14/12/20

Plan de relance : Quelle place pour le secteur de l’énergie ?

VERTONE consacre une série d’articles au plan de relance « France Relance ». Nous le décrypterons d’abord de manière globale, puis nous regarderons dans le détail les mesures concernant les secteurs du transport puis de l’énergie.

Cet article a pour objectif de présenter les mesures impactant le secteur de l’énergie du plan de relance de 100 Mds€. En cohérence avec la première priorité du plan qui ambitionne de décarboner l’économie française (30 Md€ pour la transition écologique), celui-ci intègre plusieurs mesures visant à réduire la consommation énergétique des bâtiments et à décarboner notre économie. La France souhaite en effet atteindre la neutralité carbone en 2050 et créer de la valeur sur le territoire en soutenant les secteurs d’avenir que sont les technologies vertes (hydrogène renouvelable et bas-carbone, rénovation industrielle des bâtiments, véhicules propres…).

L’affirmation d’une priorité pour la rénovation énergétique des bâtiments

En 2019, le bâtiment a représenté près de 25% des émissions françaises de gaz à effet de serre. C’est donc un fort contributeur au bilan carbone négatif de notre pays.  Pour y faire face,6,7Md€ seront investis pour la rénovation énergétique des logements privés, des bâtiments publics, du parc de logements sociaux et des bâtiments tertiaires des PME et TPE. C’est donc près de 7% du plan de relance, dans son intégralité, qui est dédié à la rénovation énergétique des bâtiments. Le gouvernement espère ainsi créer près de 55 000 emplois sur 2 ans grâce à cet investissement massif. 

Rénovation des bâtiments privés

Avec un budget de 2 Md€ (1 Md€ par an), l’enveloppe réservée aux logements privés permettra d’amplifier et d’accroître l’efficacité des aides à la rénovation énergétique des bâtiments privés. L’ambition affichée par le gouvernement est de rénover le parc au niveau Bâtiment Bas Carbone (BBC).

Pour ce faire, le dispositif MaPrimeRénov’ est augmenté et étendu pour accélérer les rénovations globales qui sont les plus efficaces.  Il sera par ailleurs élargi à l’ensemble des foyers sans condition de revenus dès janvier 2021 ainsi qu’aux propriétaires bailleurs qui pourront aussi en bénéficier. Afin d’aller vite, les devis de travaux établis à partir du 1er octobre seront éligibles à MaPrimeRenov’. Il suffira d’en faire la demande dès début d’année prochaine.

Une bonification de la prime est également prévue si le logement est considéré comme une passoire thermique. Cette aide supplémentaire devra favoriser la réalisation de travaux ayant un réel impact sur les bâtiments tout en résorbant le nombre de logements étiquetés F ou G.

Le dispositif est, pour finir, cumulable avec d’autres aides à la rénovation énergétique comme les Certificats d’économie d’énergie (CEE), l’éco-PTZ ou encore des aides des collectivités locales.

De même, un soutien sera mis en place afin de dynamiser la rénovation énergétique des copropriétés. Les programmes de l’Anah pour le traitement des copropriétés dégradées et la revitalisation des centres-villes seront aussi subventionnés pour amplifier leur action.

Rénovation des bâtiments publics 

Abondé d’un budget de de 4Md€ pour financer la rénovation des bâtiments publics, cet investissement permettra de diminuer la facture énergétique de l’Etat, de gagner en confort pour les usagers et les agents ainsi que de réduire l’empreinte énergétique et environnementale des bâtiments. Le plan de relance vise la rénovation de 15 millions de m² sur les 100 millions m² du parc de l’Etat.

Les bâtiments publics ciblés seront les écoles, les universités, les mairies, les logements étudiants, les sites des collectivités, le parc administratif de l’État ou encore les commissariats et les tribunaux.  A noter que 2Md€ seront dédiés à la rénovation des EHPAD et des hôpitaux dans le cadre du Ségur de la santé (dont 300M€ délégués aux Régions).

Pour ce faire, les travaux permettant un gain rapide, relevant du gros entretien ou de remplacement des systèmes et les opérations de réhabilitation lourde seront privilégiés.

La méthode de mise en œuvre retenue est l’appel à projet. Celui concernant « les établissements publics d’enseignement supérieur et de recherches et le réseau des œuvres universitaires sociales » et les « autres bâtiments publics de l’Etat » a déjà été publié le 7 septembre dernier.

