant les « micro-mobilités » (ex : vélos et trottinettes) que les autres modes (ex : scooters, voitures). Les récentes grèves des transports en commun ont révélé que ces nouveaux usages étaient une réelle alternative pour les déplacements urbains. Pour les candidats, ils constituent une opportunité pour lutter contre l’autosolisme, qui participe à la congestion et la pollution des métropoles.

Parmi eux, le vélo apparait comme LA priorité des candidats de ces prochaines années : les programmes présentent en effet de nombreuses mesures en faveur du développement de son usage, notamment en termes de services et de financement.

Zoom sur les propositions des candidats

A Paris, Anne Hidalgo souhaite par exemple aider à la mise en place d’un service de Location Longue Durée de vélos électriques adaptés à tous publics (vélos cargos, vélos PMR, tandems, etc.). Pour lutter contre le vol des vélos particuliers, Agnès Buzyn propose de mettre à disposition gratuitement un service de gravure.

A Bordeaux, Nicolas Florian compte même augmenter la prime d’achat aux vélos électriques. Pierre Hurmic souhaite lui financer des vélos pour les 14-25 ans.

A Lille, Violette Spillebout a l’idée d’expérimenter un service de vélos-taxis par le financement d’une centaine de vélos et par la création de stations dédiées dans le secteur piéton.

Néanmoins, l’encadrement de certaines micro-mobilités est un enjeu clé pour veiller à la sécurité et à l’accessibilité de la voirie et des trottoirs.

Zoom sur les propositions des candidats

A Paris particulièrement, c’est le cas des trottinettes électriques en free-floating qui ont envahi la voirie et les trottoirs. Rachida Dati ambitionne ainsi de réduire le nombre de trottinettes en free-floating, Agnès Buzyn compte restreindre le marché à un seul opérateur. Pour libérer et sanctuariser les trottoirs, Agnès Buzyn souhaite installer des systèmes d’attache, quand Villani propose de verbaliser des trottinettes qui les empruntent.

En parallèle, la limitation de l’usage de la voiture au cœur des espaces urbains est un cheval de bataille majoritairement suivi par les candidats pour fluidifier la circulation routière et transformer l’espace routier en espace urbain.

Zoom sur les propositions des candidats

A Paris, Anne Hidalgo veut transformer le périphérique en « corridor écologique » (végétalisation, passage à 50km/h). Rachida Dati souhaite interdire l’accès des cars de tourisme au centre-ville. Cédric Villani propose une approche plus mesurée pour mieux réguler les flux de circulation automobile, en optimisant le trafic routier à l’aide de l’intelligence artificielle (feux tricolore et limitation de la vitesse selon l’état de la circulation).

A Bordeaux, Nicolas Florian ambitionne d’installer un péage poids-lourds aux heures de pointe sur la rocade. En centre-ville, il souhaite généraliser la limitation de vitesse à 30km/h et développer l’opération du 1er dimanche sans voiture. Pierre Hurmic aspire à donner la priorité aux mobilités douces et électriques, limiter la vitesse à 20kh/h, et multiplier les vélos-rues (rues où les cyclistes et piétons sont prioritaires à la voiture). Il s’attaque également au stationnement, par la diminution du nombre de places en surface. Thomas Cazenave, mise sur la transformation de la rocade en un grand boulevard métropolitain à 4 voies, dont une dédiée au co-voiturage, interdit aux poids lourds aux heures de pointe.

A Lille, Martine Aubry souhaite créer une Zone à Faibles Emissions (imitation de la vitesse à 30km/h, interdiction aux véhicules polluants, etc.), développer l’autopartage en boucle et en free-floating, inciter au covoiturage, et créer des parkings-relais aux entrées de ville. Elle promet également d’étendre la piétonnisation et d’organiser des journées sans voiture (les « dimanches de la Liberté »).

Un renforcement et un élargissement du réseau de transports en commun traditionnels (RER, métro, bus, tramway)

Malgré le développement de nouveaux modes et usages, les transports en commun dits traditionnels resteront la colonne vertébrale de la mobilité urbaine. Partout, les candidats cherchent à conserver sa position dominante d’abord par un renforcement de l’offre existante.

Zoom sur les propositions des candidats

A Paris, Anne Hidalgo veut prolonger les lignes pour mieux connecter le centre à la Métropole ; Cédric Villani compte investir 1 Md€ pour moderniser et automatiser l’ensemble des lignes du métro.

A Bordeaux, Nicolas Florian mise sur le déploiement de cars express « propres » pour relier les villes du département au centre de Bordeaux, et sur l’accélération de la mise en œuvre d’un RER girondin.

