Le paradoxe client de la livraison : entre exigences clients et enjeux RSE
Avec l’explosion du e-commerce et plus récemment la crise sanitaire, l’importance accordée par les clients à l’offre de livraison et leur exigence à l’égard du service qui leur est proposé sont croissantes. Pourtant, l’urgence climatique et l’adoption d’un mode de consommation plus responsable poussent les individus à privilégier des alternatives plus éthiques et respectueuses de l’environnement. Comment les acteurs du retail peuvent-ils concilier ces deux enjeux qui apparaissent à première vue contradictoires ?
Des exigences clients de plus en plus fortes
En 2021, 4 des 6 premiers critères d’achat en ligne des clients concernent l’offre de livraison : le prix de la livraison arrive en 2ème position derrière le prix du produit, puis figurent les délais de livraison (3ème), les services de livraison disponibles (5ème) et les conditions de retour (6ème).
Face aux nouveaux standards attendus par les consommateurs, les entreprises cherchent à rendre la livraison au service de leur stratégie d’enseigne et de nouvelles normes s’établissent autour de l’offre proposée : livraisons en 1 jour voire en quelques heures, livraisons gratuites pour un minimum d’achat, flexibilité dans les créneaux de livraison et dans les politiques de retour.
Des enjeux RSE de plus en plus présents dans les décisions d’achat
Dans le même temps, et de façon a priori paradoxale, les préoccupations clients pour consommer de façon plus responsable sont toujours plus d’actualité. Les consommateurs sont en quête d’alternatives plus respectueuses de l’environnement et sont prêts à faire évoluer leur manière de consommer, y compris en matière de livraison : 53% des répondants de l’étude FEVAD 2020 déclarent tenir compte d’éléments environnementaux, responsables ou éthiques dans leurs habitudes de consommation en ligne et 71% choisissent de regrouper leur commande en un minimum de colis afin de limiter les livraisons.
Si la sensibilité environnementale des clients pousse ainsi le marché de la livraison à proposer des solutions plus « vertes », l’enjeu environnemental de la livraison ne saurait se résumer à une simple attente client.
Une législation qui pousse les entreprises à œuvrer pour répondre à l’urgence écologique
La livraison du dernier kilomètre représente aujourd’hui le quart des émissions de CO2 en ville. D’ici 2030, le nombre de véhicules de livraison devrait croître de 36%, entraînant une augmentation des émissions CO2 et de la congestion urbaine de plus de 30%.
Face à ces problématiques croissantes de pollution et de congestion engendrées par la livraison, la législation française contraint les acteurs de la livraison à opérer une transition vers un modèle plus respectueux de l’environnement. La Loi d’Orientation des Mobilités 2019 introduit des quotas de véhicules à faibles émissions pour les flottes privées à partir de 2022, avec une augmentation progressive des quotas jusqu’en 2030.
Les acteurs du retail, par souci de respecter les réglementations ou pour rendre tangible leur posture RSE, se doivent de faire évoluer leur service livraison pour répondre à l’enjeu environnemental.
Des premières actions pour réduire l’impact environnemental des livraisons
Les enseignes e-commerce ont bien compris la nécessité de prendre en compte l’enjeu écologique dans leur service de livraison : 80% ont déjà mis ou mettent en place des initiatives environnementales, via la réduction de l’empreinte environnementale de leur activité ou la prise en compte des démarches écoresponsables dans la sélection de leurs partenaires.
Ainsi, tandis qu’en 2018 50% des colis en moyenne s’avéraient vide, Cdiscount a investi en 2019 dans une machine d’emballage 3D pour optimiser les dimensions de ses colis et ainsi diminuer sa consommation de cartons.
Après avoir œuvré pour diminuer de 23% son empreinte carbone par tasse de café, Nespresso a décliné son engagement en faveur du développement durable sur son service livraison : en utilisant des transports au gaz naturel, électriques ou propres et en optimisant continuellement leurs routes logistiques.
Amazon, en proposant à ses clients une livraison en Amazon Locker ou des réductions s’ils choisissent une livraison plus « lente », va plus loin et offre un confort, une opportunité d’économiser et de jouer un rôle actif dans la réduction de leur impact environnemental.
Un marché propice aux innovations sur la dimension logistique
Face à des enjeux polymorphes, il serait approprié d’appréhender la livraison comme un service en constante évolution. L’heureuse nouvelle est que ce secteur semble être un terreau fertile à l’innovation, avec des solutions qui émergent pour répondre au double enjeu d’impact environnemental et d’expérience client.
Des avancées sont d’abord palpables sur la dimension logistique de la livraison. Le transport fluvial est l’une des solutions identifiées pour répondre aux enjeux de congestion et pollution des villes et de respect des délais de livraison. Franprix a investi dès 2012 dans le fluvial pour distribuer ses 300 magasins dans Paris et sa petite couronne, et ce mode de livraison commence à être employé pour la livraison à domicile. Bricorama s’apprête à livrer ses clients de plusieurs arrondissements de Paris par voie fluviale grâce à son partenaire Fludis. De la même façon, avec son nouvel entrepôt sur le port de Limay-Porcheville (78), Ikea cherche à atteindre ses ambitions de livraison verte.
D’autres innovations continuent à se développer sur la dimension logistique : la livraison par drone, avec l’ouverture en 2019 par La Poste de sa seconde ligne commerciale par drone pour desservir des villages peu accessibles, et la livraison par véhicule autonome. Udelv a par exemple lancé aux Etats-Unis en 2018 des fourgonnettes autonomes dotées de casiers que les clients peuvent débloquer via une application pour la livraison de courses alimentaires. La promesse : diviser les coûts et temps de livraison par deux.
Une dynamique d’innovation sur l’ensemble de la chaîne de valeur
Nul ne saurait toutefois résumer l’innovation autour de la livraison à l’aspect logistique. L’étape de réception du colis est aussi un moment de vérité au cours duquel il est clé de répondre aux attentes clients. Dans un souci de faire de la livraison un moment « sans couture », le service Amazon In-car delivery proposé aux Etats-Unis permet au livreur d’ouvrir le coffre du véhicule du client pour y déposer son colis. Forte de sa récente levée de fond, la start-up Pick Me ambitionne de développer dans toute la France un réseau de points-relais de proximité chez des particuliers appelés « Keepers ». La plateforme, qui compte aujourd’hui 41 000 « Keepers », offre une double promesse : la réduction de la pollution liée à la multiplication des trajets en cas de client absent et la fin des problèmes de livraison pour le client.
Alors les retailers doivent-ils forcément choisir entre répondre à toujours plus d’exigences client et mettre en place une politique RSE forte ? Probablement oui, car bien que les innovations à venir devraient permettre de concilier les deux, les enseignes n’ont-elles pas aussi pour rôle de faire évoluer leur parc client vers une consommation plus raisonnée et responsable ?
Un article rédigé par Marnie Greusard et Pierre Brun
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Lisez le 1er article de notre série sur la livraison : Quelle place pour le service de livraison dans la stratégie des retailers ?