16/09/25

Zones commerciales : la fin de la « France moche » ou le début d’une nouvelle ère urbaine ?

Depuis plusieurs décennies, l’expression « France moche » est utilisée pour désigner ces paysages de périphéries urbaines marqués par des zones commerciales monotones, d’immenses parkings et des façades standardisées. Ces espaces, hérités de l’essor des grandes surfaces des années 1960, symbolisent une époque où l’urbanisme s’inscrivait dans un usage extensif de la voiture, dans une période de consommation de masse.  

Pourtant, s’ils font désormais l’objet de critiques croissantes du fait de leur impact écologique et de leur manque d’attractivité d’un point de vue esthétique, ils restent prisés par de nombreux consommateurs. Alors que les pouvoirs publics envisagent leur transformation, une question se pose : ces zones commerciales sont-elles réellement obsolètes ou restent-elles un modèle incontournable et essentiel à de nombreux français ? 

La France moche : ces zones commerciales devenues obsolètes ?

Origine et croissance du modèle : développement des grandes surfaces à partir des années 1960

L’essor des hypermarchés en France débute en juin 1963 avec l’ouverture du premier établissement à Sainte-Geneviève-des-Bois. Ce modèle, inspiré des supermarchés américains, propose une large gamme de produits à des prix compétitifs, attirant rapidement les consommateurs. Au fil des décennies, ce type de « grandes surfaces » se multiplie en périphérie des villes, profitant de terrains disponibles et de coûts fonciers réduits. Cette expansion répond à une demande croissante pour une consommation de masse, facilitée par l’augmentation du pouvoir d’achat et la massification de l’usage de l’automobile. Cependant, ce développement rapide s’accompagne de conséquences notables sur l’urbanisme et l’environnement. 

Un urbanisme critiqué : bétonisation, uniformité des enseignes, artificialisation des sols

Les zones commerciales périphériques sont souvent pointées du doigt pour leur contribution à la bétonisation des paysages, l’uniformité architecturale et l’artificialisation des sols. Ces espaces, dominés par de vastes parkings et des bâtiments standardisés, manquent de diversité esthétique et fonctionnelle. L’étalement urbain qui en résulte entraîne une artificialisation excessive des terres agricoles et naturelles, perturbant les écosystèmes locaux comme l’expliquent des ONG comme Terre de Liens. De plus, l’uniformité des enseignes présentes renvoient une image de standardisation, éloignant ces zones de l’identité locale et culturelle des régions où elles sont implantées. 

Conséquences négatives du développement des zones commerciales : désertification des centres-villes, dépendance à la voiture et impact écologique

Le développement des zones commerciales en périphérie a également contribué à la désertification des centres-villes. Les commerces traditionnels peinent à rivaliser avec les grandes surfaces, entraînant fermetures et déclin de l’activité urbaine centrale dans de nombreuses villes, notamment de moyenne et petites tailles. Cette dynamique accentue la dépendance à la voiture, les consommateurs étant contraints de se déplacer en périphérie pour leurs achats, augmentant ainsi les émissions de gaz à effet de serre et la pollution.  

L’impact écologique se traduit aussi par une augmentation de l’imperméabilisation des sols, réduisant l’infiltration des eaux pluviales et augmentant ainsi les risques d’inondation.

Un modèle toujours plébiscité par les consommateurs

Cependant, malgré les critiques, les zones commerciales périphériques continuent d’attirer une large clientèle grâce à plusieurs atouts. Elles bénéficient d’une accessibilité facilitée par des infrastructures routières développées et des parkings gratuits. Les consommateurs y trouvent une grande diversité de produits à des prix souvent compétitifs, répondant ainsi à une demande d’achats rapides et économiques. Les promotions régulières et la concentration d’enseignes en un même lieu renforcent encore leur attractivité. 

Par ailleurs, ces zones répondent à des habitudes de consommation bien ancrées. Pour de nombreuses familles, elles représentent une solution pratique en regroupant en un seul endroit divers services tels que l’alimentation, l’habillement ou les loisirs, simplifiant ainsi l’organisation des courses et des activités du quotidien. Elles séduisent également les classes moyennes et populaires, qui y trouvent une offre adaptée à leur pouvoir d’achat, ce qui contribue à leur fidélité. 

