12/04/19

Comment lutter efficacement contre le churn ?

La lutte anti-churn englobe tout ce qui est mis en œuvre par une entreprise afin de conserver ses clients et d’éviter qu’ils ne s’en aillent. Elle constitue un sujet primordial dans de nombreux secteurs : télécommunication, énergie, bancassurance… Malgré son importance, seule une poignée d’entreprises parviennent à instaurer des politiques anti-churn réellement efficaces. Quelles sont alors les bonnes questions à se poser afin de parvenir à une stratégie de lutte anti-churn efficiente ?

Pour lutter contre le churn, il faut d’abord le comprendre

Le churn, équivalent en français à l’attrition, désigne la perte de clientèle pour une entreprise. Il est mesuré par le taux de churn qui correspond au pourcentage de clients que perd une société sur une période donnée et qui est donc l’indicateur principal de la capacité d’une société à retenir ses clients. Il existe 3 grands types de churn :

  • Le churn volontaire sur lequel se focalise en général l’attention, celui sur lequel les leviers d’actions sont les plus importants
  • Le churn naturel qui, dans le secteur de l’énergie, concerne principalement les déménagements. Il est en partie incompressible mais un accompagnement adéquat peut permettre de le limiter en conservant ses clients malgré un déménagement.
  • Le churn financier, déclenché à l’initiative de l’entreprise, qui peut souvent être amélioré par une optimisation du processus de gestion de recouvrement notamment.

Comment résoudre un problème sans en avoir posé clairement l’énoncé ? Pour traiter le churn volontaire, il est ainsi nécessaire de commencer par un diagnostic en profondeur afin d’appréhender au mieux ce phénomène dans un premier temps. Ce diagnostic se construit autour de 5 questions fondamentales :

#1 – Qui sont les clients qui résilient ? Il s’agira d’analyser les profils des clients qui résilient (par ancienneté, offre souscrite, canal d’acquisition, valeur …) mais aussi leurs usages et les évènements qui pourraient les différencier (changement d’offre, réponse à un questionnaire, ciblage dans une campagne, ayant bénéficié d’une offre de rétention…).

#2 – Quand résilient-ils ? Se posent ici les questions de saisonnalité du churn et de moments de fragilité dans le cycle de vie des clients qui les mèneraient au départ (premiers mois, échéance du contrat…).

#3 – Pourquoi résilient-ils ? Le churn volontaire résulte fréquemment d’une insatisfaction liée à l’offre ou à la relation client. Le client peut également être attiré par une offre concurrente ou avoir un profil “chasseur de primes”, en recherche perpétuelle de promotions. Souvent oubliés, les départs liés à des problèmes “techniques” de mauvaise qualité ou mauvais fonctionnement des services sont au contraire à traiter en priorité. Enfin, le départ peut être provoqué par des facteurs exogènes, dépendants uniquement du client, et il est alors plus difficile d’agir.

#4 – Comment résilient-ils ? Il est essentiel d’évaluer les différents parcours de résiliation en place : il s’agit en effet des derniers instants où l’on peut encore avoir un impact sur la décision de départ du client afin de le retenir. Le client résilie-t-il en écrivant un courrier ? En téléphonant ? En allant en agence ? Via le site web ? En ne consommant plus ? En ne payant plus ?

#5 – Quelle organisation et quels processus internes sont en place pour réduire le churn ? Enfin, il convient également d’évaluer l’existant sur le sujet en interne : quels objectifs ont été fixés ? Quels processus ? Quelle animation ? Quel pilotage ? Quelle organisation ? Quel management, des centres de service client notamment ? Etc…

Autant de questions qui sont essentielles pour lutter contre le churn : plus la compréhension du churn est fine, plus la stratégie de lutte anti-churn qui en découlera sera efficace.

La solution miracle ne tombera pas du ciel

Dans de nombreux secteurs revient régulièrement le fantasme de la “killer app” qui bouleversera subitement le marché à sa sortie et qui permettra d’enrayer le churn. De notre point de vue ce concept n’existe pas et, pire, il entraine une inertie des actions marketing. La lutte anti-churn est un combat marketing et commercial qui se gagne bataille après bataille : chaque projet, chaque action, chaque campagne permet petit à petit de gagner des points de churn. La multitude d’actions qui peut ainsi découler de cet objectif de rétention nécessite donc un pilotage serré afin de conserver une cohérence d’ensemble à travers, par exemple, un programme anti-churn, transversal à plusieurs directions.

