07/09/22

Livraison à domicile : comment en faire un axe de différenciation ?

Entre 2017 et 2019, la croissance mondiale des ventes e-commerce a été 10 fois plus importante que la croissance des ventes offline. En 2020 et 2021, le marché du e-commerce français continue sa croissance à deux chiffres avec une valeur de 129Md€ en 2021, soit +15% vs. 2020. Afin de cerner au mieux les ressorts de cette dynamique, VERTONE a mené en septembre 2021 une enquête auprès de 2000 consommateurs représentatifs de la population française ayant utilisé au moins un service livraison au cours des 12 mois précédents (retrouvez l’étude ici).

Les résultats confirment cette accélération des usages de la livraison, avec 38% des répondants qui déclarent utiliser plus souvent la livraison à domicile, tous secteurs confondus et 25% déclarant utiliser plus le Drive pour leurs courses alimentaires.

Cette étude a permis à VERTONE de se forger 7 convictions sur la livraison, visant à orienter au mieux les enseignes dans la définition de leur stratégie de distribution.

1/ La politique promotionnelle de la livraison doit s’appréhender en prenant en compte l’ensemble des leviers et les objectifs qui leur sont associés

Plusieurs leviers peuvent être identifiés : livraison gratuite et/ou illimitée, éventuellement incluse dans un programme de fidélité ou offerte de façon ponctuelle dans le cadre d’animations promotionnelles. Ils doivent cependant être utilisés de façon cohérente, en réponse à un objectif précis.

Ainsi, la livraison gratuite à partir d’un certain montant de commande, véritable standard de marché attendu par 79% des répondants, devrait permettre d’optimiser le taux de conversion web et le recrutement de nouveaux clients. Les offres d’abonnement avec livraison illimitée jouent quant à elles sur le taux de nourriture et la fidélisation des meilleurs clients, et les offres promotionnelles sur l’optimisation de certains comportements clients (churner, clients exclusifs magasin ou « one timers »…).

Attention toutefois à activer ces leviers en prenant en compte leur cannibalisation potentielle : seule une politique promotionnelle de la livraison globale permettra d’éviter cet écueil, tout en garantissant un niveau optimal d’efficacité.

2/ L’escalade de politiques tarifaires de plus en plus agressives n’est pas une nécessité

Les pratiques des pures players, adeptes des politiques tarifaires agressives en matière de livraison, impactent les comportements client : ainsi, le prix de la livraison apparaît comme le 2e critère de choix d’un achat en ligne, et 66% des clients déclarent dépenser plus si le prix de la livraison est « attractif ».

Toutefois, la pertinence de cette « différenciation par le prix » peut être remise en cause. En effet, 73% des clients considèrent légitimes de payer des frais de livraison, et la moitié d’entre eux déclarent utiliser la livraison du fait de sa gratuité plus que pour répondre à un réel besoin. Enfin, le contexte de l’acteur ne suffit pas, en soi, à légitimer une politique de ce type : en effet, qu’il soit challenger ou leader de son marché, un service « bradé » aboutit le plus souvent à de la destruction de valeur, à moyen ou long terme.

3/ La différenciation entre retailers devrait passer par une offre de service livraison incluant le magasin

Si la « différenciation par le prix » ne semble pas pertinente, elle n’en demeure pas moins un standard du marché lié notamment aux pratiques d’Amazon en la matière (livraison gratuite à partir de 25€ d’achat, opérations commerciales, abonnement Prime avec une livraison gratuite en 1 jour ouvré…).

En réaction, les différents acteurs du retail font donc évoluer leur politique tarifaire, avec des frais d’expédition gratuits sur minimum d’achat pour 46% des e-commerçants et le lancement de nombreux abonnements livraison (ASOS, CDiscount, Showroomprivé, Fnac, La Redoute…). Mais c’est en capitalisant sur leurs actifs propres que les retailers parviendront à faire réellement la différence : ainsi, la complémentarité web/magasin est clé, avec l’accélération du click & collect en 2H ou moins, du « ship from store » ou de la livraison par un collaborateur qui s’appuient sur un bon maillage magasins et permettent souvent de mettre en avant expertises et conseils à destination du client.

