06/11/19

L’Open Payment, le mode de paiement de demain ?

L’Open Payment (ou « paiement au valideur ») est une technologie utilisant le paiement sans contact qui permet de dématérialiser la validité et la preuve d’achat d’un service (ex : ticket de métro) sur la carte bancaire ou sur le mobile.

Aujourd’hui, les premiers commerçants à proposer l’utilisation de cette technologie sont les réseaux de transports publics (Transport for London à Londres, Divia à Dijon, Filibus à Chartres). La carte bancaire ou le mobile devient alors le titre de transport (pas d’achat ni d’inscription préalable). La facturation s’effectue en fin de période (journée, semaine, mois) basée sur la consommation de l’usager, et en appliquant éventuellement le tarif le plus avantageux (correspondances, plafonnement au prix d’un forfait/abonnement).

Il offre deux avantages essentiels par rapport aux modes de paiements actuels : permettre aux consommateurs d’un service de l’utiliser et de le payer sans devoir transporter avec eux tous les moyens de paiement ou supports associés et, éventuellement, leur proposer le prix le plus juste par rapport à leur consommation réelle du dit service.

Un premier succès dans le réseau de transport de Londres

En septembre 2014, le réseau de transport public de Londres (TfL) a mis en place l’Open Payment dans tout son réseau (métro, bus, tramways, etc.), permettant ainsi aux usagers d’utiliser leur carte bancaire ou mobile compatible NFC pour payer leur trajet. Le succès a été immédiat : plus d’un million de paiements sans contact ont été enregistrés au cours de la première semaine, 50% de toutes les transactions sans contact au Royaume-Uni en décembre 2014 ont été réalisées sur le réseau TfL. Aujourd’hui, on estime qu’un milliard de voyages sur le réseau TfL seront effectués en 2019 en utilisant le paiement sans contact. Depuis juin 2018, plus de voyages sont effectués en paiement sans contact qu’avec l’Oyster Card (équivalent du Pass Navigo).

Les raisons de ce succès ? Un parcours client simplifié (plus de files d’attente aux guichets ou aux distributeurs de titres), un modèle tarifaire avantageux basé sur l’usage (tarif le plus avantageux appliqué en fonction des trajets effectués), plus besoin pour l’usager de s’informer sur la gamme tarifaire locale.

L’Open Payment représente une révolution de nos usages de paiement et offre, au-delà du transport, des opportunités dans de nombreux autres secteurs

L’Open Payment va révolutionner notre manière de payer un service dans les prochaines années.

  • Tout d’abord, parce que le modèle tarifaire permis par cette technologie rétablit l’équilibre entre le prix payé pour un service et la consommation réelle du dit service.
  • Ensuite, parce que ce nouveau mode de paiement fluidifie considérablement l’expérience utilisateur. Plus besoin d’avoir une carte privative (ex : Pass Navigo) pour chaque service, il suffit juste d’avoir sa carte bancaire ou son mobile (sur lequel est dématérialisé sa carte bancaire). De plus, les déplacements se font de façon plus fluide et le passage d’un mode de transport à un autre est facilité.
  • Enfin, parce qu’au-delà du transport public, ce nouveau mode de paiement pourrait s’appliquer à de nombreux autres services : des services de mobilité (vélo et voiture partagés, bornes de rechargement pour véhicules électriques, parkings, péages, etc.), des services citoyens (musée, piscine, bibliothèque), des services de loisirs (complexes sportifs, théâtres, stades, spectacles). On pourrait alors imaginer une convergence entre ces services utilisant cette technologie avec une tarification combinée : vélo gratuit pour aller à la piscine, parking relais gratuit si combiné avec un déplacement en transport public.

Ce nouveau mode de paiement constitue une solution à très forte VALEUR ajoutée pour les usagers occasionnels, pour les opérateurs de services et pour les collectivités

L’Open Payment constitue ainsi une offre à très forte valeur ajoutée, notamment pour les usagers occasionnels (touristes, voyageurs en déplacement professionnel) qui ne sont plus obligés de se procurer un billet et de s’informer sur la gamme tarifaire locale. Plus généralement, dans le transport public, il poursuit un objectif essentiel face à des enjeux de transition énergétique et de développement des mobilités douces : favoriser l’usage des transports et inciter ainsi au report modal. Avec ce mode de paiment, les acteurs de la mobilité et du paiement contribuent ensemble ainsi au développement de smart cities (villes intelligentes).       

