15/06/20

Et si le digital permettait de sauver les agences bancaires ?

A la lecture de nombreux articles parus ces dernières semaines, le confinement et les mesures de distanciation sociale qui l’accompagnent aurait sonné le glas des agences bancaires, désertées par les clients qui se seraient autonomisés vis-à-vis de leur conseiller bancaire.

Les agences bancaires fortement sollicitées pendant le confinement

Pourtant, à la différence de la majorité des activités économiques, les banques de détail, déclarées « opérateurs d’importance vitale », ont assuré durant le confinement la continuité d’activité de près de 90% des 36.000 agences bancaires présentes sur le territoire (source FBF). Très fortement sollicitées pour accompagner la mise en œuvre massive de Prêts Garantis par l’Etat (PGE) pour les entreprises, elles ont su faire face aux 353.000 demandes de PGE avec le déblocage en 4 semaines de 55 Mds d’euros et un taux d’acceptation de 97,6% d’après le Ministère de l’Economie et des Finances. Au regard de ce surcroît d’activité, les banques ont pourtant annoncé pour le 1er trimestre 2020 des résultats très fortement impactés par la pandémie avec des pertes importantes pour les activités de marché, une très forte croissance des provisions pour risques de crédit (entre 50 et 100 points de base), et une rentabilité des activités de détail durablement « siphonnés » par les taux bas et la baisse des commissions d’intervention.

Une généralisation des outils digitaux

Parallèlement, tout le monde a pu constater, en premier lieu pour soi-même, que le télétravail et l’usage des outils digitaux à distance ont littéralement explosé :

  • Microsoft a dû être en capacité de gérer, pour la journée du 31 mars dernier, 2,7 Mds de minutes de réunion avec pour la France 40% des réunions en vidéo (source Microsoft)
  • La plateforme de vidéoconférence Zoom a annoncé une augmentation de 1.270% des téléchargements de son application de messagerie entre le 22 février et le 22 mars 2020.

Des résultats et une rentabilité en berne et la prise en main par les Français de tous les outils digitaux mis à leur disposition : il n’en fallait pas moins pour que le sempiternel thème de la disparition inéluctable des agences bancaires refasse surface avec encore plus de force… Et d’arguments : il y aurait trop d’agences bancaires en France (545 pour 1 million d’habitants contre 248 en moyenne en zone euro – d’après Option Finance 14/02/2020) au regard de leur baisse de fréquentation (-7% en moyenne par an depuis 2014) avec environ seulement 17% des Français qui se rendent au moins une fois par mois dans leur agence (source Les Echos – 2018). Et la période de confinement a obligé tous les établissements à généraliser les rendez-vous à distance. Le BCG a ainsi publié une étude européenne qui indique qu’un Français sur 5 pourrait se détourner de son agence bancaire après la crise. Il s’agirait (« cette fois-ci c’est certain !? ») de l’avènement de la banque à distance voire 100% digitale !  

Les Français souhaitent-ils vraiment aller vers un modèle 100% digital ?

De notre point de vue, l’avènement de la banque à distance ne fait aucun doute (il est même déjà bien installé !). Mais nous sommes profondément convaincus aussi que la banque à distance est au contraire le moyen pour les banques traditionnelles de pérenniser leur réseau d’agences (même s’il devra sans aucun doute être optimisé) et de se rapprocher de leurs clients. A la condition que la distanciation physique de la relation soit compensée voire améliorée par un niveau élevé d’accompagnement et d’expertise par un « conseiller augmenté ».

Si l’on prend soin d’écouter les Français, il apparaît qu’un certain nombre de facteurs plaident (ou imposent) de conserver un nombre suffisant d’agences pour être en mesure de servir et satisfaire l’ensemble des clientèles :

