23/11/20

La responsabilité sociale et environnementale des médias : rôle à jouer et opportunités à saisir

« With great power comes great responsibility ». Les médias occupent une place prépondérante dans la vie des Français, accentuée encore par la crise sanitaire. L’impact social et environnemental que cette présence peut entraîner amène à repenser leur rôle et leurs pratiques.

Trois facteurs poussent donc désormais les acteurs des médias à se questionner sur la RSE :

  • Des attentes fortes exprimées par les consommateurs (Convention citoyenne pour le climat, Consultation « Médias et Citoyens…)
  • Une volonté affirmée des annonceurs de véhiculer une image positive et responsable (publication des 10 principes de responsabilité des médias par IPG Mediabrands, création d’un conseil de déontologie des médias…)
  • Une règlementation qui tend à être plus coercitive (proposition de Loi Evin Climat, Loi Pacte, Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire…)

Les médias commencent à s’approprier les enjeux de la RSE et des initiatives fleurissent progressivement. En plus d’anticiper de futures contraintes règlementaires, certains acteurs voient dans ces actions une source d’opportunités et un facteur de différenciation par rapport aux acteurs internationaux.

Un axe de différenciation majeur face aux acteurs internationaux

Les plateformes internationales telles que Youtube, Facebook, Netflix ou Amazon ne cessent de s’imposer sur le marché. Elles se sont montrées une fois encore les grandes gagnantes de la crise sanitaire avec une hausse significative de leurs audiences et revenus.

Les médias français se trouvent confrontés à des acteurs disposant d’une puissante force de frappe, due notamment à des moyens financiers qui semblent illimités. Dans ce contexte fortement concurrentiel, la RSE apparaît comme un véritable levier de différenciation : renforcer son identité responsable et valoriser des acteurs locaux pourrait être un argument de taille pour se démarquer d’une concurrence de plus en plus décriée. Les plateformes font en effet l’objet de critiques toujours plus nombreuses concernant leurs impacts sur l’environnement et la santé des utilisateurs, leur réticence à vouloir contribuer à la création française ou à partager les revenus de manière équitable, ou leur impact dans la diffusion de rumeurs, théories du complot ou autres fake news pouvant avoir des conséquences dramatiques.

Les acteurs traditionnels, en plus de la qualité de leurs contenus, pourraient ainsi mettre en avant leur impact positif sur l’environnement, l’écosystème social et économique local et l’équilibre de ses utilisateurs pour toucher la conscience citoyenne du public et obtenir sa préférence.

Des enjeux propres à chacun des métiers des médias

Les trois grands métiers du secteur des médias : les régies publicitaires, la production de contenu et la diffusion de contenu sont confrontés à des enjeux sociétaux qu’ils peuvent adresser au moyen de différents leviers.

Régies publicitaires : accompagner les marques dans leur transition responsable

Les enjeux autour de la publicité responsable s’accélèrent, boostés par la Convention citoyenne et une règlementation florissante (loi anti-gaspillage, proposition de loi Evin Climat…). La publication des CGV 2021 des régies reflète ce contexte en pleine évolution. Le mot d’ordre pour l’année à venir est « accompagnement » : les régies aident les marques à avancer sur le sujet de la RSE en renforçant leurs engagements et en améliorant leur communication autour des initiatives déployées. Elles encouragent également les campagnes responsables à travers des offres tarifaires avantageuses.

A titre d’exemple, on trouve parmi ces initiatives la régie de France Télévision, qui offre un abattement de 5% pour les marques agissant pour « un monde plus durable » au travers de démarches certifiées par des labels. De son côté M6 Publicité a signé avec l’agence experte en RSE LinkUp un partenariat qui a pour vocation d’accompagner les marques dans leurs opérations spéciales, de la stratégie de marque jusqu’à la médiatisation, en passant par la création et la production.

Production de contenu : sensibiliser l’audience aux thématiques sociétales et faire évoluer les méthodes de production

Les citoyens attendent des médias qu’ils améliorent leur compréhension des phénomènes sociaux et environnementaux en enrichissant leurs offres de contenus sur ces thématiques (source : consultation citoyenne « Médias et Citoyens » 2020, consultation FranceTV/Radio France « Ma télé de demain », 2019). Conscients de cette demande croissante, les acteurs produisent aujourd’hui plus de programmes dédiés aux questions environnementales ou de société : parmi eux, le média en ligne Brut, qui attire plus de 250M de visiteurs uniques par mois consacre l’essentiel de ses sujets à la diversité, l’environnement ou encore le droit des femmes. De son côté, France Télévision a lancé la signature « France TV Nature », regroupant les programmes ayant pour thème l’environnement (Sur le Front, 10 défis pour la planète…). Enfin le groupe M6 a organisé en janvier un dispositif éditorial plurimédia sur le thème de l’environnement, la semaine green.

