Vers l’essor d’une finance plus durable ?
Ces dernières années, l’investissement socialement responsable (ISR) a connu un essor important. Les gérants de fonds utilisent en plus des données financières classiques, des notes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) pour choisir les entreprises dans lesquelles ils vont investir.
L’avènement des fonds responsables
Le label ISR, lancé en 2016, a notamment connu un grand succès auprès des émetteurs de produits. Aujourd’hui, ce sont près de 400 fonds émanant de 69 sociétés de gestion différentes qui sont labellisés. Ainsi, les encours associés sont passés de 1.458 milliards d’euros à 1.861 milliards fin 2019, portés notamment par la hausse des marchés l’an dernier (source : Association française de la gestion financière). L’intégration de critères ESG dans les stratégies d’investissement constitue l’essentiel des encours, avec 1.315 milliards, soit plus d’un tiers des encours totaux en France. Mais ce sont les stratégies ISR, qui visent à concilier performance financière et impact social et environnemental, qui ont enregistré la plus forte croissance : +31 %, avec une collecte positive de 33 milliards d’euros l’an dernier.
Suite à la crise du COVID 19, plusieurs études ont montré une meilleure résilience de ces fonds. En effet, historiquement, ils affichaient une performance à peu près équivalente à celle des autres fonds, avec toutefois une volatilité moindre. Dernièrement, nous avons noté une corrélation positive entre la performance boursière des entreprises et leur notation ESG : autrement dit, celles qui ont un meilleur comportement sur le plan environnement, social ou économique ont aussi une meilleure performance boursière. Entre le 19 février et le 26 mars, les sociétés américaines les mieux notées par Fidelity (note A) ont en moyenne surperformé de 3,8 % l’indice S&P 500, tandis que les moins bonnes (note E) ont sous-performé de 7,4 %.
Les raisons du succès
Deux principaux facteurs justifient cette bonne performance dans ce contexte compliqué et mouvant :
Le premier est la prise en compte des risques extrafinanciers des entreprises : les indices ESG tendent à sous-pondérer les acteurs les plus exposés aux hydrocarbures et aux énergies fossiles, qui sont des secteurs qui ont été fortement sous pression ces dernières années. D’autre part, les entreprises les moins vertueuses en termes de stratégies durables ont dévissé, or elles sont souvent absentes de ces fonds, alors qu’elles ont impacté significativement les fonds dits « traditionnels ». Et cela se confirme sur le CAC 40 : que ce soit durant la chute ou le récent rebond, les 20 valeurs les plus durables ont fait mieux que les 20 valeurs les moins durables.
Quel avenir pour la finance durable ?
La crise actuelle a exacerbé les inégalités en France et dans le monde avec notamment une augmentation de la fracture sociale et un développement de la pauvreté résultant de la perte de revenus. Elle a aussi mis en exergue des ruptures des chaines d’approvisionnement, des problématiques d’accès à l’énergie ou l’accès à l’éducation en cette période de confinement, et enfin la réduction de l’engagement climatique.
Cette crise du Covid-19 est un moment clé pour les investisseurs dans leurs soutiens aux différents systèmes. Notamment la santé, en orientant les capitaux vers le financement des institutions de développement et des entreprises de santé, mais aussi en aidant les communautés les plus touchées en mobilisant efforts et énergie. Au final, la finance durable pourrait être un moteur de l’économie globale, en se reconcentrant sur les enjeux sociaux. La finance durable devra aller au-delà de la finance verte pour traiter de façon holistique les problématiques sociétales et écologiques.
D’autre part, et même s’il est encore trop tôt analyser tous les impacts à long terme, cette crise pourrait entraîner l’essor de nouveaux modèles économiques plus durables. En effet, elle a mis en avant un nécessaire ajustement et une diversification géographique des modèles actuels. Ainsi, cela pourrait signifier une chaine alimentaire plus courte avec des aliments cultivés et distribués localement, des moyens de transport plus écologiques. De même, il devient nécessaire de mettre en œuvre des politiques plus sociales visant à soutenir la production locale et à aider les communautés fragilisées.
La crise actuelle ouvre ainsi le champ des possibles pour la finance durable, si elle apporte son soutien à de nouveaux modèles économiques durables, qui prennent en considération à la fois les aspects environnementaux et sociétaux.
Un article rédigé par Nicolas Ebrad