15/01/21

Les clés de la fidélisation en assurance

VERTONE réalise tous les deux ans un benchmark des programmes de fidélisation en multi secteurs ; la version 2020 de cette étude (plus de 600 acteurs intervenant sur le marché français étudiés pour environ 300 programmes de fidélisation analysés), montre que le secteur de l’Assurance n’est pas en reste puisque sur les 25 assureurs et mutuelles les plus importants observés, 40% disposent d’un programme de fidélisation. Néanmoins le programme de fidélisation n’est qu’une des réponses possibles à la fidélisation des clients dans le secteur. Aussi, nous avons souhaité au travers de cet article comprendre les enjeux de la fidélisation et les leviers associés pour les assureurs.

Pourquoi est-ce important pour un assureur de fidéliser ses clients ?

Pour différentes raisons, les assureurs se sont assez tardivement penchés sur la fidélisation de leur portefeuille clients. Tout d’abord la relation « offreur / demandeur » est particulière en assurance dans la mesure où certains produits (ex Santé) sont achetés pour être « consommés » plus tard (cycle de production inversé) voire pour ne pas être « consommés » dans la mesure du possible (ex Auto / MRH). Par ailleurs, le modèle économique des assureurs reste fondé sur la perspective d’un portefeuille de clients peu ou pas actifs (industrie de stock).

Il n’aura échappé à personne cependant que les clients ont évolué ces dernières décennies : ils comparent et ont désormais vis-à-vis de leurs assureurs les mêmes exigences qu’envers leurs autres fournisseurs de services (transparence, immédiateté, omnicanalité…).  Pour autant, et même si la volatilité des clients en assurance n’a pas complétement explosé, le législateur tend à la faciliter, comme la Loi Hamon de résiliation à tout moment passé la 1ère année en Auto et MRH ou encore la Résiliation Infra Annuelle en santé depuis décembre 2020. Par ailleurs, la concurrence s’est considérablement développée entre assureurs d’une part, mais également du côté des bancassureurs qui, très offensifs, ne cessent de gagner de l’importance. En effet, selon l’Argus de l’Assurance, 6 bancassureurs figurent parmi le top 20 2019 des assureurs auto en CA. Les Insurtechs, même si elles pèsent peu sur le marché, viennent aussi bousculer le marché avec des offres nouvelles au travers des objets connectés par exemple ou grâce à des parcours client 100% digitalisés à l’instar de ceux proposés par Luko en MRH ou Alan en Protection Sociale Collective. Dans ce contexte, la préservation et le développement du capital que représente le portefeuille clients d’un assureur constitue un enjeu majeur.

Quels sont les leviers de fidélisation principaux en assurance ?

Le principal levier de fidélisation en assurance – comme dans tous les secteurs du reste, est la qualité de la prestation rendue. Ainsi la gestion du sinistre est le moment clé de la relation assuré / assureur, vecteur d’une fidélité durable lorsque tout se passe bien ou d’une résiliation quasi certaine dans le cas inverse. De fait les assureurs ont fortement investi dans les parcours client sinistre ces dernières années (prévention des risques en amont, déclaration en ligne, expertise à distance …). Mais, au-delà du parcours, l’indemnisation reste le point critique et sur ce sujet de nombreuses améliorations restent à apporter notamment pour rendre intelligibles et compréhensibles du client des garanties qui ne le sont pas toujours. Cependant, il n’est pas toujours donné la possibilité à l’assuré de tester la qualité de la prestation. Ainsi, pour ces mêmes risques, l’occurrence de contacts entre assuré et assureur se limite souvent à l’appel de cotisations annuelles. C’est l’une des difficultés supplémentaires de la fidélisation dans le secteur de l’Assurance.

