29/10/21

Ecosystèmes : Quels rôles pour les assureurs ?

Un écosystème peut se définir comme un ensemble d’acteurs, indépendants les uns des autres, qui s’organisent pour délivrer une proposition de valeur commune. Il ne s’agit pas d’un mode d’organisation récent mais son essor a été favorisé par Internet ; les écosystèmes étant alors fédérés par des plateformes digitales. A titre d’exemples, les GAFAM s’étant tous inscrits dans cette veine écosystémique ont connu ces dernières années une hyper croissance. Dans une étude de 2019, McKinsey estimait ainsi que 30% des revenus mondiaux pouvaient être portés par des écosystèmes en 2025.

La réussite d’un écosystème réside dans la proposition de valeur partagée par l’ensemble des acteurs le constituant, mais également dans la capacité de chacun à innover pour faire évoluer cette proposition de valeur.

De plus, les plateformes répondent aux nouvelles attentes des clients qui souhaitent des offres et des services diversifiés, intégrés, flexibles, disponibles, individualisés et adaptés à leur environnement de vie.

En France, certains assureurs ont d’ores et déjà pris le pas d’approches écosystémiques ou d’organisations adaptées, mais ces démarches sont encore peu nombreuses. Allianz, par exemple, s’est organisé en interne depuis 2018 autour de 6 écosystèmes (mobilité, santé, avenir, activité, construction, vie) afin de mieux adresser ses clients et développer de nouveaux services autour des propositions de valeurs communes de chacun de ces écosystèmes.

Intégrer un ou plusieurs écosystèmes et y définir son rôle est une décision stratégique que les assureurs doivent prendre. Ce changement de paradigme doit néanmoins passer par une acculturation et une acceptation forte des dirigeants. Quels sont les différents rôles présents dans un écosystème ? En quoi consistent-ils ?

Orchestrateur, partenaire clé ou simple producteur de l’écosystème ?

Au sein d’un écosystème, on distingue 3 grands rôles : orchestrateur, partenaire clé, producteurs.

L’orchestrateur 

L’orchestrateur est l’opérateur principal : il connecte les différents acteurs au sein de l’écosystème au travers d’une plateforme qu’il contrôle. Son produit ou service est la brique de base de la proposition de valeur commune. Il est garant du bon fonctionnement de l’écosystème et de sa gouvernance.

Pour assumer ce rôle d’orchestrateur, il nous apparait nécessaire de jouir d’une légitimité et d’une crédibilité de marché, de posséder une base clients importante sur laquelle capitaliser, d’avoir une culture client forte qui sera la base des règles de gouvernance de l’écosystème ainsi qu’une culture et une organisation agile qui sont des caractéristiques clés des organisations écosystémiques. Enfin, il est essentiel de posséder des capacités technologiques et d’innovation importantes.

Un exemple représentatif de ce rôle d’orchestrateur est l’assureur chinois Ping An. 2ème assureur mondial, Ping An a totalement transformé son business model en passant du métier d’assureur à celui de fournisseur de technologies et de services et d’orchestrateur d’écosystèmes. Depuis 2008, Ping An investit près d’1Md$/an dans le Cloud, l’IA et la Blockchain, ce qui constitue son socle technologique d’aujourd’hui. Entre 2013 et 2018, Ping An a déployé ses technologies et créé de nombreuses plateformes de services dans des secteurs différents. Depuis 2018, Ping An intègre et orchestre 5 écosystèmes (Automobile, Santé, Ville intelligente, Immobilier et services financiers) avec une volonté d’être présent tout au long de la chaîne de valeur.

Le partenaire clé

Il offre des services centraux dans la proposition de valeur partagée. Il peut être associé à la création de l’écosystème et peut ainsi participer à la prise de risque initiale permettant notamment d’atteindre la masse critique dans la phase d’amorçage de la plateforme.

