Vers un nouveau souffle de la fidélisation
L’ère de la réconciliation entre la performance économique et le développement durable s’ouvre. Face aux rapports du GIEC de plus en plus alarmistes, aux prises de conscience individuelles, aux nouvelles législations, aux crises sanitaires, les entreprises, qu’elles le souhaitent ou non, sont désormais dans l’obligation de se transformer et se diriger vers une transition écologique et durable.
Quel que soit le profil du consommateur, qu’il soit préoccupé par la fin du mois ou par la fin du monde, toute la société tend vers une profonde transformation. L’OBSOCO (Observatoire Société & Consommation), via son étude sur les utopies de consommation réalisée en 2019 et 2020, nous apprend que 55% des Français adhèrent à un idéal de consommation du « moins mais mieux ».
Toute la structure de l’entreprise est alors à challenger : quelle mission d’entreprise ? quel positionnement ? quels engagements ? quels impacts sur l’activité historique de l’entreprise ?
Ces questions imposent de revoir « le contrat invisible » passé avec les consommateurs. Il y a encore quelques années, être fidèle à une marque signifiait une certaine régularité d’achat, un intérêt pour les produits proposés, un attachement par le produit, par l’expérience et par la relation client proposée, et également par l’utilisation régulière des programmes de fidélité, des bonnes affaires et des animations proposées. Ce contrat de la fidélité ne suffit plus : il faut désormais offrir aux clients la possibilité de participer à la transformation de la société au global, et ce, quel que soit le profil des consommateurs, sans distinction de pouvoir d’achat.
Dans l’éventail des leviers disponibles pour les entreprises, les programmes de fidélité peuvent devenir des outils intéressants visant à véhiculer les nouveaux engagements et à proposer aux clients de s’investir, avec la marque, pour une économie plus souhaitable et plus durable. Dans cet article, VERTONE vous propose de découvrir des entreprises qui ont appliqué cette démarche.
Le recyclage et la seconde main comme outil de la fidélité client
De nombreuses entreprises, notamment dans les secteurs de la distribution textile et cosmétique, commencent à proposer dans leur dispositif de fidélisation un volet « engagement responsable », qui valorise notamment le recyclage et la seconde main.
Jules et Mango ont intégré à leur mécanique à points, la récompense d’actes responsables. Les clients reçoivent des points pour chaque dépôt en bac de collecte. Mango valorise également le choix de la livraison en boutique, plus écologique que celle à domicile.
Chez H&M, il s’agit d’une mécanique parallèle, permettant de gagner des points « Conscious » pour l’achat de produits de leur gamme « Conscious », plus respectueuse de l’environnement que la gamme classique, ou lorsque le client apporte son propre sac pour emporter ses achats. Le dépôt des vêtements en bac de collecte est vivement récompensé par cette même mécanique, accompagné d’un bon de réduction de 15%. Même principe chez Etam, qui propose un bon de réduction de 10% sur l’achat d’un soutien-gorge pour avoir déposé un ou plusieurs soutien-gorge en borne de collecte. Dans cette même logique, l’Occitane valorise à sa manière le recyclage, en proposant un bon de réduction de -10% tous les trois emballages cosmétiques vides rapportés, quelle que soit la marque.
Si la mécanique de gain de points peut être l’occasion d’engager son client, c’est également le cas pour celle de l’utilisation des points. Nombreuses sont les marques qui proposent plusieurs modes de dépense dont le don à des associations ou le don de points à l’un de ses proches.
Deuxième au podium des actions responsables encouragées par les marques : la seconde main. Ayant la double vertu pour l’entreprise d’être éco-responsable et d’augmenter la valeur de ses clients en répondant à un besoin non couvert jusqu’alors, les marques de prêt-à-porter sont de plus en plus enclines à développer leur propre boucle de consommation. Quelques marques se différencient par leurs mécaniques semblables à un programme de fidélité :
- « La Reboucle » par La Redoute, qui propose deux services de paiement : les clients vendeurs peuvent choisir le versement direct ou le versement sur une e-carte cadeau La Redoute sur laquelle la marque abonde 25% du prix.
- « Seconde Main » par Kiabi, qui propose deux mécaniques de gratification des clients acheteurs selon le canal : en boutique, les achats de seconde main réalisés sont comptabilisés dans une cagnotte en kilo de vêtements achetés, à raison de 5 euros en bon d’achat par kilo ; en ligne, 20% du montant de la transaction est créditée en bon d’achat Kiabi.