  • Les Français et leur besoin de relation de proximité : les études clients, que nous menons année après année pour nos clients indiquent qu’un maximum de 20% des Français sont désireux d’une relation 100% à distance avec leur banque. Et c’est même 12% pour la clientèle professionnelle (source VERTONE-Ipsos 2019). Les comportements vont sans doute évoluer vers plus de digital suite au confinement mais de là à fermer rapidement un maximum d’agences…
  • Les Français et leur territoire : la crise des gilets jaunes (qu’il serait risqué de mettre aux oubliettes tant les conséquences économiques du confinement risquent de raviver les tensions sociales) a mis en exergue la désertification déjà très aboutie des territoires en termes de service public, offre de santé et de services…nourrissant un sentiment profond d’abandon et de déclassement par rapport aux métropoles dynamiques. La disparition d’agences bancaires ne ferait qu’accentuer ce phénomène. La pression d’ailleurs, déjà très forte de la part des élus des banques et assurances mutualistes, pour ne pas fermer d’agences, en est la meilleure illustration même si cela impose de réduire les effectifs et les jours d’ouverture de ces agences.
  • Les Français et leur argent : il n’est rien de dire que les Français ont une relation complexe par rapport à l’argent. D’aucuns pourraient d’ailleurs la qualifier de schizophrénique. D’un côté, 86% des Français disent avoir la sensation de bien maîtriser leurs finances personnelles, et 95% se déclarent même autonomes en la matière. A contrario, ils sont 62% à vouloir être accompagnés par un conseiller pour concrétiser des opérations complexes (source VERTONE-Ipsos 2019). Conseiller qu’ils plébiscitent pour la relation humaine mais qu’ils trouvent à 61% comme difficile à joindre. Et près de la moitié sont insatisfaits du niveau d’expertise que leur prodigue ce même conseiller (Source Deloitte 2019). C’est le conseil « pour ce que je veux, quand je veux et comme je veux ».

Passer d’une approche transactionnelle à une approche relationnelle

Face à ces comportements clients complexes, la banque 100% à distance est-elle donc la seule solution à suivre ? Assurément pas.

Car l’avenir de la relation bancaire semble résider beaucoup plus dans une approche « relationnelle » que « transactionnelle ».

En premier lieu sur un plan économique. Focalisées sur la banque au quotidien, les néo banques et autres banques 100% à distance ont certes amélioré l’expérience client sur les opérations courantes mais les taux bas comme la baisse constante des commissions fragilisent leurs revenus. Aucun acteur sur le marché n’a réussi à devenir rentable en étant 100% à distance. A contrario, les banques traditionnelles françaises ont pu bénéficier de la généralisation des « murs d’argent » et des applications digitales pour autonomiser leurs clients sur les opérations « de guichet » et ainsi réduire fortement leurs frais généraux. Mais cela est insuffisant pour rentabiliser leur réseau d’agences. D’où des stratégies uniques en Europe d’intégration de tous les métiers en filières complètes pour capter de nouvelles sources de revenus (bancassurance, réseaux immobiliers, protection des biens et des personnes…).

En second lieu, sur un plan tout simplement client ! Les Français nous répètent à l’envie depuis plusieurs années ce qu’ils attendent sans avoir réellement le sentiment d’être écoutés. 76% attendent un accompagnement au long cours de la part de leur partenaire financier. Ils sont 67% à le vouloir pour des éléments liés aux moments de vie (positifs comme négatifs) dont 56% pour la retraite. Et ils jugent à 82% qu’ils ne sont pas suffisamment et régulièrement contactés par leur conseiller hormis pour un problème sur leur compte (source VERTONE-Ipsos 2019). Et pour tout cela, ils sont 67% à être prêts à communiquer leurs données personnelles et 66% à attendre que leur conseiller utilise des outils digitaux avancés (source Deloitte 2019). La voie, si on veut bien l’emprunter, est toute tracée : l’approche relationnelle !

Le « conseiller augmenté » au cœur de l’approche relationnelle

Avec au cœur de la démarche, le conseiller, à qui il est impérieux de donner les moyens de « sortir » de son agence (sans créer des plateaux géants de conseillers qui ne sont plus dans la tendance !) en devenant « augmenté » !

Repérer les moments de vie des clients

Un « conseiller augmenté » est d’abord un conseiller à qui on a permis de repérer les moments de vie des clients…et d’agir. Certes, tous les établissements ont travaillé sur les cycles de vie des clients mais sans jamais réellement avoir encore réussi à les utiliser.

Pourtant, est-il vraiment difficile de contacter un client aisé quand il perçoit depuis des années à la fin du mois de mars son bonus pour lui proposer des solutions afin de l’investir ? Toujours pour cette clientèle aisée, n’est-il pas pertinent de l’accompagner sur la mise en œuvre de solution de défiscalisation lors de sa déclaration d’impôt ? Est-il impossible de prendre contact avec un client qui vient de terminer son prêt immobilier après 20 ans de remboursement pour lui dire « merci » et lui conseiller de préparer sa retraite ? Est-il judicieux d’accompagner un client qui divorce (la fermeture d’un compte joint est un signe !) ou qui connaît une période de chômage (le virement de Pôle Emploi est pourtant facilement repérable) ?

