Les Français à la recherche d’une alimentation plus saine : un challenge de taille pour les marques et distributeurs
Les Français sont à la recherche d’une alimentation plus saine : cette tendance n’est pas nouvelle mais elle s’est vue renforcée par la situation sanitaire actuelle. Dans un contexte de défiance envers les entreprises, les consommateurs se tournent de plus en plus vers des informations tierces pour étudier l’impact santé des produits alimentaires et les aider dans leurs choix d’achat, comme le Nutri-score, les applications de type Yuka, les associations de consommateurs…. Face à la multiplicité de ces sources, basées sur différents critères, les marques et les distributeurs peinent à définir une stratégie claire. Quels critères devraient-elles prendre en compte dans la formulation des produits ? Quelle démarche de communication doivent-elles définir pour se différencier ?
La santé : un critère rédhibitoire dans le choix des produits alimentaires des Français
Au pays de la gastronomie, le plaisir a toujours été au cœur des préoccupations sur l’alimentation. Il apparait cependant qu’un deuxième critère devient rédhibitoire dans les choix d’achat des Français : la santé.
Autrefois tendance de fond, la prise de conscience du rôle primordial de l’alimentation sur la santé s’est accélérée ces dernières années et semble, dans un contexte de crise sanitaire, se positionner au cœur des préoccupations des consommateurs : manger sain et équilibré est désormais une priorité pour 70% des familles françaises. L’impact santé devient un des principaux critères d’achat : 91% des Français le considèrent comme très important, un critère devenu quasiment aussi important que la notion de prix et de plaisir.
Les clés d’une alimentation saine : qualité nutritionnelle et niveau de transformation des produits
Schématiquement, deux dimensions de l’évaluation d’une alimentation saine peuvent être distinguées :
- Le « Manger Equilibré », lié à la qualité nutritionnelle de l’alimentation, où certains aliments ou nutriments sont à favoriser (fibres, protéines, fruits & légumes) et d’autres sont à limiter (apports caloriques, acides gras saturés, sucres, sel). Cette vision rejoint l’idée des seuils nutritionnels journaliers (%AJR) à cibler pour manger équilibré.
- Le « Manger Vrai », lié au niveau de transformation des aliments, encourageant la consommation de produits naturels et mettant en garde contre leurs versions ultra-transformées. L’évaluation du niveau de transformation se base dès lors sur la présence de « marqueurs d’ultra-transformation » (MUT),ingrédients purifiés ou dénaturés dont le potentiel santé est détérioré (ex les protéines de lait) ainsi que sur la présence d’additifs comme les colorants et les conservateurs
Une étude VERTONE, réalisée en partenariat avec l’institut d’études Ifop, démontre que le niveau de transformation et la qualité nutritionnelle sont deux préoccupations majeures des Français lors de l’achat d’un produit alimentaire.
Si la réflexion sur l’aspect nutritionnel nous semble assez bien avancée sur le marché, il nous parait important d’insister sur l’importance de l’aspect transformation. Dans notre étude, une grande majorité de Français déclare qu’elle souhaite consommer des produits « les plus naturels possibles, les moins transformés possibles ». La présence d’additifs est le critère le plus rédhibitoire face à un achat : les consommateurs reposent le produit s’il contient des additifs ou des conservateurs.
Le sujet de la transformation alimentaire est également de plus en plus présent dans les médias et dans le débat public, à l’instar du documentaire Arte « La grande malbouffe », visionné plus de 3 millions de fois. La question de la transformation alimentaire se crée également une place de choix au sein des débats politiques actuels : parmi les propositions de la Convention Citoyenne pour le climat, on retrouve l’interdiction des additifs alimentaires sous 5 ans et l’étiquetage obligatoire sur le niveau de transformation.
Applications alimentaires et sources d’informations tierces : différents combats sur l’aspect santé
Un long historique de scandales alimentaires et de manque de transparence sur la fabrication de certains produits a terni la confiance des consommateurs envers les marques et les distributeurs. Dans ce contexte de méfiance, voire de défiance, des acteurs tiers se sont positionnés comme alliés des consommateurs : labels officiels ou associatifs, applications de scan alimentaire, associations de consommateurs ou militantes… Ils accompagnent le consommateur dans sa compréhension de la composition des produits et s’imposent comme des tiers de confiance en matière d’alimentaire.