Rénovation de logements sociaux

Approvisionné d’une enveloppe de 500M€ pour financer la rénovation thermique et la restructuration lourde des logements sociaux, ce montant permettra d’adapter des logements vieillissants aux besoins des habitants, de lutter contre la vacance et de faire émerger une solution industrielle de rénovation énergétique performante. Jusqu’à 50 000 logements pourraient être concernés dont une partie dans les quartiers prioritaires de la ville. Les organismes HLM, les collectivités et les maîtres d’ouvrage d’insertion seront les principaux bénéficiaires du financement.

A ce titre, le gouvernement insiste sur la nécessité de réaliser des rénovations globales avec pour objectif d’atteindre le niveau BBC, de déployer des solutions industrielles comme l’EnergieSprong et de réaliser une restructuration importante des logements sociaux existants.

Rénovation des locaux de TPE/PME

200M€ seront mobilisés pour aider les TPE et PME à améliorer l’efficacité énergétique de leurs locaux à usage tertiaire (bureaux, commerces, entrepôts…). Pour rappel, 99,8% des entreprises françaises sont des TPE ou PME. Cette mesure vise essentiellement les bâtiments des secteurs du tourisme et de l’agriculture.

A cet effet, un crédit d’impôt de 105M€ est mis en place. Une entreprise pourra alors, à hauteur de 30 % des travaux de rénovation, bénéficier d’un crédit plafonné à 25 000 €. A noter que 45 millions iront pour la mise en place d’actions d’accompagnement et d’investissement dans les entreprises engagées pour la transition écologique. 35M€ seront dévolus à la mise en place d’une aide forfaitaire pour l’écoconception de produits et services par les PME et 15M€ financeront la transition écologique de 45 000 artisans, commerçants et indépendants grâce au financement de diagnostics et d’accompagnement.

L’accélération des investissements sur l’hydrogène « vert »

7Md€ seront mobilisés d’ici 2030 pour le développement de l’hydrogène vert, dont 2Md€ dès 2021–2022. L’ambition de la France est de faire émerger une véritable filière industrielle française, compétitive et décarbonée, au service de l’emploi et de la planète. Pour rappel, la France avait présenté un plan hydrogène de 100M€  en mai 2018.

A cette fin, un soutien sera porté aux projets dans les territoires afin de favoriser l’émergence d’une offre française de solutions hydrogène. Un mécanisme de soutien sera créé (via un complément de rémunération ou des appels d’offres) pour la production d’hydrogène produite par électrolyse de l’eau. Un projet d’intérêt commun pour l’Europe sera de plus lancé en vue de soutenir l’industrialisation sur le territoire et le développement de démonstrateurs.

Par exemple, la recherche et l’innovation sur les composants clés (réservoirs, piles à combustibles, électrolyse), le développement des usages (mobilité) ou les projets d’électrolyse centralisée pour les industriels consommateurs d’hydrogène pourront être subventionnés.

La transformation vers une industrie décarbonée

1,2Md€ seront consacrés pour aider les industries à décarboner leur production qui est responsable de 20% des émissions de gaz à effet de serre en France.

Pour ce faire, un soutien sera apporté à l’efficacité énergétique des industries et à l’adaptation de leurs procédés (notamment l’électrification). Les entreprises visées par ce dispositif sont les industries très polluantes comme les cimenteries ou les métallurgies afin de réduire de manière significative et rapide leurs émissions.

Une aide est également dédiée à la chaleur bas-carbone des entreprises industrielles. Cela portera notamment sur l’investissement et le fonctionnant à partir de biomasse ou de combustibles solides de récupération dans le but de compenser l’écart de coûts existant entre la chaleur renouvelable et les solutions fossiles.

Le soutien au secteur du nucléaire

200M€ seront alloués en soutien au secteur nucléaire afin de maintenir les compétences indispensables à la filière et soutenir la compétitivité des entreprises par leur modernisation tout en favorisant l’innovation. A ces aides s’ajouteront un soutien du programme d’investissements d’avenir (PIA) et un co-investissement d’EDF et de l’État. Cela représentera au total 470M€ pour la filière. Cette dernière s’inscrit donc comme un instrument prioritaire pour réussir la décarbonation de l’économie.

Pour y parvenir, L’Etat accompagnera des initiatives de formation dans les métiers critiques (ex : soudeurs), des investissements dans des projets de modernisation (ex :  développement de réacteurs modulaires de petite taille) et de recherche.

La décarbonation de l’économie est donc un enjeu clef pour la France qui se retranscrit avec clarté dans le plan de relance et qui d’ailleurs fait écho à certaines propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Le gouvernement fait donc le pari de soutenir massivement un secteur en pleine révolution, nécessitant des investissements colossaux, en affirmant ses choix sur les technologies vertes à développer comme l’hydrogène ou le nucléaire et sur la rénovation énergétique des bâtiments.

Un article rédigé par Christine Kahi et Julien Crochart

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