A Lille, Martine Aubry souhaite ouvrir de nouvelles lignes de métro, de tramway et de bus, tandis que Violette Spillebout vise la construction de deux nouvelles lignes de tramway pour desservir le centre-ville.

Dans ce sens, les annonces de subventionnement des usagers se multiplient pour faciliter l’accès au transport public.

Zoom sur les propositions des candidats

A Paris, Anne Hidalgo veut étendre la gratuité des transports publics à tous les moins de 18 ans ; David Belliard pour les moins de 26 ans.

A Bordeaux, Pierre Hurmic souhaite financer les transports en commun pour les jeunes à faible revenu.

A Lille, Violette Spillebout propose la gratuité des transports pour les moins de 26 ans et les plus de 65 ans.

Les programmes des candidats témoignent d’une volonté politique d’élargir l’offre existante à de nouveaux modes de transport collectif.

C’est le cas du Transport à la demande (TàD) qui permet de rééquilibrer l’offre dans les zones les moins denses ou en heures creuses.

Zoom sur les propositions des candidats

A Paris, Anne Hidalgo souhaite créer un service de navettes électriques à la demande et accessibles PMR ; Cédric Villani veut expérimenter un système de navettes à la demande disponibles 24h/24 et 7j/7.

A Bordeaux également, Nicolas Florian et Thomas Cazenave comptent également développer ce mode sans arrêt fixe. Ce dernier souhaite même expérimenter des navettes TàD autonomes.

La réappropriation du fleuve est également un enjeu majeur de la mobilité urbaine, autant pour fluidifier les déplacements de personnes et de marchandises que pour améliorer la logistique urbaine.

Zoom sur les propositions des candidats

A Paris, Anne Hidalgo et David Belliard souhaitent développer le transport collectif fluvial au travers de bateaux-bus zéro émission. Plutôt que densifier le réseau routier, il y a là une formidable opportunité de capitalisersur la Seine qui traverse Paris, mais aussi les canaux qui s’étendent jusqu’à la grande couronne.

Cette tendance se retrouve également à Bordeaux, où les candidats visent à renforcer le service de bateaux-bus existants (fréquence, nouveaux pontons et trafic de fret) pour faire du fleuve une nouvelle voie de transport accessible aux piétons et cyclistes.

La topographie de certaines villes encourage les candidats à proposer de nouvelles offres de transport en commun permettant d’accéder plus rapidement aux points hauts de la ville, grâce à la mise en service d’un téléphérique urbain.

Zoom sur les propositions des candidats

A Lille, Martine Aubry propose que deux lignes de téléphérique soient étudiées : l’une entre Saint-Sauveur et Fives-Cail ; l’autre de Lille-Europe vers l’aéroport de Lesquin.

On retrouve ces projets de téléphériques urbains dans de nombreuses métropoles françaises, notamment à Lyon, Toulouse ou Grenoble.

Les candidats ne cherchent pas à substituer les modes alternatifs aux transports en commun, mais plutôt favoriser leur complémentarité via la création de hubs d’intermodalité – qui facilitent le passage d’un mode à un autre – et par le développement de la mobilité servicielle (MaaS) – concept qui cherche à proposer une offre intermodale pour accompagner le voyageur tout au long de son voyage, de l’information en temps réel à la validation du titre de transport au sein d’une même application numérique.

Zoom sur les propositions des candidats

C’est le cas dans les trois métropoles ciblées, où les candidats souhaitent contribuer au développement de la mobilité servicielle, en proposant des passes uniques multimodaux.

A Bordeaux, Nicolas Florian mise sur la création d’une gare routière internationale près de la gare Saint-Jean. Cazenave souhaite développer un « RER Girondin intermodal » avec la création de 10 000 places de parking relais aux abords des stations de bus, tram et vélos.

Un rééquilibrage de la place des infrastructures modales par rapport au poids de leurs usages

Alors que le vélo, la marche à pieds et les transports en commun sont les modes de déplacement les plus utilisés dans les espaces urbains, force est de constater que les infrastructures de mobilité actuelles font la part belle au transport routier.

Désormais, la priorité des investissements publics est donnée aux infrastructures dédiées aux mobilités vertueuses, le vélo et la marche à pieds en tête.

Ainsi, les candidats souhaitent élargir le réseau de grands axes cyclables pour relier les centres, banlieues et villes des métropoles, bassins d’emplois et établissements administratifs.