Parmi ces acteurs, trois grands types de positionnements se distinguent vis-à-vis des dimensions de la qualité nutritionnelle et du niveau de transformation évoqués ci-dessus :
- D’un côté, le Nutri-Score est exclusivement axé sur l’aspect nutritionnel : il compare les apports nutritionnels de chaque produit par rapport aux apports journaliers recommandés et propose de les catégoriser de A à E : A étant un produit le plus favorable sur le plan nutritionnel. L’indice ne tient compte ni du mode de fabrication ni du degré de transformation de l’aliment.
- De l’autre côté,l’application Siga est axée quasi-exclusivement sur l’aspect transformation : elle classe les produits avec une note de 1 (non transformé) à 7 (ultra-transformé). L’évaluation du niveau de transformation se base sur la présence de « marqueurs d’ultra-transformation » (MUT), ingrédients purifiés ou dénaturés dont le potentiel santé est détérioré (ex les protéines de lait) et la présence d’additifs comme les colorants et les conservateurs. L’indice intègre partiellement la dimension nutritionnelle en distinguant notamment les aliments dits « équilibrés » et ceux dits « gourmands ».
- Au milieu de ces deux positionnements extrêmes, on retrouve les applications de type Yuka et Innit : les méthodes de calcul des notes Yuka et Innit sont basées principalement sur l’aspect nutritionnel, avec des critères proches du Nutri-score, et elles intègrent également dans leur note la présence d’additifs controversés qui pourraient présenter un risque pour la santé. Ces applications ne tiennent pas compte en revanche de la présence de marqueurs d’ultra-transformation (MUT).
On constate que, même si ces indices proposent un premier niveau de compréhension de la composition des produits, aucun n’intègre complétement la dimension nutritionnelle ET le niveau de transformation dans son évaluation, qui sont deux préoccupations majeures des consommateurs. Pour avoir une vision complète du positionnement des produits sur l’aspect santé, il peut donc être intéressant pour les marques et les distributeurs de l’agro-alimentaire de faire un audit comparatif des notes sur chacun de ces outils.
Un enjeu majeur : développer une vision globale de l’aspect santé pour la reformulation des produits
De nombreux acteurs de l’industrie agroalimentaire se sont engagés en faveur d’habitudes de consommation plus saines et davantage de transparence.
On observe que les actions menées ces dernières années sont avant tout focalisées sur l’amélioration du Nutri-score, affiché sur un nombre grandissant de packagings. On trouve également des initiatives liées au bannissement des substances les plus controversées, mais peu adressent les problématiques plus globales liées au niveau de transformation.
Or une telle approche n’est pas neutre lorsque l’on considère que la recherche d’une meilleure qualité nutritionnelle peut impacter le niveau de transformation du produit. Pour passer d’un Nutri-Score « B » à « A », par exemple, un industriel peut choisir de réduire la qualité de sel en ajoutant un conservateur, ou celle de sucre en utilisant un édulcorant. D’un point de vue transformation, la qualité du produit se verra ainsi dégradée.
Les acteurs de l’agro-alimentaire doivent ainsi développer une vision globale de leurs produits sur l’ensemble des dimensions santé, et faire des arbitrages, en lien avec leur stratégie. Prenons un exemple de deux stratégies très différentes pour une même unité de besoin : les cookies au chocolat. Les cookies Dukan font le choix d’une formulation avec un Nutri-score A, peu grasse et peu sucrée mais contenant des ingrédients ultra-transformés, des édulcorants et des arômes pour rehausser le goût. A l’inverse, les cookies Michel & Augustin font le choix d’ingrédients peu transformés et de qualité, par exemple du beurre non raffiné, ce qui lui vaut un Nutri-score E (très gras, très sucré) mais une recette de cookies presque « comme à la maison », peu transformés.
Quelle stratégie choisir ? On voit apparaitre une nécessité d’arbitrage dans la conception et la valorisation de produits sains. Pour ce faire, les acteurs de l’agro-alimentaire doivent pouvoir évaluer leurs produits sur toutes ses dimensions « santé ».
En conclusion
Plus que jamais, la recherche d’une alimentation saine est au cœur des préoccupations des Français, attentifs à deux dimensions clés : la qualité nutritionnelle et le niveau de transformation des produits. Pour faire face à ces attentes, l’industrie agro-alimentaire s’est engagée dans des actions de reformulation de produits, privilégiant la dimension nutritionnelle en écho aux succès du Nutri-Score et de Yuka. Il nous parait important aujourd’hui d’élargir la démarche et de réfléchir à l’équation « santé » de manière plus globale, en intégrant impérativement la dimension transformation, sous peine de futurs scandales alimentaires.
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Un article rédigé par Florence Hirondel et Dramane Coulibaly