Les différentes solutions à mettre en place dans le cadre d’un programme de lutte anti-churn doivent répondre à l’un des 3 objectifs suivants :

#1 – Prévenir

Le but est dans un premier temps d’anticiper et de diminuer les demandes de résiliation en traitant les motifs de résiliation en amont et en capitalisant sur les barrières à la sortie (perte d’avantage, impact financier à la résiliation, contrat engageant sur une période donnée…).

#2 – Retenir

Dans un second temps, il faut bien évidemment tenter d’augmenter les performances de rétention. Pour cela, il est possible de jouer sur 8 leviers :

  • La cible, en imaginant des traitements différenciés, adaptés aux clients à forte valeur. Il faut également garder à l’esprit que tous les clients ne sont pas nécessairement à retenir.
  • L’offre et le discours, en concevant et en mettant en place des offres de rétention répondant à des contraintes d’efficacité, de simplicité et de rentabilité, et en établissant et en diffusant un discours efficace pour les clients (systématisation de l’utilisation de script, connaissance des offres concurrentes et mise à disposition des bons arguments…).
  • Les processus et flux, en optimisant les processus permettant de retenir au mieux les clients tout en s’assurant qu’il n’y ait pas de pertes de flux (politique 0 faute = 0 fuite).
  • Le pilotage, en définissant des objectifs quantifiés, réalistes et détaillés, en mesurant et en analysant régulièrement, finement et justement les indicateurs clés, en partageant les informations en interne et en agissant rapidement en conséquence.
  • L’organisation, en concevant et en mettant en place l’organisation interne permettant de retenir au mieux les clients à moindre coût (dimensionnement des équipes, orientation des clients vers les conseillers de clientèle les plus qualifiés selon le contexte…).
  • Le management, en donnant les informations et les moyens nécessaires à ses équipes en les faisant monter en compétence, en développant la reconnaissance, en établissant la confiance, en multipliant les échanges…
  • Les outils, en mettant en place les outils permettant l’automatisation des traitements sur l’ensemble des flux, l’anticipation au travers de scoring de fragilité, la mesure des résultats et l’augmentation de l’efficacité.
  • L’animation, en mobilisant les équipes afin d’optimiser les rendements de rétention (partage des enjeux et résultats à tous les niveaux, challenges, récompenses…).

#3 – Réassurer

Un client retenu ne marque pas une fin en soi : il faut par la suite améliorer la qualité de la rétention en assurant une relation privilégiée, continue et suivie avec les clients ayant bénéficié d’une offre de rétention afin de les refidéliser. Ces clients sont fragiles puisqu’ils ont déjà exprimé un mécontentement, et il n’est pas certain que l’offre de rétention apporte une réponse à cette insatisfaction qui peut perdurer. Un plan de ré-accueil est ainsi à envisager.

L’activation de l’ensemble de ces leviers doit se faire dans le cadre d’une politique client bien formalisée. Deux écoles s’opposent : ceux qui s’appuient sur le marketing de l’exaspération en cherchant à dissuader les clients de partir par tous les moyens (engagements, reconduction tacite, complexité des parcours de résiliation, dissimulation des coordonnées pour résilier, …) et ceux qui font confiance à leurs clients en misant sur le marketing de la bienveillance : transparence, liberté de choix, fluidité et rapidité des parcours, etc. Autant dire que si les premiers optimisent possiblement leurs performances à très court terme, seuls les seconds n’oblitèrent pas l’avenir en laissant un souvenir positif dans des marchés concurrentiels où les clients passent d’un opérateur à un autre.

La lutte anti-churn demande d’y allouer des moyens à hauteur des objectifs

De manière pragmatique, une stratégie anti-churn ne peut espérer être efficace si elle ne se dote pas de moyens financiers et humains suffisamment ambitieux, aussi bien sur la rétention que sur la fidélisation des clients en amont. Le churn doit être appréhendé comme s’inscrivant dans une politique commerciale globale, avec une répartition budgétaire pertinente au regard des enjeux (par exemple 70% sur la conquête et 30% sur la fidélisation). On observe ainsi rarement de véritable impact d’un programme de fidélité sur le client lorsque la générosité perçue est inférieure à 3-4%.

Une stratégie de lutte anti-churn efficace nécessite donc l’allocation de moyens humains et financiers ambitieux, mais c’est avant tout à travers une compréhension en profondeur du phénomène de churn et d’un pilotage serré des actions mises en œuvre afin de le limiter voire de le réduire que des résultats notables seront obtenus.

Jérémie Peres