Ce nouveau mode de paiement présente également de nombreux bénéfices pour les opérateurs de transports publics, en leur offrant un canal de vente économique (pas de distribution physique de billets, pas d’agents), en réduisant la fraude (moins de personnes contraintes de frauder par manque d’argent ou de temps pour acheter un titre) et en diminuant les coûts opérationnels liés à la gestion de l’argent liquide, des titres papiers (alimentation des DAB, impression des titres) ainsi qu’à la vente à bord (gain de productivité). TfL a ainsi réduit ses coûts opérationnels de 14% depuis sa mise en place. Par ailleurs, l’opérateur de transport garde une maitrise de la tarification (choix d’un plafonnement ou pas, peut la faire évoluer s’il le souhaite), il conserve la relation avec ses clients et assure toujours le respect de la vie privée des usagers (données désensibilisées, anonymisées et non communiquées à la banque).

Pour les collectivités, l’Open Payment leur permet de devenir plus écoresponsables et de donner une meilleure image de leur ville. Plusieurs agglomérations françaises envisagent de l’instaurer dans les prochaines années, à l’instar d’Aix-en-Provence qui souhaite déployer ce système sur tout son réseau en septembre 2020. Paris et la région parisienne pourraient être concernés à horizon 2024 pour les Jeux Olympiques de Paris. Des décisions généralement prises à l’occasion du renouvellement des contrats de gestion des réseaux urbains ou des systèmes billettiques. Les coûts d’investissement varient selon la taille d’agglomération, mais le retour sur investissement est rapide : à Dijon, 80% de l’objectif de validations en sans contact a été atteint en six mois au lieu d’un an.

L’Open Payment connait toutefois un développement progressif qui fait face à de nombreux enjeux

Le succès de l’Open Payment à Londres et le développement du sans contact en France ont contribué à son émergence dans l’Hexagone, même si ce mode de paiement reste encore peu développé. En France, deux villes ont déployé cette technologie dans leur réseau de transport public – Dijon en mars 2018 et Chartres en novembre 2018 – qui sont peu étendus par rapport à celui de Londres. Dans le reste du monde, quelques villes ont sauté le pas comme par exemple Chicago (2013), Milan (juin 2017), Vancouver (mai 2018), Rio (avril 2019).

Si l’Open Payment peine aujourd’hui à se développer, c’est parce que son adoption pose des questions et enjeux complexes. Comment s’intègre-t-il dans le système billettique ? Quelles sont les règles bancaires applicables dans le cadre de l’Open Payment ? Quelle gestion du risque et des coûts en cas de litiges ? Quels impacts dans la relation client pour les exploitants ? Quelles opportunités pour développer des modèles tarifaires basés sur l’usage ? Comment communiquer auprès des consommateurs et inciter à l’usage ?

Au niveau technologique, ce mode de paiement nécessite l’implémentation d’une solution technique complète intégrant la fourniture des équipements de validation, le traitement des transactions et des paiements et l’interfaçage avec le système bancaire. Cette architecture complexe fait le lien entre le commerçant (par exemple l’opérateur de transport), la banque acquéreur (côté commerçant) et la banque émetteur (côté client final). 

Au niveau des usages, le paiement reste encore un secteur où il est difficile de faire évoluer les habitudes. Malgré ses avantages indéniables, l’Open Payment peut freiner ceux qui ne souhaitent pas sortir leur carte ou leur mobile dans les transports ou ceux qui craignent que leurs données bancaires soient stockées par l’opérateur de transport.

Le développement de cette technologie doit donc passer par une forte sensibilisation des usagers via des campagnes d’éducation et de communication client afin d’expliquer, de rassurer et d’inciter à l’usage.

Les enjeux pour développer avec succès l’Open Payment sont donc nombreux. Pour les banques, il s’agit de réaliser des investissements importants pour la mise en conformité du système d’acquisition et de réussir à mener des projets sur le temps long. Pour les commerçants, il s’agit aussi de réaliser des investissements importants pour adapter les valideurs et leur back-office. Enfin, un enjeu plus global est de réussir à convaincre les usagers des bénéfices qu’ils peuvent tirer de ce nouveau mode de paiement.

Article rédigé par Antonin Dubernay