Boom du vélo : une accélération des usages grâce au numérique ?
Avec plus de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020, le marché français du vélo a fait un bond sans précédent de 25% en un an. Près de 2,7 millions de vélos ont été vendus, dont 500 000 vélos à assistance électriques (VAE). Avec 2 à 3% de part modale dans les trajets quotidiens et 5% de cyclistes réguliers, la France dispose d’une marge de progression importante vis-à-vis des pays d’Europe du Nord où la part modale du vélo avoisine les 50% dans des villes comme Amsterdam ou Copenhague.
La pratique du vélo n’a cessé d’augmenter depuis le début de la pandémie : véritable « geste barrière » et alternative aux transports en commun, le vélo a profité de l’émergence des « coronapistes », des aides financières à l’acquisition et/ou la réparation mais aussi de la prise de conscience écologique qui pousse aux usages d’un mode de déplacement qui génère 30 fois moins de GES qu’un véhicule à carburant fossile.
Dans cet article, nous vous présenterons les 4 grands catalyseurs de l’usage du vélo puis nous verrons en quoi le numérique peut aider à lever les freins et accélérer ainsi les usages.
Les 4 grands catalyseurs de l’usage du vélo
La pratique du vélo est encouragée par les 4 catalyseurs suivants : les évolutions technologiques, les infrastructures, les services physiques et les solutions de financement.
#1 – Les évolutions technologiques
Parmi les 30 millions de cyclistes en France (tout usage confondu), l’usage est avant tout basé sur la pleine propriété avec le boom du VAE. D’ici 2025, le marché mondial du VAE pourrait attendre en moyenne 36 Milliards d’euros, avec un prix moyen actuel évalué à 1 750€. Mais la mobilité servicielle gagne du terrain avec les véhicules partagés et les véhicules en location. Concernant les véhicules partagés, on différencie les offres « en boucle » comme Vélib’ et ses 13 000 vélos, des offres « free floating » sans stations. Ces dernières séduisent particulièrement par leur facilité d’utilisation via une application mobile : après seulement un an de déploiement en France, les vélos en free-floating représentaient 20% de l’offre de vélos en libre-service du pays. Des solutions de location courte ou longue durée encouragent également les usages avec par exemple le service Veligo Location IDFM proposant 20 000 VAE à louer pour 6 ou 9 mois.
#2 Les infrastructures
En France, le rôle des collectivités dans le développement des usages est clé, la plupart des grandes villes disposent de Vélos Libre-Service (VLS) et/ou Vélos en Location Longue Durée (VLLD). La mise à disposition d’infrastructures adaptées afin de garantir des itinéraires sécurisés est également un enjeu majeur. A Paris, les 60 km de pistes cyclables provisoires créées pour le déconfinement vont être pérennisées, s’ajoutant aux 1 000 kilomètres de pistes cyclables que comptait la capitale. Au total, on dénombre 49 000 km d’aménagements cyclables sur le territoire national. Dans notre article sur les municipales 2020, nous avions noté le souhait des candidats d’élargir le réseau de grands axes cyclables pour relier les centres, banlieues et villes des métropoles, bassins d’emplois et établissements administratifs.
#3 Les services physiques
Outre l’achat d’un vélo neuf, la remise en état de vélos déjà possédés est un véritable enjeu pour développer les usages. Grâce à l’opération « Coup de pouce vélo » lancée à la fin du 1er confinement, 2 millions de vélos ont pu être réparés selon la Fédération française des Usagers de la Bicyclette (FUB) . Cette aide financière de 50€ octroyée par l’Etat jusqu’au 31 mars 2021 a permis à beaucoup de Français de se remettre en selle. Concernant le stationnement, les parkings souterrains voient le jour comme à la gare Montparnasse (357 places). Des acteurs tels que 12.5 (en référence à la taille d’une place de stationnement standard (12,5 m²)) proposent de recycler les places inutilisées dans les parkings en sous-sol et de les louer, moyennant un abonnement annuel dès 12€ / mois.
