27/02/20

Numérique et IA : une métamorphose sociétale ?

Loin de la vision Spielbergienne et fantaisiste que l’on a traditionnellement de l’intelligence artificielle ou des avancées numériques, la réalité autour de ces nouveaux modes d’interaction est tout autre.

Les 30 et 31 janvier derniers, VERTONE était présent à la 5e édition de la Maddy Keynote à Paris, un rendez-vous phare autour de l’innovation. Cet évènement a été l’occasion d’en apprendre plus sur le monde fascinant de l’intelligence artificielle et l’intégration numérique.

Une vision faussée de l’IA

D’après Luc Julia, cocréateur de l’assistant vocal SIRI, les fantasmes autour de l’intelligence artificielle ou du numérique à grande échelle sont le plus souvent nourris par les films Hollywoodiens qui présentent ces nouvelles avancées comme surhumaines, voire même dangereuses. Or, le danger ici est de considérer l’intelligence artificielle comme une chose qu’elle n’est pas : une technologie aux pouvoirs illimités, impénétrable pour l’Homme.

L’intelligence artificielle nous a pourtant bien prouvé qu’elle ne reste qu’un outil au service de l’Homme. En 2016, Microsoft lance un chatbot sur Twitter censé converser avec les membres du réseau social sur des sujets de société choisis. Mais très vite, faute d’adaptabilité et de données, l’algorithme se fait prendre au jeu des internautes en retwittant des contenus racistes et sexistes, soulignant alors la limite de cette technologie.

A travers l’IA, l’Homme tente de créer des outils plus performants qu’il ne l’est lui-même, mais il est important de ne pas être trop ambitieux et de rester raisonnable dans les cas d’usage développés. Deux enjeux majeurs se dessinent alors : quels usages donner à ces nouvelles technologies et comment y éduquer les populations ?

Un fort enjeu autour des usages

L’IA étant devenu un « buzz word » souvent employé à tort, il peut parfois véhiculer des idées d’usages inatteignables ou surréels. Il est important de rester réaliste, au risque de décevoir les utilisateurs et investisseurs.

Luc Julia nous le démontre à travers l’exemple de la voiture autonome. D’après lui, seule la voiture de niveau 4, c’est-à-dire celle qui ne nécessite aucune assistance humaine dans la limite de conditions prédéfinies (géographiques, météorologiques, etc), pourrait voir le jour. Celle de niveau 5, qui se veut 100% autonome, ne sera jamais concrétisée, tout simplement car l’IA aura toujours besoin de règles et de données précises pour prendre des décisions. Elle manquera alors indéniablement de la capacité d’adaptation nécessaire. Par exemple, une telle voiture ne pourrait prendre les initiatives nécessaires pour circuler place de l’Etoile lorsque le trafic est dense, car cette dernière respecterait strictement le code de la route.

Au-delà des usages dit de bien-être (voiture, maison…), l’IA permettrait également une révolution dans le monde médical. Isabelle Vitali, Directrice du centre d’innovation digitale de SANOFI, constate que l’arrivée d’une nouvelle génération d’objets connectés plus fiables et performants permettra de concrétiser numériquement la collecte des données, la compréhension et l’anticipation des maladies ainsi que l’accompagnement des patients au quotidien. En France, le projet de loi « Ma santé 2022 » place le numérique au cœur des nouvelles solutions médicales afin de proposer un système de santé plus efficace pour les patients comme pour les médecins.

De nombreuses questions autour de cet usage restent néanmoins en suspens, notamment sur le modèle économique à adopter (l’assurance maladie doit-elle tout prendre en charge ?), l’industrialisation des solutions et le niveau de données à collecter pour le rendre efficace.

Une éducation sociétale nécessaire

Eduquer autour du numérique et de l’IA regroupe deux ambitions : lutter contre l’exclusion numérique et sensibiliser les populations aux nouveaux usages que peut apporter l’IA. 

Aujourd’hui, 13 millions de Français vivent en dehors du monde du numérique : ils sont considérés comme « illettrés numériques » et sont les plus en proie aux risques liés à la montée de cette technologie dans les métiers d’aujourd’hui. La suppression de leurs emplois conduit inéluctablement à une accentuation de leur exclusion sociale.

D’après Frédéric Bardeau, président de Simplon, la lutte contre ce phénomène passe notamment par la formation : sa Grande Ecole du numérique forme aujourd’hui des centaines de personnes de tous les âges, gratuitement et presque partout en France. Afin de renforcer son contenu, l’école multiplie les partenariats extérieurs, notamment avec Apple qui finance un programme de formation pour des demandeurs d’emploi qui souhaitent découvrir comment créer une application mobile.

La seconde ambition de l’éducation est plus profonde, et repose sur l’intégration des nouveaux usages dans la vie quotidienne. Si nous reprenons l’exemple de la « santé connectée », d’après Isabelle Vitali, il est nécessaire d’éduquer dans un premier temps le corps médical afin que les patients acceptent par la suite d’utiliser ces nouveaux outils connectés. Aujourd’hui, 90% des médecins comprennent l’utilité des outils connectés, mais la massification est très lente car les corps médicaux sont saturés et l’utilisation des données effraie certaines professions de santé.

Il est certain que l’arrivée du numérique et de l’intelligence artificielle à grande échelle aura un impact fort sur la société actuelle. L’homme devra définir les usages qu’il est possible de développer autour de ces technologies, et les utiliser comme des outils pour améliorer le quotidien. Les premières pistes autour du bien-être ou de la santé doivent cependant rester réalistes et s’accompagner d’une réelle éducation des utilisateurs.

Article rédigé par Béatrice RENUCCI