27/02/25

Luxe et RSE, brève #2 : La durabilité au cœur du secteur du luxe 

Dans le premier article de notre série, VERTONE dressait l’état des lieux des attentes des clients en matière de responsabilité environnementale de la part des Maisons de Luxe, et des écueils et des opportunités qui se dressent pour celles-ci sur le chemin de la durabilité. Dans le présent article, nous montrerons que le secteur du Luxe a tous les atouts en main pour relever ce défi : la préservation des savoir-faire et des ressources, la transmission et l’intemporalité des objets et de leur usage sont intrinsèquement liés à l’ADN historique du secteur. Il reste aux acteurs de faire fructifier ces principes avec exigence.

«L’industrie est intrinsèquement durable : le propre du luxe est de produire, de façon très adaptée à la demande, des objets de haute qualité, qui vont durer dans le temps. »

Cette affirmation d’Hélène Valade, directrice du développement et de l’environnement chez LVMH, souligne une vérité fondamentale : le luxe, par essence, valorise la pérennité. À une époque où la durabilité est devenue un impératif global, le secteur du luxe semble naturellement aligné sur cet enjeu grâce à son savoir-faire, à ses ressources et à son usage.

La Durabilité dans le Savoir-Faire : héritage et artisanat d’art

Depuis les manufactures royales du XVIIᵉ siècle, la France a su se distinguer comme une terre de savoir-faire exceptionnels. Aujourd’hui, ce patrimoine est préservé et sublimé par les grandes Maisons de luxe.

Le travail de ces Maisons repose sur l’expertise des artisans d’art pour créer des produits uniques, symboles d’excellence et de rêve. Leurs créations, qu’il s’agisse par exemple de sacs en vannerie, de marqueterie de cuir, ou encore de pièces uniques comme le top « maillon » de Balmain, fruit de cinq semaines de confection, sont autant d’œuvres d’artisanat d’art intemporelles.

D’autre part, le luxe ne se limite pas à célébrer les podiums : il met en lumière ses ateliers. Des initiatives comme le 19M de Chanel ou les Métiers d’Art de LVMH exposent les matériaux et techniques ancestraux, rendant hommage à ceux qui travaillent le plus souvent dans l’ombre. Pour aller plus loin, le luxe protège et pérennise ces savoir-faire. Sous l’égide du Comité Colbert, il défend la propriété intellectuelle et valorise les artisans d’art, considérés comme le pilier de l’industrie. « Sans les artisans d’art, il n’y a pas de luxe » énonce ainsi Bénédicte Epinay, Déléguée Générale du Comité Colbert.

Des initiatives éducatives voient également le jour, avec pour objectif d’inspirer les générations futures, et d’assurer la transmission de ce patrimoine. L’institut des Métiers d’Excellence LVMH a ainsi lancé sa tournée « You and ME », pour faire découvrir les métiers d’art aux jeunes talents, et a même créé des programmes de formation comme un CAP « Arts et techniques de la bijouterie-joaillerie ».

La Durabilité dans les Ressources : qualité et innovation

Le secteur du luxe incarne naturellement la durabilité, notamment à travers une sélection rigoureuse et une gestion maîtrisée de ses ressources. En privilégiant des matières premières rares et d’une qualité exceptionnelle, il perpétue un savoir-faire ancestral et une exigence d’excellence.

Les matériaux sélectionnés, souvent nobles et rares, s’inscrivent dans cette démarche durable. Le luxe puise ses racines dans les traditions des grandes familles de haut rang : symbole d’excellence, il incarne la réussite sociale, le raffinement et l’amour du « beau ». Il se distingue ainsi par l’usage de matériaux d’exception, conçus pour traverser le temps.

Toutefois, la durabilité ne repose pas uniquement sur la qualité intrinsèque des ressources, mais aussi sur leur gestion responsable. La Maison MMPJ (Martell Mumm Perrier-Jouët), par exemple, adopte la viticulture régénératrice, illustrant comment le luxe peut préserver les terroirs.

Enfin, le secteur investit aujourd’hui massivement dans des initiatives d’« upcycling » afin d’optimiser l’utilisation de ses ressources. Loewe, par exemple, a lancé son « Surplus Project », un sac confectionné à partir de chutes de cuir. Swarovski s’inscrit aussi dans cette démarche avec sa gamme Swarovski ReCreated, fabriquée à partir de déchets de verre récupérés lors de la production de ses bijoux, réduisant ainsi son empreinte carbone et sa consommation de ressources naturelles.

