26/04/22

Quelle place pour l’hydrogène dans la mobilité de demain ?

Pour atteindre l’objectif à horizon 2050 de neutralité carbone fixé par l’Union Européenne, plusieurs plans d’investissement massifs ont été annoncés en Europe pour développer une filière de l’hydrogène. En France, le plan de relance annoncé en 2020 prévoit l’investissement de 7,2 Mds d’euros pour développer la filière de production d’hydrogène décarboné pour économiser 6 M de tonnes de CO2 par an dès 2030.

Dans un récent article, VERTONE apportait un regard sur l’ambition française de développer la part de l’hydrogène décarboné dans son mix énergétique pour des usages spécifiques tels que le transport lourd, la chimie ou l’aciérie.

Cette nouvelle publication s’inscrit dans sa continuité, pour s’interroger sur l’avenir de l’hydrogène décarboné dans la mobilité : quelle place dans le transport routier et le ferroviaire ? VERTONE vous présente ici sa vision d’une mobilité qui pourrait s’appuyer sur la complémentarité de l’hydrogène et de l’électrique.

L’hydrogène porté par une dynamique mondiale

En juillet 2020, la Commission Européenne a présenté sa stratégie autour de l’hydrogène, avec comme objectif de parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050. Dans cette dynamique, le gouvernement Allemand investira 9 Mds d’euros dans l’hydrogène. La France investira 7 Mds d’euros d’ici 2030 pour atteindre 3 objectifs :

  1. Constituer une filière française d’hydrogène vert pour décarboner l’industrie et les transports et diminuer les émissions de gaz à effet de serre ;
  2. Développer les mobilités propres, en particulier pour les véhicules lourds ;
  3. Soutenir la recherche pour favoriser le développement des usages de l’hydrogène sur le territoire.

En Europe, la filière sera bientôt dotée d’un cadre juridique avec les régulateurs d’énergie d’un côté qui développent la future gouvernance d’un réseau hydrogène, et de l’autre, la Commission Européenne qui a annoncé en février 2021 la révision des règles de l’UE en matière de gaz pour faciliter l’émergence d’une infrastructure hydrogène renouvelable ou bas-carbone compétitive. Ainsi, la filière hydrogène suscite de l’intérêt en Europe, mais aussi en Chine et au Japon, et constitue une priorité majeure de l’Administration de Joe Biden.

Corollaire de la montée en puissance de la filière, mais aussi des attentes clients (90% des européens attendent des marques qu’elles s’engagent et les aident à mieux consommer), il est urgent que les entreprises travaillent sur leur impact et se questionnent sur la place que l’hydrogène peut avoir dans leur business. C’est d’ailleurs tout le sens de l’offre de conseil « Business à impact positif » de VERTONE.

Décarboner le transport routier grâce à l’hydrogène

Selon une étude de l’ADEME, la bascule des motorisations thermiques vers l’électrique doit être une priorité pour rendre la mobilité à bas-carbone. Mais pour cela, deux technologies s’affrontent : les véhicules 100% électrique et ceux à pile à combustible fonctionnant avec de l’hydrogène.

Les principaux constructeurs se sont positionnés sur le sujet, tels que Renault qui ambitionne de devenir un leader mondial des véhicules utilitaires légers à hydrogène, ou encore Toyota, Hyundai et BMW qui soutiennent également cette technologie. Tesla et Volkswagen sont en revanche réfractaires à l’hydrogène pour les voitures individuelles et se concentrent sur l’électrique.

Mais pour comprendre le débat, il est intéressant d’apprécier les forces et faiblesses de la pile à combustible par rapport au véhicule électrique à batterie :

Source : ADEME (2019) et Carbone4 (2021)

Si ces deux technologies ont chacune des atouts pour le consommateur final, c’est aux deux bouts de la chaîne que se trouvent les principaux inconvénients de l’hydrogène:

  • Coûts de production : un véhicule à pile à combustible fonctionnant avec de l’hydrogène « gris » (produit à partir d’énergies fossiles, soit 95% de l’hydrogène produit) dégage autant de CO2 qu’un véhicule thermique. Pour que l’intérêt de l’hydrogène se justifie, il faut donc considérer l’utilisation d’hydrogène vert, mais son coût de production est important (5€/kg) soit 3 fois plus que l’hydrogène gris (1,5€/kg).