Pour revêtir ce rôle au sein d’un écosystème, il convient de posséder une marque et une proposition de valeur forte qui permettra d’attirer de nouveaux clients et de nouveaux partenaires potentiels. Il faut également disposer d’une capacité d’innovation importante afin de délivrer la meilleure expérience client et adapter son produit ou service aux spécificités de l’écosystème.

L’association récente entre BlaBlaCar et l’Olivier Assurance illustre ce rôle de partenaire clé. Orchestrateur de l’écosystème de la mobilité entre particuliers, BlaBlaCar souhaite créer une nouvelle offre d’assurance, reposant notamment sur le comportement des utilisateurs, au travers d’une application (BlaBlaCar Coach). Pour se faire, BlaBlaCar s’est associé avec l’Olivier Assurance, filiale du groupe d’assurance britannique Amiral Group et leader européen de l’assurance auto. Non exclusive aux clients BlaBlaCar, cette offre propose des conseils personnalisés et adapte la couverture d’assurance en analysant les données de conduite des conducteurs. L’Olivier Assurance se positionne ainsi comme un partenaire clé de l’écosystème, orchestré par BlaBlaCar en s’associant sur un service au cœur d’une proposition de valeur commune.

Les producteurs

Une plateforme est composée de deux versants distincts, représentant deux typologies de clients : les consommateurs et les producteurs. La plateforme doit être en mesure d’attirer ces derniers en leur offrant de réels bénéfices. Plus ils seront nombreux, plus la plateforme disposera d’une large gamme de services, permettant de bénéficier d’effets réseau et répondre aux attentes d’hyperpersonnalisation des consommateurs.

Ce rôle « As a Service » permet aux producteurs d’intégrer un ou plusieurs écosystèmes.

Pour se faire, il convient de disposer de produits ou services pouvant apporter des réponses pertinentes à un panel large d’acteurs ainsi qu’un haut niveau de compétitivité (prix et qualité de service) pour s’imposer face à la concurrence et ainsi s’associer à un maximum de distributeurs.

Il est essentiel d’avoir des capacités technologiques (APIs) importantes pour être en mesure de répondre aux exigences volumiques de plusieurs écosystèmes, quel que soit le socle technologique utilisé. Ce haut degré d’automatisation permet ainsi d’obtenir un coût de revient le plus bas possible.

Un exemple d’assureur producteur « As a Service » est Wakam, anciennement La Parisienne Assurances. Wakam expose ses produits et services auprès de tiers de différents secteurs via API dans un modèle B2B2C et s’intègre ainsi à des écosystèmes tiers. Wakam se positionne comme un assureur sur mesure, au service de plusieurs métiers et promeut immédiateté, transparence, impact et intégration. Wakam s’est notamment associé avec la néo-banque Revolut en intégrant des polices d’assurances au sein de leur plateforme, lui permettant de développer sa proposition de valeur assurantielle.

Ecosystème assurance - VERTONE cabinet de conseil services financiers
Les différents rôles au sein d’un écosystème

Conclusion

Les écosystèmes représentent un moyen formidable de faire évoluer le métier d’assureur et d’améliorer la manière d’adresser les clients. La mesure des impacts écosystémiques sur le marché de l’assurance n’étant pas encore perçu de tous, force est de constater les bienfaits de ces approches dans de nombreux secteurs.

Le choix du rôle à jouer au sein d’un écosystème est selon VERTONE, le premier pas d’une démarche écosystémique pour un assureur.

Que cela soit en orchestrant un écosystème et en préemptant un marché, en devenant partenaire clé d’une proposition de valeur forte ou alors en intégrant plusieurs écosystèmes et ainsi étendre la distribution de ses produits et services, il convient désormais aux assureurs de se positionner de manière forte pour éviter une perte progressive de leur clientèle aux profits d’écosystèmes existants, construits sans leur présence.

Un article rédigé par Pierre Kollen et Stéphane Martineau