
Fin de la loi Pinel : quels impacts pour les promoteurs immobiliers ?
Après une décennie de soutien à l’investissement locatif dans les logements neufs, le dispositif de défiscalisation Pinel, qui a permis à de nombreux investisseurs de bénéficier d’avantages fiscaux substantiels tout en soutenant la construction de logements neufs, a définitivement pris fin le 31 décembre 2024. Alors que les promoteurs immobiliers, en difficulté, doivent composer avec un contexte économique tendu – taux d’intérêt encore élevés, faible nombre de permis de construire accordés, pression réglementaire croissante, contraintes environnementales etc. –, la suppression de cette incitation fiscale inquiète et soulève de nombreuses questions. Quels seront les impacts de sa disparition ? Et surtout, quelles stratégies les promoteurs immobiliers peuvent-ils adopter pour rebondir ?
Un dispositif fiscal clé pour l’investissement locatif
nstaurée en 2014 sous le gouvernement de Manuel Valls pour succéder à la loi Duflot, la loi Pinel visait à stimuler la construction de logements neufs en incitant les investisseurs à acquérir des biens destinés à la location. Concrètement, ce dispositif de défiscalisation très encadré permettait aux acquéreurs de bénéficier d’une réduction d’impôt proportionnelle à la durée de mise en location (12 % du prix d’achat pour 6 ans, 18 % pour 9 ans et jusqu’à 21 % pour 12 ans), sous certaines conditions. D’une part, le logement, obligatoirement neuf (souvent acheté en VEFA1) devait être situé dans une zone éligible, caractérisée par un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements. D’autre part, le propriétaire acquérant devait s’engager à louer le bien pour une durée minimale de 6, 9 ou 12 ans à des loyers plafonnés et pour des locataires aux ressources limitées.
Pour les investisseurs, Pinel constituait un outil de diversification patrimoniale attractif. La défiscalisation offrait un levier de rentabilité supplémentaire, compensant la faiblesse relative des rendements locatifs dans certaines zones. L’incitation fiscale a également permis d’atténuer le risque perçu d’un investissement immobilier en réduisant la pression financière à long terme. En près de dix ans, la loi Pinel a soutenu la commercialisation de centaines de milliers de logements neufs. Selon la FPI (Fédération des Promoteurs Immobiliers de France), près de 50 % des logements neufs vendus entre 2015 et 2022 ont été acquis dans le cadre de ce dispositif.
Un levier important pour l’activité des promoteurs immobiliers
Pour les promoteurs immobiliers, la loi Pinel a été synonyme d’augmentation notable des ventes de logements neufs. En orientant les acquéreurs particuliers vers l’achat de biens neufs pour défiscaliser, le dispositif Pinel a permis d’assurer un flux constant de ventes, sécurisant ainsi la rentabilité des opérations et réduisant la dépendance aux seuls accédants à la propriété.
En 2023, en pleine crise de l’immobilier, les investisseurs particuliers représentaient toujours 43% des clients des promoteurs contre 57% des accédants, selon la FPI. Cette diversification des acquéreurs a apporté une stabilité aux ventes et permis aux promoteurs d’atteindre plus rapidement leur seuil de commercialisation. D’autre part, la demande générée par l’incitation fiscale a poussé les promoteurs à adapter leur offre, avec des programmes immobiliers pensés pour répondre aux critères d’éligibilité (localisation, respect des normes énergétiques, plafonds de loyers et de ressources des locataires). Cette dynamique a favorisé une forte production de logements dans les métropoles, où le besoin de nouveaux habitats reste critique.
Malgré son impact positif sur l’activité des promoteurs immobiliers et après plusieurs années de dégressivité des avantages fiscaux et de renforcement des critères d’éligibilité, l’État a finalement décidé de ne pas reconduire le dispositif Pinel en 2025, pour plusieurs raisons. En premier lieu car le dispositif Pinel a engendré des dépenses fiscales jugées trop élevées au regard des objectifs poursuivis (7,3 milliards d’euros au total).
En second lieu car l’efficacité du dispositif est jugée mitigée. Celui-ci, bien qu’ayant stimulé la construction de logements neufs, a également favorisé la construction dans des zones périphériques parfois mal situées, loin des centres-villes et des besoins réels des locataires – l’inspection générale des finances avait également évoqué des immeubles d’habitation construits en loi Pinel à « faible qualité d’usage » dans un rapport d’information paru en 2023.
L’État réoriente aujourd’hui ses priorités sur la rénovation énergétique et la réhabilitation de l’ancien, plutôt que la construction neuve et ne remplacera pas le dispositif Pinel par un mécanisme équivalent, marquant ainsi une rupture dans la politique publique du soutien à l’investissement locatif.
Quelles conséquences pour les promoteurs immobiliers ?