#4 – Le financement
Le contexte légal est favorable à l’essor des pratiques, avec notamment l’entrée en vigueur du forfait mobilité durable (LOM) dont le plafond a été relevé en passant de 400€ à 500€ pour inciter les salariés à venir au travail à vélo ou via d’autres mobilités durables. La future Loi Climat contient également plusieurs aides financières à l’achat de vélos, dont l’élargissement de la prime à la conversion aux VAE. Concrètement, les personnes souhaitant remplacer leur ancien véhicule par un VAE bénéficieront d’une aide couvrant jusqu’à 40-50% du prix total.
Le numérique, en levant les freins à l’usage du vélo, accompagne son développement
Il existe encore certains freins importants à lever afin de développer la pratique du vélo : le vol, la sécurité et surtout la cyclabilité, c’est-à-dire le déploiement d’infrastructures adaptées. De nombreuses solutions numériques émergent et répondent à ces limites et accélèrent les usages comme les applications de cartographie, la recherche d’itinéraire (RI) et l’IOT embarqué pour acquérir et fidéliser les cyclistes.
Frein #1 – Le vol
Chaque année, plus de 300 000 ménages sont victimes de vols ou de tentatives de vol de vélos . Depuis le 1er janvier 2021, les vélos vendus en magasin doivent disposer d’un identifiant unique auquel sont associées les coordonnées du propriétaire. Des acteurs comme eBikeLabs proposent des solutions numériques pour lutter contre le vol. « Le logiciel est capable de détecter lorsqu’une personne non autorisée est sur un deux roues et « immobilise le vélo directement via son moteur », explique Maël Bosson le co-fondateur d’eBikeLabs. De même, les vélos de l’entreprise française Voltaire sont équipés d’un badge NFC permettant de verrouiller et déverrouiller le vélo. Une alarme se déclenche si le vélo verrouillé est déplacé. Enfin, un système de géolocalisation permet de retrouver le vélo volé.
Frein #2 – La sécurité routière
Afin de permettre aux cyclistes de rouler en toute sécurité, il existe trois grands types de solutions : les équipements connectés, les solutions numériques pour bien s’orienter et la maintenance connectée à destination des gestionnaires de flottes. Concernant les équipements, le casque de vélo connecté, en plus de protéger le cycliste, est capable de faire clignotant grâce à ses LED, de diffuser de la musique en Bluetooth ou bien d’alerter les contacts favoris en cas d’accident. La popularité croissante de la recherche « itinéraire vélo » sur Google est un indicateur flagrant du lien vélo – web et conduit de plus en plus d’internautes vers les apps.Aujourd’hui, 250 applis gratuites de GPS vélo ont été répertoriées sur Android et font l’objet de classements et 49% des cyclistes utilisent régulièrement une application mobile (cartographie, recherche d’itinéraires…). D’après le Baromètre des mobilités au quotidien, l’usage des technologies numériques dans les pratiques de mobilité est en forte hausse mais encore tributaire de l’âge, du capital culturel… Enfin, des acteurs comme Vélogik, en charge de la maintenance vélo BtoB proposent des outils de maintenance connectée :
- Vélocare, une plateforme de maintenance permettant de connaître l’état du parc en temps réel afin d’en optimiser le pilotage
- Vélocenter, une plateforme de mise en relation et de réservation pour les particuliers souhaitant faire réparer leur vélo.
frein #3 – La cyclabilité
Que ce soit via les objets connectés ou les solutions numériques, de la data est générée et certains acteurs tels que Géovélo vont nettoyer et analyser ces données afin de mieux connaitre les usages (quel chemin utiliser, comment éviter les embouteillages…). Ces données, si elles sont portées à la connaissance des Villes et des AOM, permettront d’améliorer les infrastructures et d’encourager la pratique du vélo. A terme, la représentation des réseaux de pistes cyclables ressemblera à celle des réseaux de transport collectifs.
Tous les éléments sont réunis pour voir l’usage régulier du vélo continuer de se développer au cours des prochaines années en France, et sa part modale dans les trajets quotidiens devrait logiquement croitre. Ce dernier point dépendra cependant de la capacité des décideurs à faire le lien entre les développements numériques qui soutiennent l’évolution du vélo et la numérisation grandissante des infrastructures urbaines dans le cadre de la smart city, pour relever le défi de l’intermodalité et de la fluctuation des usages au gré de phénomènes ponctuels tels que la saisonnalité ou encore les pics de pollution.
Un article rédigé par Minh Nguyen-Dac, Jessica Giorno, et Kevin Leman