20/07/20

Vers une mobilité plus durable des entreprises et de leurs collaborateurs

Dans le contexte actuel, les entreprises sont plus que jamais à la recherche d’un équilibre entre maîtrise des coûts, sécurité, et responsabilité sociale et environnementale pour les déplacements de leurs collaborateurs. Pour se rendre sur son lieu de travail, se déplacer chez un client ou un fournisseur, la situation économique et sanitaire fait évoluer les sensibilités et les usages de la mobilité, avec la perspective de la rendre plus soutenable et durable.

Dans cet article, VERTONE décrypte les tendances du point de vue des employés et des entreprises en matière de déplacements professionnels, notamment sur les trajets domicile-travail et les voyages d’affaires.

Des salariés en quête de déplacements domicile-travail plus agréables, plus sûrs et respectueux de l’environnement

Les déplacements travail-domicile sont le 1er motif de déplacement. Et ils doivent être améliorés sur les plans sociaux et environnementaux.

Du point de vue social, une étude Paris Worplaces SFL-IFOP montre que 49% des salariés trouvent leurs trajets domicile-travail désagréables. Une épreuve pour ces derniers qui a des impacts négatifs sur leur équilibre de vie professionnel et personnel (32%), leur productivité (23%), et leur concentration (24%).

Les impacts sont également environnementaux, puisque la voiture est toujours le mode de transport dominant : 70% des Français utilisent leur voiture pour aller travailler, selon l’Insee. Ce mode représente un poste de coût important pour les salariés, en plus de créer des embouteillages et d’émettre des gaz à effet de serre.

Une notion de pouvoir d’achat qu’il est important de prendre en compte, puisque les actifs dépensent en moyenne 100€ par mois pour leurs trajets domicile-travail. Ce qui représente 26 Mds € financés en partie par les entreprises, mais avec de fortes inégalités selon qu’on vive en zone urbaine ou non. En effet, les citadins consacrent en moyenne 94€ par mois à ce type de déplacement, contre plus de 130€ pour les autres.

Cependant, les sensibilités écologiques se développent chez les Français. Le Baromètre 2020 des Mobilités du Quotidien de la Fondation Nicolas Hulot (janvier 2020) montre qu’avant l’épidémie Covid-19 :

  • 89% des Français s’estimaient préoccupés par la crise environnementale.
  • 38% des automobilistes envisageaient de réduire l’utilisation de leur véhicule dans les 10 années à venir.
  • 1 sur 2 pensait pouvoir réaliser tout ou partie de leurs trajets quotidiens à vélo (si infrastructures sécurisées).

Des tendances qui devraient assez logiquement s’accentuer avec les crises sanitaire (épidémie Covid-19) et économique (héritée de la crise sanitaire) et qui devraient accélérer la transformation des habitudes :

  • L’explosion du télétravail et la tendance émergente de démobilité – qui consiste à réduire ses déplacements au strict nécessaire – feront durablement baisser le nombre de déplacements domicile-travail. Ce phénomène contribuera à rendre la demande en transport en commun plus soutenable, et à rendre les trajets plus agréables.
  • En quête de plus de sécurité et parce qu’ils sont plus soucieux de respecter les règles de distanciation sociale, les Français tourneront le dos aux transports collectifs tant que l’épidémie ne sera pas définitivement contrôlée.
  • Le corollaire de cette situation est que ces déplacements domicile-travail seront davantage individuels. On parle alors d’un regain d’intérêt pour les véhicules individuels (notamment automobile mais aussi deux-roues dans les zones urbaines) pendant quelques temps au moins, et de façon plus durable pour les mobilités douces : marche, vélo, trottinette électrique…

Les entreprises doivent saisir les opportunités offertes par la LOM pour adresser les enjeux RSE

Plébiscitées par les salariés, les politiques RSE permettent aux entreprises d’adresser les enjeux sociaux et environnementaux et ainsi de :

  • Renforcer l’attachement des employés à l’entreprise et leur engagement.
  • Proposer aux salariés des solutions de déplacement alternatives.
  • Améliorer le bien-être des salariés.

De plus en plus préoccupées par ces enjeux, la prise de conscience des entreprises s’est accélérée avec le Covid-19. Selon une étude Opinion Way pour Kapten Business (juillet 2020) :

  • 78% des organisations pensent que le Covid-19 va les inciter à revoir leur politique de déplacement.
  • 75% des entreprises considèrent que la crise va les inciter à prendre davantage en compte les enjeux liés à la RSE.
  • 19% des entreprises estiment que le Covid-19 encouragera l’utilisation des taxis et des VTC pour les trajets professionnels de courte distance.

