[VIVATECH 2024] IA, hypervision, digital twins, innovations photovoltaïques : les nouvelles technologies pour accélérer la transition énergétique des villes
Dans le cadre des contrats de performance énergétique, les collectivités s’équipent de plus en plus d’outils d’intelligence artificielle ou d’innovations industrielles pour optimiser la consommation énergétique des villes. Des innovations mises en lumière cette année à l’occasion du salon Vivatech.
VERTONE revient sur quelques-unes des innovations phares, avec des initiatives d’acteurs industriels comme Bouygues et ses filiales Equans et Colas ou encore Dassault Systèmes.
Optimiser les flux de l’énergie à l’intérieur des villes et dans les bâtiments
Equans
Lors de Vivatech, Equans, leader français des services multi-techniques, a mis en avant ses innovations en matière de géothermie. Cette technologie, mise en place au travers d’une pompe à chaleur, permet de chauffer les bâtiments l’hiver (en transférant l’énergie thermique du sol) et de les refroidir l’été (en stockant la chaleur dans le sol).
Ce système permet donc d’optimiser l’exploitation de la chaleur au sein des bâtiments, avec des résultats probants : une réduction par quatre de la consommation de gaz, et par sept des émissions de GES. Cette technologie n’en demeure pas moins un investissement onéreux, raison pour laquelle les constructeurs ont tendance à l’utiliser avec un mix énergétique au sein de bâtiments hybrides.
Colas
Colas a lui présenté sa solution Wattway, un revêtement routier photovoltaïque permettant aux chaussées de produire de l’électricité tout en conservant leur fonction de support de la circulation des véhicules. Le système consiste à coller ces dalles photovoltaïques, composées de capteurs solaires, directement sur la chaussée (routes, pistes cyclables, parkings…).
Ces dalles sont capables de supporter des camions et des cyclistes tout en produisant de l’énergie renouvelable. Ces infrastructures augmentent la production d’énergie propre en utilisant les surfaces existantes des routes et pistes cyclables ; un concept déjà éprouvé à plus grande échelle aux Pays-Bas sur les pistes d’aéroport.
Capter et cartographier les données de la ville pour faciliter la prise de décision
Bouygues Construction
Au travers de son design lab, Bouygues Construction utilise l’intelligence artificielle pour traiter et analyser un grand volume de données sur les infrastructures urbaines, et ainsi aider la détection d’optimisations et le processus de prise de décision.
L’exploitation de données et l’IA permettent par exemple de contextualiser virtuellement la construction d’un nouveau bâtiment, en le situant dans son environnement, et ainsi d’anticiper les impacts du bâtiment sur la ville (couloir de vent, îlot de chaleur, etc.). Le design lab est en train de tester une dizaine d’outils avec une équipe de 30 collaborateurs pour étudier les potentielles solutions d’IA à déployer de façon industrielle.
Equans
Pour accompagner les collectivités vers une gestion optimisée de l’ensemble de leur territoire, Equans a développé une solution d’hypervision, interface de cartographie et de data visualisation allant puiser les données dans un référentiel de données uniques. Les données sont issues de capteurs situés sur les différentes infrastructures de la ville, qui sont ensuite traitées par l’IA.
La solution d’hypervision est ensuite utilisée par les collectivités (techniciens ou opérationnels) afin de faciliter la planification d’évènements dans la ville (éclairage public, fermeture de voiries…), la mesure de performance (KPIs d’aménagement, sécurité…) et d’optimiser les actions des services publics.
La solution a par exemple été déployée à Rennes, sur un cas d’usage autour du nombre de places disponibles dans les voitures proposant du covoiturage, à partir de capteurs installés dans les parkings de la ville, une initiative au service de la promotion des pratiques de mobilité vertueuses du point de vue environnemental.
Anticiper les évolutions futures de la ville grâce à l’analyse prédictive et l’IA
Dassault Systèmes
Avec les jumeaux virtuels ou « digital twins » de la ville, Dassault Systèmes met à profit ses compétences en modélisation pour cartographier, simuler et prédire les impacts de politiques publiques sur la ville. Par exemple, Dassault a ainsi contribué à réaliser une cartographie de la dispersion des polluants dans la ville de Lyon pour agir en prédictif.
Une autre expérimentation consiste à simuler à Paris l’impact sur le trafic et le bruit de la réservation d’une ligne du périphérique réservée au covoiturage. Comme le soulignait en conférence Jacques Beltran, VP Cities & Public Services, ces solutions permettent la prise de décision des autorités locales « sur une base plus scientifique et moins intuitive, tout en créant davantage de consensus entre les citoyens ».
Bouygues Telecom
Bouygues Telecom s’appuie également sur son expertise en matière d’IoT (internet des objets) pour développer des cas d’usages propres à a ville : détection de fuites d’eau, localisation de trottinettes électriques ou de bornes de recharge électriques, collecte des déchets…
Les capteurs déployés permettent de réguler des systèmes de la ville comme l’éclairage public à Barcelone, avec des capteurs de luminosité et de mouvement, permettant d’éviter 2 400 tonnes de CO2 par an, ou encore à Drancy, avec la mise en place d’un système de stationnement intelligent permettant de renseigner en temps réel le nombre de places disponibles, de capteurs de CO2 et de caméras 5G mobiles pour lutter contre le dépôt sauvage d’ordures.
Pour conclure
Un enseignement clé ressort de cette édition de Vivatech 2024 : pour éviter les écueils, le recours à la technologie et à l’intelligence artificielle doit se faire avec précautions. D’une part, comme toute innovation, les temps d’expérimentation sont souvent longs avant de voir aboutir une mise en marché industrielle, et parfois, le retour d’expérience n’est pas concluant à court terme.
Des témoignages le confirment : l’intelligence artificielle ne peut pas produire de modèles fiables si les données collectées ne sont pas saines, ou si elles ne sont pas analysées par l’homme en amont, en intégrant les aléas de la vie réelle.
D’autre part, en termes d’organisation, de plus en plus d’entreprises se dotent d’équipes IA avec des experts du domaine, et restent confrontées à un double enjeu : bien calibrer les projets en fonction de l’impact attendu sur le business (quelle espérance de gain / d’économies d’énergie) et parvenir à faire travailler ensemble ces équipes avec le reste des métiers industriels.
Il n’en demeure pas moins que ces innovations présentées à Vivatech laissent présager des perspectives intéressantes pour une gestion plus responsable et plus intelligente de l’énergie à l’échelle des villes, avec de nouveaux modèles et des déploiements industriels à suivre dans les prochaines années. Des perspectives à mettre en regard de l’urgence climatique croissante, en matière d’atténuation et d’adaptation, et du « coût de l’inaction » que devront porter les villes qui ne prendront pas suffisamment vite les décisions qui s’imposent.
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