Au sortir d’une année 2024 désastreuse, caractérisée par un effondrement des mises en ventes (-52,3% vs 2022), la fin de la loi Pinel représente un tournant majeur pour les promoteurs immobiliers, devenus « dépendants » du dispositif selon les mots de la Cour des Comptes. Sans incitation fiscale – le dispositif n’est pas remplacé par un mécanisme équivalent -, l’appétit des investisseurs particuliers risque de chuter provoquant une baisse significative des investissements dans l’immobilier neuf (le désengagement des investisseurs privés est déjà engagé avec des réservations au détail en chute de -11,7% vs 2023). Les promoteurs pourraient ainsi faire face à une aggravation de la diminution des réservations de logements neufs, entraînant une baisse de leur chiffre d’affaires et une augmentation des stocks de logements invendus. Cette situation pourrait in fine conduire à une réduction des mises en chantier mais aussi à une hausse des prix de vente.
Par ailleurs, les investisseurs, privés de l’avantage fiscal offert par la loi Pinel, pourraient se détourner de l’immobilier locatif au profit d’autres classes d’actifs telles que l’immobilier ancien ou les SCPI (Sociétés Civiles de Placement Immobilier). Le marché locatif privé, déjà sous tension avec l’encadrement des loyers et l’application des nouvelles normes énergétiques (interdiction de louer des passoires thermiques dès 2025), pourrait ainsi connaître une nouvelle phase de contraction. Les promoteurs devront donc adapter leur modèle économique et leur stratégie.
Comment rebondir face à la disparition du dispositif Pinel ?
Face à cette nouvelle donne, les promoteurs vont devoir réagir pour limiter les impacts de la fin du dispositif Pinel sur leurs ventes aux particuliers. VERTONE identifie 3 pistes principales :
1. Promouvoir d’autres dispositifs fiscaux pour les investisseurs particuliers :
- L’un des premiers leviers consiste à maintenir l’attractivité de l’investissement immobilier pour les investisseurs privés, toujours en quête d’optimisation fiscale et de rentabilité. La promotion du statut de Loueur Meublé Non Professionnel (LMNP) « non géré », c’est-à-dire hors résidence de services (résidence étudiante, EHPAD, résidence de tourisme, résidence d’affaires, etc.) est prometteuse. Ce dispositif consiste en une réduction de la base taxable, permettant d’effacer tout ou partie de l’impôt sur les revenus locatifs. Pour pousser ce dispositif, certains promoteurs ont déjà développé des packs équipés clés en main : Bouygues Immobilier propose par exemple aux investisseurs de meubler pour eux leur futur studio pour 2800€.
- D’autre part, la loi de finances pour 2025 contient une mesure sur laquelle les promoteurs pourront s’appuyer : l’exonération temporaire (jusqu’à décembre 2026) des droits de donations pour les dons d’argent effectués dans le cadre familial pour l’acquisition d’un logement, que ce soit pour occuper le bien ou le donner en location. Notons par ailleurs, que la FPI planche sur la création d’un statut de bailleur privé qui pourrait redessiner le cadre de l’investissement locatif et offrir de nouvelles opportunités aux investisseurs.
- Enfin, les promoteurs investis sur le segment de l’ancien pourront valoriser des dispositifs fiscaux tels que Denormandie ou Malraux, destinés à encourager la rénovation de l’immobilier ancien.
2. Repositionner l’offre vers les accédants à la propriété :
Avec la fin du Pinel, ce segment redevient fortement prioritaire pour les promoteurs. Pour capter cette demande, plusieurs axes d’optimisation sont à envisager.
- D’abord, proposer des solutions de financement attractives et promouvoir des dispositifs d’aide, en s’appuyant notamment sur les mesures de la loi de finances pour 2025, telles que l’extension du PTZ à l’ensemble du territoire (à compter d’avril 2025) pour la primo-accession en résidence principale : il s’agit d’un prêt aidé par l’Etat, exonérant l’emprunteur de taux d’intérêts.
- Ensuite, adapter l’offre de produits et services en concevant des biens plus adaptés aux primo-accédants, avec des T2 et T3 aux espaces optimisés et évolutifs, dans des résidences équipées de services de conciergerie, de logistique, ou encore d’espaces de bien-être.
- Enfin, travailler sur l’accessibilité des prix en optimisant les coûts de construction et en proposant des prestations modulables.
3. Adapter les stratégies marketing et commerciales :
Les promoteurs doivent repenser leurs stratégies marketing et commerciales afin de conquérir de nouveaux segments de clientèle.
- Cela passe d’abord par une segmentation affinée des acheteurs, en identifiant les profils émergents, qu’il s’agisse d’accédants à la propriété ou d’investisseurs aux objectifs diversifiés.
- Le discours commercial doit également être revu pour aller au-delà de l’argument fiscal et mettre en avant des atouts différenciants, adaptés à chaque cible, tels que la qualité des logements, leur localisation, leur performance énergétique conforme à la RE2020 et le confort de vie qu’ils offrent.
- Enfin, la digitalisation s’affirme en levier clé : le développement d’outils immersifs comme les visites virtuelles, la réalité augmentée et les simulateurs de financement permet d’élargir l’audience et d’accompagner les clients dans leur parcours d’achat de manière plus engageante et interactive.
Si la fin de la loi Pinel représente une rupture majeure, elle constitue aussi une opportunité de repenser le modèle économique de la promotion immobilière. La période qui s’ouvre sera marquée par une nécessité d’innovation et d’adaptation, tant sur les produits proposés que sur les stratégies de commercialisation et d’acquisition de nouveaux clients.