4/ La refonte d’une offre de livraison est susceptible d’impacter les équilibres de l’enseigne et de son écosystème et doit donc être pensée de façon globale

Qu’il s’agisse du lancement d’un nouveau service de livraison à domicile, d’un nouveau mode de livraison, de la mise en place d’une nouvelle politique promotionnelle sur un mode de livraison ou de l’omnicanalité du prix de livraison, les impacts sur l’organisation de l’enseigne peuvent être significatifs et générer des déséquilibres. L’offre livraison peut en effet influencer les comportements d’achat client, le conduisant à privilégier de nouveaux canaux de distribution. De même, elle peut faire varier l’attractivité d’offres pré-existantes concernant notamment les modes de délivrance, telles que le click & collect, l’usage des points relais ou la livraison express. Enfin, elle peut avoir un impact sur les flux logistiques et donc sur les capacités supply, allant parfois même jusqu’à mettre à mal la capacité pour une enseigne à délivrer le service / produit attendu de la part du client final.  

Lors d’une refonte de l’offre livraison, il est donc clé de modéliser l’ensemble des évolutions du mix canal de distribution et mode de délivrance, afin d’anticiper au maximum ces déséquilibres.

5/ Le service livraison express doit répondre à un réel besoin client, en tenant compte de l’impact RSE et de l’impact sur les autres modes de délivrance

La livraison express coûte cher aux retailers. Elle a pourtant été banalisée par les pures players, et notamment par l’abonnement Amazon Prime. Toutefois, seuls 50% des clients choisissent la livraison express pour un besoin d’urgence de livraison. 33%, en revanche, n’optent pour cette option que par pur opportunisme, c’est à dire lorsque son tarif est compétitif avec celui de la livraison standard, alors même que l’impact social et environnemental d’une telle pratique est significatif et généralement peu compatible avec les engagements des enseignes en matière de RSE.

Il s’agit donc de bien utiliser la livraison express dans le cadre d’un bénéfice client clairement identifié, et de valoriser ce service en gardant à l’esprit que 56% des clients sont prêts à payer un supplément pour ce type de prestation.

6/ Le service livraison doit devenir un élément de preuve de la stratégie environnementale et sociale des retailers

68% des clients prennent en compte des considérations environnementales et sociales dans leur décision d’être ou non livrés. Proposer une livraison respectueuse autant que possible des engagements RSE de l’enseigne apparaît ainsi comme un réel vecteur de différenciation vis-à-vis de clients de plus en plus sensibles à ce type de problématiques. La réglementation est par ailleurs amenée à se durcir sur le sujet ; les entreprises qui prendraient les devants bénéficieraient donc d’un avantage concurrentiel par rapport à celles contraintes de rattraper le temps perdu.

Il s’agit ensuite d’être cohérent sur l’ensemble des dimensions de la livraison : du transport aux emballages, la transition vers une livraison plus « verte », c’est-à-dire une livraison qui a impact moins négatif sur l’environnement, se conçoit de façon globale, tout en continuant à pratiquer des tarifs alignés sur les standards du marché : en effet, seuls 35% des clients se disent prêts à payer plus cher pour ce type de service. L’investissement devra donc être pris par les entreprises dans une démarche volontariste d’engager cette transition sans en faire porter le prix par le client.

En revanche, dans un contexte de course à l’instantanéité et de boom du quick-commerce, on notera que 31% des clients se déclarent prêts à accepter un délai supplémentaire pour une « livraison verte », avec un délai moyen supplémentaire d’un à deux jours.

La proposition d’un abonnement avec livraison peut être source de fidélisation et de valeur client mais doit faire l’objet d’une étude d’opportunité

L’abonnement livraison représente un levier à fort potentiel pour les entreprises, avec 58% des répondants ayant déjà souscrit à un abonnement livraison (dont 44% Amazon prime). Ce type d’abonnement garantit en effet un impact positif sur le taux de nourriture de l’enseigne, constitue une source de fidélisation et de développement de la fréquence d’achat et/ou de la valeur client, ainsi qu’un levier possible de recrutement de nouveaux clients.

Il n’est toutefois pas toujours une option adaptée. Les spécificités du contexte doivent donc être prises en compte. Secteur, fréquence d’achat, qualité de service que l’entreprise est en mesure d’assurer et objectifs recherchés autour de ce nouveau business model : il apparaît nécessaire de réaliser une étude d’opportunité avant le lancement d’un abonnement à la livraison.

Les enjeux liés à la livraison sont donc nombreux et constituent des opportunités de croissance conséquentes pour les retailers prêts à s’y engager efficacement. Ce service, malheureusement trop souvent “bradé” en perd sa valeur alors que, dans un contexte d’e-commerce en plein essor, son optimisation globale en respectant un certain nombre de contraintes pourrait permettre de créer de la valeur à la fois pour l’entreprise et le client final.

Un article rédigé par

Margaux Feredj, Manager