Programme de fidélité : une passerelle vers des programmes engagés
Une très grande littérature avait été produite en 2018 lors de l’arrêt de la mécanique du programme de fidélité de Decathlon : la fin de la fidélité avait été clamée ; le programme étant perçu comme obsolète, mimétique et peu généreux. Decathlon revient sur le devant de la scène, avec un nouveau programme de fidélité retravaillé : le « Decat’Club ». Lancé à l’été 2021, il invite notamment à agir pour la planète en proposant des bonus de points pour chaque action responsable, comme l’achat d’un produit label « éco-conçu » ou d’un produit d’occasion, ou encore la participation à une activité éco-responsable. Ce dispositif tente ainsi de réconcilier la performance (via la récompense des dépenses des clients) et la notion d’engagement et de responsabilité.
De son côté, IKEA propose l’application IKEA Better Living à ses clients qui disposent d’un compte en ligne. C’est un véritable programme de reconnaissance qui présente une liste exhaustive d’actes éco-responsables et les clients renseignent ceux qu’ils réalisent au fur et à mesure. Chaque acte permet de remporter des points représentant les euros d’économies réalisés. Sur son profil, l’utilisateur retrouve son impact total personnel en termes d’économie de CO2, de kilogrammes de déchets évités et de litres d’eau économisée. Plus le client agit de manière responsable, plus il accumule de badges et de médailles qu’il peut partager auprès de sa communauté. A la manière d’un réseau social, il est possible de s’abonner ou d’être suivi par d’autres personnes. Les utilisateurs peuvent même construire leurs propres défis écologiques et le proposer à leur communauté.
IKEA ambitionne d’aller plus loin dans le développement de son univers éco-responsable en créant un espace « Circular Hub » au sein de ses magasins. Déjà en test dans certains magasins belges, cet espace propose l’achat et la vente de produits IKEA d’occasion. Bientôt, il proposera également des ateliers permettant d’apprendre à réparer, personnaliser et détourner ses meubles IKEA.
D’autres marques utilisent leur programme de fidélité pour sélectionner leurs meilleurs clients et les intégrer à leurs processus internes de décision. Par exemple, toutes les semaines, les marques Michel & Augustin et Nature & Découvertes consultent l’avis de leurs meilleurs clients sur une question stratégique afin de guider leurs décisions et plans d’actions.
Programme de fidélité : une opportunité pour créer un Ecosystème de marque engagée
Mais certains programmes de fidélité se démarquent encore davantage en proposant une expérience encore plus engagée et engageante. Un exemple particulièrement représentatif est celui conçu pour les propriétaires de la nouvelle Fiat 500 électrique. Ce programme entièrement digital récompense celles et ceux ayant un mode de conduite respectueux de l’environnement. Chaque kilomètre parcouru en voiture électrique rapporte des points et des bonus qui sont accordés aux conducteurs avec le meilleur score d’écoconduite. Les utilisateurs sont récompensés en KiriCoins, une monnaie virtuelle utilisable sur la marketplace de la start-up Kiri Technologies, proposant des produits écologiques et responsables. Il est possible de cumuler l’équivalent de 150€ tous les 10 000 kilomètres parcourus.
Le programme de fidélité de Fiat propose tout un écosystème engagé et responsable qui repousse les frontières de l’environnement de la marque elle-même. Le client est incité à agir de manière responsable et accède, grâce à ce comportement vertueux, à un espace de consommation responsable, lui permettant ainsi de s’ouvrir à d’autres modes de consommation.
En conclusion
A l’ère de la transformation servicielle où vendre un produit n’est plus une finalité en soi, les marques repensent leur positionnement pour combiner leurs activités aux exigences écologiques et sociales actuelles. Cette transformation s’opère de la chaîne de production à l’offre de valeur, en passant par le programme de fidélité, véritable vitrine des valeurs, des engagements et du positionnement de la marque auprès des clients.
Dans cette dualité des comportements de consommation, entre course à la promotion et quête de sens, le programme de fidélité pourrait devenir l’allier idéal des marques pour engager leurs clients en combinant performance et sens.
Un article rédigé par Arnaud Viody et Ann-Laure Pollastri