Textile : quels leviers pour reconquérir la clientèle ?
Nous avons partagé un aperçu des conséquences de la crise du Covid-19 sur le secteur durement touché du textile dans notre article « Le secteur du textile serait-il arrivé au bout de son modèle ? ». Pour aller plus loin, VERTONE a identifié 3 grands enjeux à adresser par les acteurs du secteur du textile pour préparer l’après, certains relevant du court terme et d’autres du moyen/long terme. Dans cet article, nous aborderons le 1er enjeu, celui relatif au court terme : la reconquête de la clientèle.
La période de confinement a confronté les consommateurs à de nouvelles expériences : nouveaux canaux d’achat, nouvelles marques, nouvelles enseignes, nouveaux produits pour certains, ou encore absence d’achat pendant une période assez longue pour d’autres… Les marques de textile ont été touchées de façon différente par le phénomène, en fonction de leur implantation, de leur cible, de leur niveau de présence en e-commerce, mais l’impact sur leurs ventes pendant cette période a au global été très fort. Il est donc clé pour les enseignes de mode de faire revenir leurs « anciens » clients rapidement sans pour autant investir dans de l’acquisition client, notamment via de l’achat média souvent coûteux.
Levier #1 – Lever les freins à l’achat
Avec la crise sanitaire, l’expérience en boutique pourrait devenir un véritable frein à l’achat. Aujourd’hui, deux principaux freins peuvent engendrer un désintérêt des clients à se rendre en boutique.
- La crainte et/ou contrainte du sanitaire pour les clients les plus sensibles à cet aspect : trop de monde sur des surfaces trop petites ou exiguës, des protocoles sanitaires peu ou pas respectés par une partie de la clientèle, voire partiellement mis place par certaines enseignes elles-mêmes, l’impossibilité de pouvoir toucher les produits, crainte de l’essayage, un port du masque rendant l’expérience plus contraignante, un paiement parfois obligatoire en sans contact…
- Le temps perdu en magasin (en raison de ces contraintes sanitaires) : les mesures sanitaires induisent souvent une dégradation de l’expérience client, d’autant plus fortes que certaines enseignes font preuve de maladresse dans la mise en place des organisations. Les conséquences sont nombreuses et visibles : queues interminables à l’extérieur des boutiques ou encore à l’intérieur aux caisses, complexité de l’essayage des vêtements (parfois tout simplement impossible ou limité en nombre d’articles), personnel moins disponible rendant difficile la demande d’information, etc…
Pour faire revenir les clients et lever ces freins, les enseignes vont donc devoir sécuriser et optimiser au mieux l’expérience d’achat physique.
Le digital in store
L’essayage virtuel pourrait fortement se développer, à ce titre la start–up française Vertuus a lancé une application qui permet d’essayer virtuellement un vêtement sur son smartphone via un code barre.
Mais d’autres services digitaux in store pourraient également se démocratiser :
- Les caisses automatiques et notamment la mise en place de dispositifs de self checkout via mobile comme vient de le lancer Decathlon en Allemagne
- La réservation d’une cabine d’essayage comme va le proposer Zara via son application
- L’affichage d’un scan code par Adidas communiquant les informations produit et les tailles disponibles en arrière-boutique sans solliciter de vendeur
- Le clienteling : ces « tablettes » permettent aux vendeurs de mieux connaître leurs clients (historique d’achat, produits préférés, communications reçues, offres éligibles, etc.) pour dispenser des conseils personnalisés, adaptés et pertinents. Les clients pourront ainsi gagner du temps dans l’essayage de vêtement par exemple mais aussi vivre une expérience plus « sur-mesure » en boutique avec une relation qui pourra se nouer dans la durée.
LE DRIVE PIETON ET LE CLICK & COLLECT
Ces canaux d’achat devraient se développer de plus en plus dans le secteur de la mode. Pour exemple, Gémo a annoncé la mise en place de son service de drive en même temps que la réouverture de ses magasins le 11 mai dernier, et Kiabi a lancé son nouveau « click & drive » pour récupérer son achat mode sans sortir de sa voiture. Ces services sauront certainement séduire les clients pressés souhaitant éviter les attentes interminables ou encore ceux craignant de se rendre en magasin.