Un autre levier de fidélisation des assureurs réside dans la proposition de services complémentaires, plus ou moins éloignés de leur cœur de métier.  Par exemple, les marques du Groupe Covéa proposent à leurs sociétaires de nombreux services au travers d’une plateforme commune aux 3 marques en lien avec les univers de besoins des sociétaires et commercialisés au travers de partenariats. A travers une étude réalisée par VERTONE début 2020, nous avions recensé pas moins de 1200 services proposés par une vingtaine d’assureurs seulement et visibles sur les sites internet de ces mêmes acteurs ! Si certains services offrent une vraie valeur ajoutée pour l’assuré (par exemple, le comparateur d’établissements hospitaliers Comparhospit proposé par Malakoff Humanis, en partenariat avec le réseau Kalixia), force est de constater que cette multitude de services rend l’offre parfois peu lisible pour l’assuré et/ou que les marques peinent à valoriser ces services de manière cohérente auprès de leurs clientèles.

Un dernier levier est la mise en place de remises. Si en Assurance, les remises à l’acquisition (traditionnellement 2 mois de cotisations offerts par exemple en IARD ou encore réduction selon le nombre de personnes assurées en santé) sont monnaie courante, les dispositifs de remise tarifaire et/ou dispositifs d’abaissement de franchise / hausse des plafonds de garantie en cours de vie sont plus rares. La MACIF propose par exemple dans le cadre de ses contrats santé individuelle des bonus fidélité se matérialisant par de meilleures prises en charge sur certaines prestations en optique et dentaire (+10% par an dans la limite de 30%).

Et les programmes de fidélisation en assurance ?

Le benchmark VERTONE 2020 des programmes de fidélisation en multi secteurs montre que 40% des acteurs de l’assurance étudiés disposent d’un programme de fidélisation (au sens programme packagé et communiqué aux clients par opposition aux actions unitaires segmentées) contre 46% des acteurs en multi secteurs. Parmi ceux-ci, 75% sont des programmes de reconnaissance et 25% des programmes de récompense soit un rapport inversé par rapport aux données observées sur la globalité des acteurs étudiés. Cela témoigne du manque de légitimité et de pertinence du secteur pour proposer des dispositifs de fidélisation transactionnels au regard de la nature même du produit assurance.

Notre étude nous a également permis de constater que les programmes de reconnaissance proposés par les acteurs du secteur se limitent souvent à un accès à un catalogue de services dispensés via des prestataires et dotés de remises tarifaires. Ces services sont souvent peu différenciants et les remises associées pas toujours attractives au regard des nombreuses plateformes de remises tarifaires existantes à date. La MAIF au travers de son MAIF Social Club, dépasse cette logique du simple programme de réductions partenaires pour créer une réelle communauté animée autour d’événements, d’expérimentations produits et services et du partage.

Toujours dans le cadre de cette étude, nous avons observé des pratiques originales en la matière : Generali France propose aux salariés des entreprises ayant souscrit un contrat santé / prévoyance collective, l’accès au programme de prévention santé Vitality – programme à statuts et à points fonctionnant selon les mêmes codes qu’un programme de récompense classique mais ayant pour vocation de développer les comportements responsables en santé. Dans un autre registre, La Mutuelle des Motards propose à ses assurés un programme de parrainage solidaire en lien avec l’association Handicaps Motards Solidarité.

Peut mieux faire ?

Et si plus globalement la logique de fidélisation en Assurance résidait dans la capacité de ses acteurs à travailler « simplement » leurs faiblesses actuelles ?

  • Pédagogie et (accompagnement et facilitation au choix des produits, amélioration de la lisibilité des notices d’assurance – des tableaux de garantie en santé, explicitation des appels à cotisations – à quoi servent les sommes que j’ai payées ?, etc)
  • Simplification et fluidification des parcours clients depuis la souscription en passant par la prestation et jusqu’à la résiliation
  • Proactivité tout au long du cycle de vie (adaptation des garanties aux variations des besoins des assurés, mise en avant proactive des services auxquels l’assuré a le droit …)

Un article rédigé par Fabienne Goarzin