Un troisième enjeu porte sur la dimension légale. La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) impose aux entreprises de s’adapter tout en leur donnant de nouveaux leviers pour inciter financièrement les salariés à abandonner leur véhicule personnel.

  • Le champ d’action des Autorités Organisatrices de Mobilité (AOM) est renforcé pour développer l’usage des mobilités actives et partagées. Les AOM sont ainsi autorisées à subventionner les déplacements en covoiturage. Ces subventions sont limitées à 2 trajets par jour et à hauteur d’un montant que les AOM fixent librement. Les conducteurs sont également aidés financièrement s’ils ne trouvent pas de passagers, afin d’encourager les conducteurs à proposer des places, et ainsi contribuer à développer l’offre. Selon Julien Honnart (Fondateur de Klaxit, start-up spécialisée dans le covoiturage), « le fait que la collectivité territoriale ou l’entreprise prenne en charge une partie du coût du trajet opère un basculement des comportements ».
  • Le sujet des déplacements domicile-travail plus propres s’introduit dans le dialogue social entre les entreprises et leurs salariés : la question des déplacements des travailleurs fait désormais partie des négociations obligatoires à mener dans les entreprises d’au moins 50 salariés. Les employeurs devront trouver un accord avec les salariés pour faciliter leurs trajets : aménagements d’horaire, télétravail, usage du vélo et covoiturage, ou en encore prise en charge d’une partie des frais… Le Plan de Mobilité sera imposé à toutes les entreprises qui ne parviennent pas à un accord.
  • Le Forfait Mobilités Durables permet aux entreprises d’encourager leurs salariés à utiliser des transports plus propres et moins coûteux : vélo, covoiturage, trottinettes et scooters en libre-service, et autopartage à motorisation non thermique (véhicule électrique, hybride rechargeable, hydrogène). Les employeurs privés sont appelés à mettre en place dès à présent cette aide qui peut aller jusqu’à 400€ par an et par salarié : une somme à la charge de l’entreprise qui est exonérée d’impôts pour les salariés et de charges sociales pour l’entreprise. Elle est cumulable avec le remboursement obligatoire d’une partie de l’abonnement de transports ou des frais kilométriques pour les déplacements en voiture, offrant ainsi aux salariés le choix parmi de nombreuses solutions de mobilités, sans devoir renoncer à des aides. Le Forfait Mobilités Durables offre de nouvelles opportunités dont certains acteurs se saisissent, comme Klaxit et Sodexo qui lancent le Pass Mobilité Durable sur le modèle du titre restaurant. Pour en savoir plus sur la LOM : Quels changements peut-on attendre de la loi LOM ?
  • La LOM prévoit également des mesures sur les flottes d’entreprise pour les contraindre à basculer sur des véhicules plus propres. Par exemple, la loi interdira la vente de véhicules thermiques d’ici 2040 pour les véhicules particuliers et utilitaires légers neufs, mais aussi d’occasion. Les flottes privées des entreprises qui gèrent plus de 100 véhicules légers devront respecter des quotas de véhicules à faibles émissions de CO2 lors du renouvellement de leurs véhicules.

Cependant, la crise économique qui se profile devrait ralentir la mise en œuvre des politiques RSE. En effet, si un véhicule électrique peut s’avérer plus agréable à conduire et plus économique à l’usage sur le long terme, la chute du prix des carburants a de quoi questionner les acheteurs au moment de choisir un véhicule thermique ou électrique.

Plus largement, les politiques RSE s’appliquent aussi aux voyages d’affaires qui, mis à l’arrêt pendant plusieurs mois, devraient rester très limités du fait :

  • D’une épidémie qui continue de circuler dans le monde, et qui menace d’une nouvelle vague en France.
  • De perspectives économiques inquiétantes pour les entreprises qui vont devoir réaliser des économies, pour se préparer à une crise qui est annoncée comme la plus dévastatrice depuis 150 ans.
  • De l’appréhension des salariés d’utiliser des modes de transports partagés (notamment avion et train).
  • Que les entreprises ont investis massivement dans des outils collaboratifs et des solutions de communication qui permettent aux salariés de travailler à distance. Elles limiteront ainsi les voyages d’affaires en effectuant plutôt à distance les réunions qui n’imposent pas de se déplacer.

Ces impacts vont durablement affecter les voyages d’affaires : ces derniers seront ainsi moins nombreux et fréquents, et pour des séjours plus courts.

Un article rédigé par Pierre-Olivier Bertrand