Au-delà des sujets de fond, les citoyens ont également exprimé leurs attentes concernant le format de ces contenus et leur construction. Les grandes orientations qui se dessinent pour l’avenir se structurent autour de quatre grandes thématiques :

  • Promouvoir la diversité et l’inclusion par des médias plus représentatifs de la société française
  • Garantir la neutralité de l’information et y accorder plus de temps pour favoriser l’esprit critique (slow journalism)
  • Réduire la fracture sociale en favorisant l’émergence de nouveaux talents issus de toute origine
  • Associer les citoyens à la production de l’information

Les initiatives en ce sens restent aujourd’hui encore à la marge. La presse semble plus avancée sur ces sujets, avec l’émergence de journaux tels que Le Drenche, qui confronte des avis divergents pour permettre au lecteur de se forger sa propre opinion, ou Society, qui accorde aux sujets plus de profondeur, de contextualisation et de mise en perspective à travers des dossiers longs.

La prise en compte de ces aspirations devient aujourd’hui de plus en plus urgente, dans un contexte de crise économique et sanitaire, avec une opinion publique de plus en plus polarisée, et une défiance durablement installée envers les institutions en général et les médias en particulier. La restauration de la confiance est un enjeu primordial et les médias ont un rôle capital à jouer pour contribuer à créer du lien et rendre la société plus harmonieuse.

Diffusion de contenu : réduire l’empreinte écologique du streaming et protéger la population de la surconsommation de contenus

La consommation de contenus commence à soulever certaines interrogations concernant ses conséquences sur la population, mais surtout sur l’environnement.

Un « binge-watching » excessif pourrait être à l’origine de troubles du sommeil, d’obésité et de troubles psychologiques. La consommation croissante des écrans chez les plus jeunes inquiète particulièrement, car elle serait responsable de retards d’apprentissage, notamment du langage. Pour permettre aux consommateurs de modérer leur consommation et contrôler l’usage des enfants et des adolescents, un certain nombre de fonctionnalités commencent à être mises en place : sur TikTok ou Okoo, limite de temps d’écran, chez Netflix, désactivation du passage automatique aux épisodes suivants…

A propos de l’environnement, l’attention des utilisateurs est attirée sur le streaming. S’il a permis de réduire considérablement la production de supports physiques (CD, DVD…), il consomme énormément d’énergie (stockage, refroidissement…). Le streaming serait responsable de près de 1% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, un chiffre frappant quand on le compare aux 2,4% causés par l’aviation civile.

La prise de conscience s’élève progressivement parmi les consommateurs sur cet impact jusque-là majoritairement ignoré. Le prochain défi à anticiper pour les équipes est donc de parvenir à réduire l’empreinte écologique du streaming à travers une diffusion plus responsable. Certaines plateformes comme Imago ont déjà choisi le modèle de l’éco-conception, et Netflix, Youtube ou Amazon pourraient envisager d’étendre une initiative adoptée dans l’urgence du confinement, de réduire la qualité de visionnage par défaut.

Nos partis pris pour faire de la RSE une source de valeur pour les médias

La RSE est un levier de développement de valeur, à condition d’engager une profonde réflexion sur sa stratégie en amont. Les différentes actions envisageables représentent en effet à la fois des opportunités et des risques qui dépendront de l’application de certains principes. Activer sa politique RSE dans son cœur de métier pourrait par exemple permettre au média de développer un sentiment d’attachement de la part des consommateurs, ou de toucher de nouvelles cibles. A l’inverse, si certaines règles ne sont pas respectées, le média pourrait perdre une partie de son audience voire se faire accuser de greenwashing.

Selon nous, les facteurs clés de ce type de démarche pour créer de la valeur dans la durée sont les suivants :

  • Respecter l’ADN de la marque : définir des enjeux RSE et des solutions apportées en cohérence avec l’identité et l’histoire du média
  • Choisir ses combats : limiter les enjeux à adresser pour maximiser l’impact de ses initiatives
  • Être sincère et concret dans ses actions : donner une dimension matérielle et concrète à ses engagements pour recevoir un accueil favorable du public
  • Impliquer les parties prenantes : faire évoluer les modes de collaboration pour connaître et répondre aux attentes des acteurs impliqués

Intégrer les questions environnementales et sociétales dans le cœur de métier est un enjeu fort dans le secteur des médias, qui pourrait permettre aux acteurs de s’affirmer dans un écosystème fortement concurrentiel. Néanmoins, les risques et opportunités propres à chaque enjeu requièrent une analyse fine afin de définir les initiatives les plus pertinentes, pour constituer à la fois des relais de croissance rentables et avoir un impact authentique sur la société et l’environnement.