  • Prix à l’usage : conséquence d’un rendement énergétique faible, en raison d’une succession de transformations et donc des pertes énergétiques, le coût d’utilisation est élevé. Ainsi, l’utilisation d’une Hyundai Nexo coutera 16,8€ pour 100 km, soit 2 fois plus cher qu’un véhicule essence, et 8 fois plus qu’un véhicule électrique !

L’accessibilité de l’hydrogène vert étant ainsi actuellement limitée, il convient de prioriser cette technologie dans des secteurs où il est complexe de décarboner par d’autres moyens. A date il existe de meilleures alternatives pour les véhicules légers (batteries, bio GNV) mais l’hydrogène peut être une solution viable pour les véhicules lourds, tels que les bus ou les poids-lourds puisque la capacité des batteries est insuffisante pour assurer l’autonomie requise. De plus, les trajets s’anticipent, ce qui facilite l’installation de stations à hydrogène devant leur entrepôt ou sur leur parcours.

Une vision confirmée par les projections de l’ADEME qui prévoit qu’à horizon 2050 les véhicules à pile à combustible représenteront plus de 50% des ventes de bus, cars, voitures de grande taille et plus de 40% des ventes des camions utilitaires lourds, petits camions et véhicules utilitaires légers. La pile à combustible percera ainsi pour les moyens de transport qui ont besoin d’une autonomie journalière comprise entre 200 et 1 000 km.

Source : Étude ADEME (2019)

Une opportunité pour le secteur ferroviaire

L’hydrogène est également une solution pour verdir le secteur du ferroviaire puisque les trains roulent actuellement à l’électricité ou au gazole. L’hydrogène pourrait ainsi remplacer le mode thermique sur les lignes non électrifiées.

D’un point de vue économique, la solution hydrogène est complémentaire à celle de l’électrification des voies. En effet :

  • L’électrification des voies demande un investissement conséquent, elle est donc particulièrement pertinente sur des portions courtes et denses en trafic ; les trains électriques ne pouvant circuler que sur des voies électrifiées.

  • La solution hydrogène est caractérisée par un coût d’investissement potentiellement plus faible que l’électrification des voies (selon la distance à électrifier) mais par un coût énergétique plus élevé. Le train à hydrogène qui peut circuler sur la majorité des lignes ferroviaires remplacerait les trains au gazole et représenterait donc une solution décarbonée pour des lignes régionales à plus faible trafic et peu ou pas électrifiées.

« Parmi les 52 lignes prioritaires au verdissement pour les régions françaises, 34 lignes pourraient être pertinentes pour l’hydrogène par rapport à une électrification, représentant près de 200-250 trains », selon une étude de l’ADEME. Ainsi, avec son projet TER H2 et la commande SNCF de 12 à 14 rames à hydrogène auprès d’ALSTOM, la France fait ses premiers pas dans la mobilité ferroviaire à hydrogène. Cette dynamique s’inscrit dans une démarche européenne et mondiale puisque le premier train à hydrogène au monde a commencé par rouler en Allemagne en septembre 2018. D’autres pays souhaitent lui emboiter le pas, notamment l’Autriche, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Italie, mais aussi le Japon, l’un des services ferroviaires les plus ponctuels au monde ou encore les Etats-Unis qui prévoient un premier train en 2023.

En conclusion

Pour VERTONE, l’hydrogène est une énergie très intéressante qui doit être utilisée là où sa valeur d’usage est la plus pertinente. Ainsi, notre vision s’articule de la façon suivante :

  • Les véhicules à hydrogène ont plutôt vocation à desservir les trajets longue distance empruntés par des véhicules lourds (véhicules utilitaires, bus, camions et trains sur des lignes non électrifiées) ;
  • Les véhicules à batterie limités en autonomie et nécessitant un temps de recharge conséquent doivent plutôt servir la mobilité urbaine et périurbaine ;
  • Dans le transport aérien, l’hydrogène peut être une solution pour les courtes et moyennes distances, mais pas forcément pour les longs courriers. Encore faut-il réussir à se positionner face à la concurrence des nouveaux modes ferrés rapides et propres. VERTONE vous propose un décryptage ici.

La pertinence de l’hydrogène se révèle dans une vision systémique de l’énergie (flexibilité des réseaux énergétiques, valorisation des sources renouvelables, valeur ajoutée dans différents usages) et ne peut se réduire à la seule comparaison des rendements énergétiques. La complémentarité des solutions qui composeront le mix énergétique de demain permettra de mieux s’adapter aux besoins environnementaux, sociaux et économiques.

Un article rédigé par

Anaïs Gauthier, Consultante

Mickaël Sully, Consultant