17/03/21

Tarification dynamique de l’électricité en France : coup de pouce pour le climat ou hausse des coûts ?

Alors que la législation européenne impose le déploiement en France d’offres de fourniture d’électricité à tarification dynamique, ce mécanisme a entrainé pour les consommateurs texans des factures de plusieurs milliers de dollars en février 2021. L’arrivée sur le marché du fino-danois Barry est l’occasion de faire le point sur le sujet.

La surprise glaciale des consommateurs texans

Le mois de février 2021 aura été marqué au Texas, comme sur l’ensemble des Etats du centre et du sud des Etats-Unis, par une vague de froid inédite. Le National Weather Service, le « Météo France américain », relevait ainsi à Witchita Falls une température glaciale proche de -20°C, soit près de 10°C de moins que le précédent record enregistré il y a 50 ans. 

S’il semble que les réseaux de distribution aient résisté, de nombreuses unités de production d’électricité se sont retrouvées à l’arrêt, qu’elles soient éoliennes, solaires ou thermiques. En parallèle, la demande a explosé, en particulier pour le chauffage. Le réseau électrique a ainsi été particulièrement sollicité, mais également celui de gaz naturel. Cela a complexifié la production électrique, dépendant à 52% de ce fluide. Le troisième facteur de complexité, enfin, s’inscrit au cœur même de la culture texane et de son rejet farouche de l’autorité fédérale : le réseau texan est ainsi le seul à être totalement autonome, rendant impossible le recours aux capacités de production fédérales voire étrangères.

Chute de la production, explosion de la demande : le marché de gros a connu une hausse de près de 10 000 % d’après l’ERCOT (Electricity Reliability Council of Texas). Or, dans le marché local dérégulé, cela se répercute immédiatement, et dans les mêmes proportions, sur les factures au client final. A tel point que le fournisseur texan Griddy a recommandé à ses clients de changer de fournisseur pour privilégier une tarification fixe.

Un modèle français de fixation des prix qui protège le consommateur des variations soudaines

En France, et en dehors de toutes considérations sur le mix de production, l’on peut supposer qu’un tel choc thermique aurait également entraîné des délestages sur le réseau, c’est-à-dire des interruptions volontaires et momentanées de la fourniture d’électricité pour éviter les pannes.

Le prix payé par le consommateur particulier français est aujourd’hui constitué :

  • D’un abonnement, correspondant aux coûts fixes de son fournisseur et surtout aux charges d’investissement et de maintenance des actifs de production, transport et distribution de l’électricité.
  • Et d’un coût variable, par kWh consommé, correspondant au coût marginal de production, complété d’une marge de « risque » : les fournisseurs s’approvisionnant sur les marchés à terme, ils reportent sur leurs clients le coût du risque visant à amortir les fluctuations du marché spot.

L’explosion ponctuelle des marchés spot aurait été absorbée par la chaîne amont (producteurs, distributeurs, fournisseurs, organismes officiels), contraints d’acheter à un prix élevé une puissance dont le prix de revente est déjà fixé, et non pas par le consommateur.

Vers un modèle de tarification dynamique au service de la transition énergétique

La Directive Européenne 2019/944 de juin 2019 impose aux fournisseurs disposant de plus de 200 000 clients de proposer, à partir de 2021, des contrats à tarification dynamique, c’est-à-dire des contrats de fourniture d’électricité qui reflète les variations de prix sur les marchés au comptant, y compris les marchés journaliers et infra journaliers, à des intervalles équivalant au moins à la fréquence du règlement du marché.

En théorie, l’intérêt est double. D’une part, il s’agit de baisser les prix pour le consommateur final, en supprimant le coût additionnel lié au risque jusqu’alors porté par le fournisseur. D’autre part, en transmettant directement au client les signaux de marché, l’objectif est d’inciter au report de consommation en cas de pic de charge ou de baisse de production et d’ainsi faciliter le développement des énergies renouvelables non pilotables. Ce deuxième point est particulièrement sensible dans le modèle français, où les pics de demande nécessitent de démarrer d’autres modes de production que le nucléaire, peu coûteux car déjà amorti, et notamment des modes thermiques (gaz et charbon) plus émetteurs de gaz à effet de serre et plus chers.

Un bilan européen de la tarification dynamique a priori positif

Ecofys, un cabinet de conseil en énergie britannique, montrait dans son rapport « Dynamic electricity prices » de 2018, que le bilan est globalement positif au sein des pays européens ayant déjà adopté ce modèle. En Norvège, où 60% des ménages se chauffent à l’électricité et qui fait figure de modèle en matière d’adoption de la mobilité électrique, 71% des consommateurs résidentiels avaient en 2018 opté pour ce type d’offre avec, affirme Ecofys, des économies réelles à la clé.

En France, en revanche, le Médiateur de l’énergie Jean GAUBERT se montre prudent, arguant le besoin de visibilité sur leurs dépenses des ménages les plus modestes. Par ailleurs, un tel modèle n’est pas sans rappeler l’ancienne offre Tempo du monopole EDF. Elle consistait à proposer des prix différents selon les périodes : 43 jours blancs, peu chers, 300 jours bleus, au tarif standard, et 22 jours rouges, au tarif dissuasif. L’expérience a montré que les ménages les plus intéressés étaient effectivement essentiellement de gros consommateurs, pour qui l’optimisation de la consommation avait un impact notable sur la facture.

Quoi qu’il en soit, ces dernières semaines, c’est Barry, jeune fournisseur danois et filiale de Fortum, groupe énergétique public finlandais, qui a ouvert le bal en lançant sur le marché français son offre Electricité à prix coutant. La promesse, attractive, et le positionnement, digital et data, sauront vraisemblablement séduire les plus jeunes et technophiles des consommateurs.

L’atteinte du gros du marché, et donc un impact réel sur la charge des réseaux, nécessitera quant à elle d’importants efforts de transparence et de pédagogie sur un marché qui pâtit déjà de sa complexité, et surtout le déploiement réel d’outils de pilotage fin de sa consommation.

Un article rédigé par Marianne Benichou