Sans attendre la création d’une plateforme de gestion des données, ces évènements sont aujourd’hui exploitables par un conseiller bancaire. Mais encore faut-il que les conseillers aient confiance dans leur capacité à tenir le bon discours et à proposer les bonnes solutions. C’est d’ailleurs le 1er frein opérationnel rencontré aujourd’hui.

Le confinement a permis à certains établissements de tester en urgence la mise en œuvre d’un plan relationnel reposant sur la création d’une plateforme unique d’écriture de contenus partagée par tous les métiers et permettant à la fois au marketing de générer des campagnes « relationnelles non mercantiles » et aux conseillers de pouvoir, grâce à des argumentaires mis à leur disposition, contacter leurs clients pour un motif non lié à la gestion de leur compte ou à une proposition de produit. La généralisation de cette approche paraît évidente tant la satisfaction des clients est sans appel !

Une relation client à distance enrichie par le digital

Un conseiller « augmenté » est aussi un conseiller qui dispose de tous les moyens digitaux pour enrichir une relation à distance. Sortir de son agence sans se déplacer (ou en se déplaçant le cas échéant grâce à une tablette), c’est pouvoir échanger avec ses clients avec les outils de partage d’écran, de réunion en vidéo à distance ou d’outils de simulation.  

Et c’est ici que réside sans doute la plus grande transformation du métier de conseiller : passer d’une posture d’expert qui s’appuie sur ses propres outils à un « passeur » qui partage son poste de travail pour rendre acteur chaque client. Nos expériences en la matière démontrent que les taux d’adhésion & de souscription augmentent quand les conseillers et clients partagent des outils d’aide à la vente reposant sur le triptyque suivant :

  • Une première brique de « prise de conscience » qui consiste à sensibiliser & à faire prendre conscience les clients de l’importante de prendre en main leur propre protection, leur retraite ou encore leurs investissements grâce à des serious games / simulateurs.
  • Une seconde étape de « diagnostic » pour évaluer la situation réelle dans laquelle se trouvent les clients avec notamment l’évaluation de l’écart entre ce dont les clients pensent bénéficier ou vis-à-vis desquels ils pensent être protégés et la réalité des protections et garanties dont ils bénéficient (ex : plus de 80% des Français surestiment de plus de 300 € mensuels la retraite qu’ils vont toucher réellement – source GfK-VERTONE 2019)
  • Enfin, la dernière brique fonctionnelle consiste à réaliser une étude exhaustive des besoins des clients pour personnaliser les solutions et les inciter à passer à l’action.

Un acteur mutualiste s’est appuyé sur cette approche dans la mise en œuvre d’une plateforme partagée client / conseiller sur la retraite et les résultats probants prouvent la pertinence de la démarche.

Un écosystème de services à forte valeur ajoutée

Un conseiller « augmenté », c’est aussi un conseiller qui s’appuie sur un écosystème de services mis en œuvre par des partenaires spécialistes qui permettent de proposer des solutions concrètes et à forte valeur ajoutée. Évaluer le « combien toucher et quand partir » à la retraite, savoir pour un professionnel comment gérer de manière sécurisée le redémarrage de son activité après le confinement, vérifier que ses investissements financiers correspondent à ses objectifs à long terme… autant de problématiques sur lesquelles des fintechs ou autres acteurs experts ont développé des solutions en marque blanche qui s’avèrent très pertinentes pour les intégrer dans la proposition de valeur des banques.

Vous l’aurez compris : accompagner dans la durée, être proactif pour réagir dans les situations critiques, être disponible dès que possible même à distance, proposer des solutions plutôt que vendre des produits…voilà la nouvelle posture du conseiller que les clients souhaitent…et que les conseillers eux-mêmes aussi ! Et cette posture est à même de répondre à deux impératifs : fidéliser les clients et conserver une couverture du territoire qui assure un niveau de service personnalisé à chaque type de clientèle.

Un article rédigé par Stéphane Martineau et Sébastien Mahieu-Bibé, Partners VERTONE