20/04/20

Mobilité : comment le transport public s’adapte-t-il à l’heure du COVID-19 ?

La sortie d’un confinement strict soulève la question sensible de la reprise du transport public, secteur névralgique de l’économie mais dont les réseaux sont considérés comme des espaces à risque : ils constituent des vecteurs de propagation du virus par la densité d’usagers confinés et la multiplicité des surfaces de contacts (portes, poignées, rampes, écrans tactiles, etc.).

Leur réouverture doit donc être accompagnée par la mise en œuvre de dispositifs exceptionnels qui permettront de réguler et contrôler le flux de passagers, et ainsi garantir la sécurité des usagers et des agents en gare et à bord des véhicules.

Pour cela, les acteurs du transport public (Villes, Autorités Organisatrices de la Mobilité (AOM), opérateurs) agissent de concert à la fois sur l’offre et la demande de services de mobilité, l’accès aux réseaux de transports en commun, et la distribution de titres.

A travers une analyse des pratiques actuelles de ces acteurs à travers le monde, VERTONE identifie 3 tendances qui marquent la transformation du transport public à l’heure du COVID-19 :

vertone cabinet de conseil secteur transport mobilité

Adaptation de l’offre et anticipation des comportements usagers

Les acteurs du transport public cherchent à adapter rapidement l’offre à travers la modification des horaires de circulation et l’augmentation de fréquence de passage des véhicules aux heures de pointe. En Colombie, la ville de Bogota va même jusqu’à créer de nouvelles routes de bus pour desservir les établissements de santé, d’après Sergio Martinez, le sous-secrétaire à la planification de la mobilité, dans son Webinar « Resilience & Transportation: Lessons from Latin America’s Response to COVID-19 ».

Pour maintenir la continuité des services, de nouvelles mesures de surveillance et de protection des agents de conduite et en station sont mises en place. Par exemple, la Région Ile-de-France et l’Autorité Organisatrice des Mobilités (Île-de-France Mobilités) ont mis à disposition 200 000 masques pour les agents de l’opérateur de transport RATP et du réseau de bus OPTILE. La montée des voyageurs s’effectue désormais par l’arrière du véhicule et la cabine conducteur est protégée d’accès.

Le transport à la demande ou des vélos en libre-service sont mis à disposition gratuitement pour le personnel soignant. Les opérateurs adaptent également des offres existantes à de nouveaux usages, comme la réaffectation de véhicules PMR de la RATP dédiés domicile-travail aux personnes âgées pour leur déplacement de première nécessité.

Certains AOM s’associent avec des opérateurs de mobilité alternative pour compléter l’offre de transport public, comme à Vienne où les déplacements en VTC (FreeNow) des personnes âgées de plus de 65 ans sont subventionnés à hauteur de 50€ par personne.

Les acteurs publics agissent simultanément sur l’offre et la demande de transport via l’utilisation de nouvelles technologies pour anticiper et orienter les comportements de mobilité. Comme l’indique une note parlementaire rédigée par le député Mounir Mahjoubi, certaines applications consistent à retracer le parcours récent de cas positifs, d’autres à informer la population de zones à risques, d’autres enfin à orienter les usagers vers des trajets qui optimisent la distance sociale.

La réalisation d’enquêtes de suivi de la fréquentation permet, comme en Corée du Sud (Séoul), de segmenter des points d’accès en fonction de l’âge moyen des voyageurs et des motifs de déplacement. En Chine (Pékin), un test d’accès au métro sur réservation et validation par QR code a été lancé par l’opérateur pour limiter la demande.

Régulation de l’accès aux réseaux de transport et limitation des surfaces de contact digital

Aux entrées du réseau de transport (gares, stations et arrêts), la régulation du flux de voyageurs passe par des contrôles sanitaires. En Chine (Wuhan) par exemple, l’accès est autorisé après prise de température et lecture d’un QR code qui révèle un état sanitaire. Le port du masque, parfois distribué par les autorités de police dans les gares et station comme en Espagne, est recommandé ou obligatoire pour accéder aux réseaux.

Par ailleurs, de nombreux autocollants au sol fleurissent dans les espaces pour assurer la distanciation sociale comme à Singapour ou en Argentine (Buenos Aires). La présence d’agents vient compléter ces dispositifs de marquage au sol pour réguler les flux et orienter les voyageurs.

Pour garantir la distanciation sociale à l’intérieur des véhicules, les acteurs du transport public limitent les capacités d’occupation des véhicules et interdisent, comme en Irlande (Dublin), l’utilisation de certains sièges via une signalétique papier et un marquage au sol dédiés.

Au-delà du renforcement des opérations de nettoyage et de l’arrêt des climatisations, les opérateurs visent à limiter les points de contact digital avec les surfaces en gare, station et dans les véhicules. Pour cela, de nombreux opérateurs, comme TMB en Espagne (Barcelone), ont décidé d’ouvrir les portes des véhicules systématiquement à chaque arrêt.

Pour limiter le risque de contamination, les AOM et opérateurs vont jusqu’à fermer les canaux physiques de vente et d’information voyageurs, et encouragent l’utilisation de canaux numériques. A Paris par exemple,la vente des tickets de bus à bord est suspendue et remplacée par le lancement de la vente par SMS. En Australie (Melbourne), les agents n’acceptent plus les espèces : les ventes en espèces sont uniquement possibles aux distributeurs.

Aménagements de l’espace urbain

Les mesures de confinement ont entraîné un effondrement du trafic individuel motorisé dans toutes les agglomérations. Conscientes de cette situation inédite, plusieurs métropoles ont mis en œuvre un plan d’urbanisme tactique à travers l’aménagement de la voirie et des trottoirs, afin de faciliter l’usage de la marche et du vélo et de garantir la distanciation sociale.

En France par exemple, la Mairie de Paris travaille sur la création de pistes cyclables provisoires pour éviter que les gens retournent dans les transports en commun de façon trop massive en même temps (projet de la Mairie de Paris). C’est le cas également en Allemagne, où la ville de Berlin a aménagé ses principaux axes routiers avec une bande cyclable temporaire équipée de balises d’alignement.

En Nouvelle-Zélande, l’élargissement des trottoirs au détriment de l’espace voirie et l’automatisation des demandes de traversées piéton pour limiter l’usage des boutons sont au cœur des préoccupations.

Au Royaume-Uni, la ville de Londres mène un programme de piétonisation des rues, de raccourcissement des cycles de feux de circulation pour limiter les attroupements de cyclistes et piétons, et d’abaissement de la limitation de vitesse de circulation pour garantir la sécurité des piétons et cyclistes.

Aux USA, la ville d’Oakland est allé jusqu’à interdire 120 km de voirie au trafic motorisé non résidentiel, pour encourager la distanciation physique entre les usagers et conserver la possibilité pour les citoyens d’avoir une activité physique, les parcs publics étant soit fermés, soit saturés.

Article rédigé par l’Equipe Transport VERTONE