17/11/20

La santé connectée se fait attendre en France et en Europe

Si les Américains voient la santé connectée (ou e-santé) comme un moyen de sauver le système de soins et que les grands acteurs de la data tels Google et Apple investissent dans son développement, la donne est différente de ce côté-ci de l’Atlantique. Lunettes qui surveillent en permanence votre vue, votre tension et votre équilibre, ceintures de marque de luxe qui alertent si une personne âgée est tombée, possibilité de faire une échographie à son enfant à partir de son smartphone : chaque année le nombre d’innovations technologique augmente. Cependant, le marché n’est pas encore là.

La pandémie que nous vivons a permis à l’ensemble des acteurs de la filière médicale d’accélérer le recours à la téléconsultation de la considérer comme une solution prometteuse face à la désertification médicale et aux difficultés rencontrées par un nombre croissant de malades pour accéder aux bons spécialistes.

Serait-ce le signe que la santé connectée se démocratise et va bouleverser un secteur encore très focalisé sur les traitements alors que la prévention permettrait d’améliorer sensiblement l’état sanitaire de la population ?

Quelles sont les résistances au développement de la Santé Connectée ?

Le semi-échec de l’application stop-covid ou l’échec cuisant du dossier médical partagé sont là pour nous rappeler que les forces de résistance sont très puissantes car liées à la fois aux croyances (méfiance), aux habitudes et aux contraintes juridiques.

La première force de résistance vient d’abord des individus eux-mêmes :

  • Nous ne sommes pas suffisamment au courant des capacités offertes par la santé connectée à cause d’un manque de pédagogie et de communication. Seulement 15% des moins de 35 ans, pourtant très connectés, ont entendu parler des objets connectés sur la santé (GfK – 2019).
  • Nous ne percevons pas les bénéfices attendus de la santé connectée. Ce qui explique que seulement 10% des Français ont une intention d’achat spontanée d’objets connectés sur la santé. Et 66% ne voient pas non plus spontanément les avantages de ces solutions (GfK – 2019).
  • Nous ne sommes même pas encouragés par les médecins qui voient avant tout dans la santé connectée un moyen pour remettre en cause leur savoir, leur utilité, leur expertise. Et toutes les plateformes digitales qui proposent en ligne un diagnostic plus ou moins rigoureux participent à ce procès d’intention. Certes les médecins généralistes, à 73% pensent que la téléconsultation fera partie de leur quotidien… mais en 2030 seulement (le Quotidien du médecin – juillet 2020).

La deuxième force de résistance provient des pouvoirs publics. Et elle est de deux ordres :

  • Tout d’abord, le secteur de la santé est un secteur très administré, surveillé et donc très encadré. La téléconsultation en France n’a pas décollé car elle n’était tout simplement pas encouragée à grande échelle. Il en va de même pour les objets connectés car le système de santé français est en train rapidement de partager le terrain jeu : aux hôpitaux et médecins de se concentrer sur les traitements, aux mutuelles de s’occuper de prévention et de prise en charge des maladies les moins graves. Les pouvoirs publics n’encouragent donc pas les expérimentations ou le recours aux objets connectés
  • L’autre obstacle majeur est juridique, que ce soient sur la protection des données de santé ou digitales. Cette problématique juridique se pose à la fois en France mais aussi et surtout à l’échelle européenne. Une directive jumelle de celle sur le partage des données bancaires n’a pas encore été évoquée.

Quel rôle peuvent jouer les assureurs ?

Les assureurs se sont intéressés au sujet de la santé connectée mais ont vite constaté que les assurés qui utilisent les objets connectés de santé sont déjà très intéressés par leur propre santé et ont moins de facteurs de risque que la population générale. Ils n’ont donc pas constaté d’intérêt d’investir dans les objets connectés si finalement, cela ne contribue pas à diminuer le montant des prestations qu’ils doivent prendre en charge. Un autre sujet les intéresse particulièrement aujourd’hui : la gestion de la perte d’autonomie des personnes âgées avec les solutions de télésurveillance qui aide à prendre en charge cette problématique.

Que faut-il pour que la santé connectée émerge vraiment ?

Il va falloir la conjonction de 3 facteurs pour que l’e-santé émerge vraiment :

  • Une volonté publique de construire un cadre légal qui permette la sécurisation, l’anonymisation et le partage des données de santé, accompagnée de gros efforts de pédagogie des clients. Pourtant, la santé connectée étant une piste d’économie sérieuse pour les dépenses de santé, elle pourrait être un levier d’économies face aux dépenses nouvelles de l’hôpital pour le gouvernement.
  • Un réel effort de la part des industriels pour passer de l’objet technique, presque gadget, à une expérience client enrichie. S’il existe des programmes d’accompagnement et de suivi comme Vitality proposé par Generali en France, aucune solution clé en main aujourd’hui ne propose une expérience qui permette aux individus de monitorer, piloter et ajuster l’ensemble de son mode de vie que ce soit son alimentation, ses déplacements, son activité physique, son sommeil, son niveau de stress… C’est seulement en jouant sur l’ensemble des composantes du mode de vie que le profil de risque s’améliorerait réellement. Et qui dit meilleur profil de risque dit investissements et incitation par les assureurs.
  • Une meilleure formation des médecins pour à la fois traiter leurs freins d’utilisation et les accompagner dans la prise en main de ces outils.

Un article rédigé par Sébastien Mahieux-Bibé