L’industrie du luxe évolue vers une approche toujours plus durable, s’appuyant sur des innovations produits et des investissements stratégiques en éco-conception. Hermès illustre cette dynamique avec son sac Victoria, fabriqué en cuir Reishi, un matériau issu de champignons, témoignant ainsi d’une volonté d’innover tout en respectant l’environnement.

La Durabilité dans l’Usage : un idéal sociétal en dissonance avec une incitation latente à l’hyperconsommation

Le luxe est intrinsèquement intemporel, transcendant les tendances éphémères pour proposer des pièces capables d’accompagner une vie entière. Cette durabilité se reflète à chaque étape du parcours client.

Acheter un produit de luxe, c’est bien plus qu’acquérir un simple objet : c’est vivre une expérience exclusive, marquée par un conseil personnalisé et parfois une longue attente pour obtenir une pièce unique. Le Birkin de Hermès en est un parfait exemple, nécessitant parfois plusieurs années avant d’être accessible à son futur propriétaire. Ainsi, les produits de luxe ne sont pas seulement conçus pour durer, mais aussi pour être transmis. Une étude de l’Ifop révèle que 85 % des clients perçoivent le luxe comme un investissement à long terme. Cette perception s’accompagne de tendances comme le « quiet luxury », où la discrétion et l’intemporalité l’emportent sur l’ostentation.

Pourtant, on constate que cette aspiration à la durabilité se heurte à une consommation de luxe effrénée. Les files d’attente sur les Champs-Élysées pour la dernière collaboration Supreme x Louis Vuitton illustrent bien cette contradiction : loin de renoncer à l’éphémère, le secteur du luxe oscille sans cesse entre ces deux dynamiques opposées.

Cette tension entre durabilité intrinsèque et hyperconsommation est au cœur des paradoxes du luxe.

D’un côté, les marques mettent en avant l’intemporalité de leurs créations pour renforcer leur prestige et leur pérennité ; de l’autre, elles encouragent la surconsommation à travers des éditions limitées et des collaborations éphémères.

Face à cette contradiction, le luxe doit arbitrer entre opportunisme commercial et construction d’une identité forte et durable. Privilégier l’intemporalité apparaît comme une nécessité stratégique pour éviter de céder aux fluctuations de la mode et préserver l’aura de la marque sur le long terme. C’est cette cohérence qui permettra aux maisons de luxe de maintenir leur exclusivité et d’affirmer leur engagement vers une consommation plus responsable.

Le succès croissant du marché de la seconde main de luxe illustre cette évolution vers une consommation plus réfléchie. Il traduit une volonté de concilier l’aspiration à l’exclusivité avec un engagement envers une approche plus durable et raisonnée, tout en répondant aux attentes d’un public de plus en plus conscient des enjeux environnementaux et sociaux.

Conclusion

Et si le véritable défi du luxe résidait moins dans sa production que dans l’évolution des comportements de consommation ? En valorisant la qualité sur la quantité, le luxe renforce sa légitimité dans une ère où la consommation responsable devient essentielle. Comme le souligne le magazine Forbes, « Réduire sa consommation vestimentaire, acheter moins mais mieux renforce la légitimité du luxe. Un choix responsable préférant des produits dont la pertinence et la qualité perdureront. »

Certaines maisons prennent déjà cette direction en misant sur des modèles plus durables. Chanel, par exemple, a réduit sa cadence de production pour limiter le gaspillage et renforcer l’exclusivité de ses collections. Par ailleurs, la Maison Boucheron encourage ses clients à moderniser et réinventer leurs bijoux anciens au lieu d’en acheter de nouveaux, offrant ainsi une alternative plus responsable tout en préservant l’émotion attachée à ces pièces.

Pour les Maisons, il s’agit désormais d’éduquer et de communiquer sur cette durabilité inhérente. Revenir à l’essentiel et inspirer des comportements responsables constitue le prochain grand défi d’une industrie qui, plus que jamais, doit conjuguer rêve et responsabilité.

Un article rédigé par

Capucine A
Capucine A

Consultante