Les politiques de retour des e-commerçants : un dilemme entre commodité client et défis environnementaux
L’attrait croissant pour les politiques de retour simplifiées dans le commerce en ligne pose des défis environnementaux majeurs. Entre exigences de commodité client et impératifs écologiques, les e-commerçants naviguent dans un paysage où l’innovation durable devient cruciale.
Le reverse, de quoi parle-t-on ?
Lorsque vous achetez sur Internet, prenez-vous en compte la politique de retour du site e-commerçant pour vous décider ? C’est en tout cas ce que font 49 % des consommateurs, pour lesquels une politique de retours simplifiée est un critère important pour l’achat en ligne (ParcelLab). Les e-commerçants en sont conscients et proposent souvent des retours gratuits avec étiquette prépayée. Cependant, la viabilité de cette tendance face à la conscience écologique croissante est discutable.
Le « retour colis » ou « reverse » désigne les procédures permettant aux clients de renvoyer un article qui ne les satisfait pas, avec des modalités variées (retours gratuits ou payants, en magasin ou en relais colis). En France, 39 % des colis sont retournés (Global Consumer Survey de Statista, 2022), soit plus d’un colis sur trois ! Le système « satisfait ou renvoyé » est donc très courant pour les achats en ligne. Si les e-commerçants adhèrent tant à cette tendance et misent de plus en plus sur une politique de retour attractive, il y a des bonnes raisons.
Quels enjeux pour les e-commerçants ?
Une politique de retour incitative facilitant le processus de retour permet d’attirer et de fidéliser les clients. Pour répondre à cet objectif, les e-commerçants peuvent user deux leviers complémentaires :
La promesse du e-commerçant :
Il peut s’agir de la garantie d’un remboursement sous un délai minimum ou d’un coupon d’achat en échange du produit retourné. Cette promesse constitue la première motivation du client qui souhaite retourner un colis. Plus elle est simple et garantie, plus le client va être invité à renvoyer le colis dont il ne serait pas satisfait.
La Redoute, un remboursement sous 14 jours garanti : La Redoute affiche la promesse d’un remboursement sous 14 jours à compter de la date de dépôt du colis retour.
Nordstrom, des délais de retour sans fin : la marque laisse les clients retourner leur colis sans limite de temps, montrant ainsi une grande confiance dans leurs produits et un engagement envers la satisfaction client.
La promesse du transporteur choisi par le e-commerçant :
Cela consiste pour le e-commerçant de proposer des conditions de renvoi rapides et faciles en choisissant un transporteur qui répond à ses objectifs de coûts et de qualité de service. Le choix du transporteur est stratégique, puisque c’est lui qui devra gérer l’insatisfaction du client en cas de retard ou perte du colis.
Mondial Relay, un retour ultra simplifié pour une expérience unique : Le client a la possibilité de se rendre au point relais le plus proche sans avoir emballé son colis ni imprimé l’étiquette de retour. Le commerçant partenaire lui fournit sur place un emballage et une étiquette.
Relais Colis, un retour rapide et digitalisé avec un QR code : Plus besoin d’imprimer son étiquette avec Relais Colis. Les étapes de retour sont limitées et rapides : le client se rend simplement en point relais, dépose son colis et fait scanner un QR code. Le tour est joué !
Amazon, une double promesse car à la fois e-commerçant et transporteur : Amazon fidélise ses clients en remboursant quasi instantanément le produit à retourner et en assurant un retour gratuit. Pour certains produits, Amazon rembourse même le produit sans que le client n’ait à le retourner.
La politique de retour participe donc bel et bien à l’image du e-commerçant, ce qui explique que beaucoup la soignent.
Comment la conscience écologique vient-elle challenger les politiques de retour des e-commerçants ?
Cependant, un vrai dilemme intervient quand les discours écologistes viennent dénoncer les impacts environnementaux considérables liés au transport des colis. En France, selon une étude de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), les retours de produits génèrent chaque année environ 20 000 tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions de 4 000 voitures. Face à cette réalité qu’on ne peut plus ignorer, les e-commerçants n’ont plus d’autre choix que de repenser leurs stratégies en proposant des solutions innovantes et en encourageant des achats plus responsables, sous peine de voir leur image de marque ternie par des pratiques jugées irresponsables.
À titre d’exemple, Patagonia encourage ses clients à penser davantage à leurs achats en mettant l’accent sur la durabilité et en offrant des options de retour responsables. L’entreprise informe ses clients sur l’impact environnemental des retours et encourage ces derniers à réfléchir attentivement avant d’acheter, en soulignant l’importance de choisir les bons produits dès le départ. De plus, Patagonia assure un service de réparation gratuit ou à faible coût pour limiter le rachat de produit neuf, et leur potentiel retour. Cette approche non seulement réduit l’empreinte carbone des retours mais renforce également leur engagement envers une consommation plus consciente et respectueuse de l’environnement.
Et si les e-commerçants n’arrivent pas innover eux-mêmes autour du sujet, il existe de plus en plus d’entreprises spécialisées innovantes, comme Happy Returns, Rebound, et Loop Returns, qui réinventent le processus de retour colis et proposent d’assister les e-commerçants pour maximiser la commodité pour le client, réduire les coûts pour les entreprises et minimiser l’impact environnemental. Par exemple, Loop Returns opère des analyses de données pour identifier les tendances de retour et fournir des recommandations aux e-commerçants sur les améliorations à apporter aux descriptions de produits, guides des tailles, etc., afin de mieux guider les consommateurs au moment de leur achat. Chez Happy Returns, la stratégie repose plutôt sur un réseau de points de retour physiques (Return Bars) qui permettent des retours sans emballage.
Ces solutions montrent qu’il est possible d’adresser les préoccupations écologiques tout en offrant un service efficace et attractif pour les consommateurs. Mais c’est un modèle encore jeune qui mérite de faire d’abord ses preuves.
Conclusion
Les e-commerçants doivent repenser leurs stratégies pour concilier commodité et durabilité. Cette ambivalence montre que nous sommes encore à la recherche d’un équilibre. Les entreprises spécialisées dans la gestion des retours colis pour soulager les e-commerçants seront-elles suffisantes ?
Il reste à voir comment cette tendance évoluera dans un avenir où les considérations écologiques deviennent de plus en plus cruciales : le moyen le plus efficace à court terme reste de guider le mieux possible le client dans son achat et de l’inciter à limiter ses retours pour répondre au combat écologique.
De manière plus radicale, peut-être devront-ils limiter les politiques de retour pour encourager des achats plus réfléchis et responsables. On peut se demander si sur le long terme, les règles sur les retours de colis ne vont pas se durcir, voire si la politique de retour ne va pas tout simplement disparaître pour mieux responsabiliser les acheteurs compulsifs ?
Un article rédigé par