Zoom sur les propositions des candidats

A Paris par exemple, les candidats se sont engagés à suivre les propositions du projet Vélopolitain – création de 170km de pistes qui doublent en surface les lignes de métro – le projet RER V  – 650km de pistes pour relier Paris à la grande couronne.

La suppression des discontinuités et le renforcement de la signalétique est au cœur des préoccupations des politiques locales, tant pour favoriser l’usage du vélo que la marche à pieds.

Zoom sur les propositions des candidats

A Paris, Anne Hidalgo ambitionne de multiplier les rues priorité piétons et vélos, généraliser les double-sens cyclables en zone 30, et équiper 100% des ponts en pistes cyclables, et créer 10 passerelles pour franchir le boulevard périphérique à vélo ou à pieds.

A Bordeaux, Nicolas Florian a l’idée de mettre en service un « bac à vélos » pour le passage entre les deux rives, et mise sur l’aménagement d’itinéraires piétons avec l’installation de bancs et de fontaines à eau. Pierre Hurmic vise à consacrer « 50% de l’espace de la voirie aux mobilités actives » en déployant un « plan piétons » pour garantir lasécurisation et l’accessibilité des trottoirs, la suppression des discontinuités avec des indicateurs de parcours, etc. Il souhaite par exemple créer des parkings relais voitures + vélos aux abords des intersections des voies rapides et du réseau cyclable.

A Lille, Martine Aubry propose d’aménager les portes d’entrée dans la ville et pour faciliter leur franchissement à pied ou à vélo (ponts, passerelles, etc.) et aménager des promenades urbaines (ex : boulevard de la Moselle) le long du nouveau tramway. Violette Spillebout souhaite créer une promenade piétonne continue de 5 km avec double-sens cyclable et une voie pour les taxis.

Les candidats mettent également l’accent sur la sécurité des personnes et des biens pour encourager l’usage du vélo.

Zoom sur les propositions des candidats

A Paris, c’est par exemple le cas d’Agnès Buzyn qui compte sécuriser les voies et intersections notamment aux portes de Paris, installer 100 000 places de vélos supplémentaires, dans la rue, en Velobox ou en parking avec un dispositif vidéo-protection dédié.

A Bordeaux, Thomas Cazenave souhaite créer une « boucle verte des quartiers » par le développement d’un réseau de 200km de voies cyclables sécurisées, ombragées, avec stationnement dédié.

La majorité des candidats souhaitent accompagner le développement de l’usage du vélo par l’organisation d’un maillage de stations-services vélos pour permettre aux cyclistes d’accéder rapidement et facilement à des bornes de recharges électriques, des outils et services de pompage et de réparation.

Par ailleurs, les candidats prévoient de nombreux aménagements de l’espace routier en faveur du covoiturage et de l’autopartage en boucle ou en free-floating, que les opérateurs déploient en s’appuyant exclusivement sur un parc de véhicules électriques.

Zoom sur les propositions des candidats

A Paris, Rachida Dati mise sur l’amplification de l’électrification du parc de véhicules privés et partagés, couplée à l’installation de bornes de recharge dans 100% des parkings privés et du parc social.

A Bordeaux, Pierre Hurmic souhaite créer sur la rocade des voies réservées au covoiturage et à l’autopartage, et multiplier le stationnement dédié en surface et en ouvrage.

A Lille, Martine Aubry vise la création de parkings-relais aux entrées de ville, ambitionne de transformer le Périphérique en boulevard urbain planté avec voies réservées aux mobilités durables.

En résumé, en matière de mobilité urbaine,les candidats axent leur programme sur les enjeux de fluidité, d’accessibilité et d’inclusivité, et de lutte contre la pollution de l’air et de la pollution sonore. Ces promesses témoignent de la volonté des acteurs politiques d’instaurer un climat d’apaisement, de tranquillité et de proximité dans les espaces urbains, en réponse aux récentes crises environnementales, sociales et économiques qui ont enflammées la France.

Pour cela, la mobilité n’est pas le seul levier : l’accélération des actions locales en faveur d’une ville durable est un enjeu complémentaire, clairement identifié par la majorité des candidats. C’est le thème de notre prochain article.

Méthodologie : VERTONE s’est appuyé sur les programmes des principaux candidats dans trois métropoles où les enjeux de mobilités sont connus de tous – Paris, Bordeaux et Lille – en veillant à la représentativité des couleurs politiques. Pour chacune des villes ciblées, seules les propositions des trois candidats principaux ont été scrutés à partir de leur programme en ligne et leurs annonces sur les médias sociaux et dans la presse traditionnelle.

Article rédigé par Sébastien VIDET et Kevin LEMAN

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