Autre pratique d’un autre secteur qui pourrait inspirer le textile : les Pickup store. Starbucks va fermer 400 cafés pendant les 18 prochains mois et parie sur son concept « Pickup », des magasins qui s’adressent uniquement aux clients qui commandent via l’application mobile. Plus de possibilité de s’asseoir pour prendre un café, la boutique sera une toute petite surface permettant uniquement de faire de la vente à emporter.
L’IMPORTANCE DU RÔLE DU VENDEUR
Même si le digital se développe fortement dans le Retail, le vendeur a un rôle clé en boutique et encore plus particulièrement dans l’habillement : il doit rassurer, conseiller (et parfois convaincre) le client, mais aussi gérer de nombreuses tâches back-office (rangement, réception des approvisionnements, gestion des stocks, nettoyage…). La crise sanitaire et l’explosion du e-commerce devraient rendre son rôle encore plus important qu’auparavant. En effet, il devra à la fois faire respecter les consignes sanitaires, tout en apportant une réelle plus-value à l’expérience d’achat du client en boutique (vs. l’expérience en ligne).
Certaines enseignes, comme Kaporal, ont pris les devants et proposent un service de rendez-vous et de privatisation de la boutique pour vivre une expérience de conseil sur mesure.
Levier #2 – Susciter l’attention et l’envie d’acheter
La mode est de plus en plus un achat plaisir pour certains mais reste également encore un achat de nécessité pour d’autres. Les enseignes vont donc devoir trouver les bons moyens selon le profil du client, de susciter son attention et de lui redonner l’envie d’acheter.
L’analyse des données client, et notamment des évolutions dans les comportements d’achat, sera un atout essentiel dans cet effort de reconquête/réactivation. Si le période de confinement a accéléré ou amplifié certaines tendances globales, elle a beaucoup plus encore accentué les dispersions de comportements et des attentes clients. La capacité à différencier, cibler et doser les efforts de reconquête jouera un rôle important :
- Il faudra d’une part cibler ces clients n’ayant fait aucun achat au sein de l’enseigne depuis la crise, puis les segmenter selon leurs précédents types de consommation et enfin les recontacter via du CRM ciblé multi touch-point.
- La personnalisation de la communication sera un atout pour les inciter à revenir.
- Il faudra en revanche faire attention à ne pas abuser du levier de la promotion qui peut s’avérer efficace à court terme mais qui est souvent destructeur de valeur dans la durée.
- Enfin, en adoptant une stratégie orientée client, l’enseigne peut construire un assortiment optimum adapté à la boutique et aux caractéristiques de sa clientèle. Par exemple, Caroll qui a décidé de connecter ses 173 magasins à son site e-commerce et prévoit le calcul de ses stocks en temps réel pour fluidifier les achats et traiter plus rapidement les commandes effectuées en ligne et en magasin.
Par ailleurs, une bonne gestion de son assortiment au plus proche de la demande doit permettre :- D’optimiser les performances commerciales : minimiser les surstocks qui ont un coût important sans passer à côté de ventes potentielles à cause de ruptures de stocks
- De rester flexible et envisager des évolutions pour tenir compte des nouveaux besoins et des nouveaux comportements clients qui auront potentiellement apparu durant la crise
- De tenir compte des évolutions possibles du pouvoir d’achat des clients
Nous avons déjà traité de l’usage de la data client dans le cas de la grande distribution alimentaire dans l’article suivant : « Exploiter la data client pour optimiser sa proposition de valeur en période post-Covid«
Dans un prochain article, nous aborderons les 2 autres enjeux stratégiques à relever selon nous par le secteur du textile : la nécessité de faire évoluer l’offre en anticipant les changements de comportements des consommateurs d’une part et de transformer en profondeur le modèle de distribution d’autre part.
Un article rédigé par Pierre Brun & Pascal Boulnois