Enfin, l’alternative que représentent les centres-villes peine à rivaliser en termes d’offre et de praticité. Le manque de stationnement et la configuration parfois contraignante des rues rendent l’accès plus difficile. De plus, la diversité et la disponibilité des produits y sont souvent moindres, limitant l’attractivité pour certains consommateurs. À cela s’ajoutent des horaires d’ouverture restreints et des prix parfois plus élevés, constituant autant de freins pour une partie de la population.

Vers une transformation durable des périphéries commerciales

Conscients des enjeux environnementaux et sociaux, les pouvoirs publics et les acteurs privés envisagent pourtant une transformation des zones commerciales vers un modèle plus durable et intégré. 

En septembre 2023, le gouvernement français a ainsi lancé un plan ambitieux visant à rénover les zones commerciales vieillissantes intitulé le PTZC (Plan de Transformation des Zones Commerciales). L’objectif est d’y intégrer des logements, des espaces verts et des services publics, afin de créer des lieux de vie mixtes et dynamiques. Des réglementations encouragent également la limitation de l’artificialisation des sols et la rénovation énergétique des bâtiments commerciaux. 

Les projets actuels visent à transformer les zones commerciales en espaces multifonctionnels, combinant commerces, logements et loisirs. Le verdissement de ces espaces, par la création de parcs et la plantation d’arbres, vise à améliorer la qualité de vie et à réduire les îlots de chaleur urbains. Cette mixité fonctionnelle favorise une utilisation plus durable et flexible des espaces, répondant aux besoins variés des habitants. 

Par exemple, la ville de Breuillet, en Île-de-France, a entrepris la transformation de la friche industrielle du Pont des Gains en un ÉcoQuartier dynamique. Ce projet prévoit la construction de 450 logements, dont 30 % de logements sociaux, ainsi que des activités économiques, commerciales et des services. Situé stratégiquement près de la gare et du centre-ville, ce projet vise à revitaliser un espace abandonné en créant un lieu de vie attractif et durable.

De même, l’écoquartier de l’Arsenal à Rueil-Malmaison incarne cette mutation en intégrant logements, bureaux, commerces et espaces verts, favorisant une mixité fonctionnelle et un cadre de vie harmonieux. Ces projets démontrent qu’il est possible de redonner vie à ces espaces délaissés tout en répondant aux enjeux environnementaux et sociaux actuels. 

En 2025, la transformation des zones commerciales repose toujours sur un financement relativement complexe. Le Plan de Transformation des Zones Commerciales soutient les collectivités avec des aides à l’ingénierie allant jusqu’à 150 000€ ainsi que des subventions pour compenser les déficits d’aménagement. Plusieurs dizaines de projets ont déjà été sélectionnés pour recevoir ces aides, mais les coûts de dépollution, démolition ou de requalification freinent encore de nombreux chantiers, en particulier dans les petites villes. Pour poursuivre les transformations, les collectivités s’appuient sur des montages comme des foncières de redynamisation ou des dispositifs de lutte contre l’artificialisation des sols, ce qui leur permet de mobiliser certains financements nationaux, par exemple via les prêts Gaïa territoriaux octroyés par la Banque des Territoires

Conclusion

La transformation des zones commerciales en France illustre une prise de conscience croissante des enjeux environnementaux et urbains. Longtemps synonymes d’un urbanisme tourné vers la voiture et la consommation de masse, ces espaces font désormais l’objet de projets de réaménagement visant à les rendre plus durables, attractifs et intégrés aux villes.

En favorisant la mixité fonctionnelle, le verdissement et une meilleure accessibilité, ces transformations démontrent qu’une alternative est possible. L’avenir de ces périphéries dépendra de la capacité des acteurs publics et privés à accélérer cette mutation et à répondre ainsi aux attentes d’une société en quête de nouveaux modèles urbains.

Un article rédigé par

Frédéric S
Frédéric S

Consultant

Margaux F
Margaux F

Manager