La nécessaire transformation des modèles de distribution dans l’assurance
S’il y a bien un sujet sur lequel nos clients assureurs nous interrogent ces temps-ci, c’est bien l’avenir de leurs modèles de distribution.
En effet, sur les dernières années, une conjonction de plusieurs phénomènes a profondément modifié les comportements relationnels des clients et notamment leur propension à se déplacer en agence :
- Évidement le COVID et les confinements successifs qui a ralenti voir stoppé les déplacements des clients…
- … qui ont trouvé un relais pour réaliser leurs opérations grâce à la digitalisation à marche forcée des assureurs et le développement du « à distance »
- les changements des tendances de consommation, largement inspirées des acteurs du retail, ainsi que des contextes sociétaux mouvants (besoin de relation humaine en parallèle de la digitalisation, exigence d’instantanéité, recherche d’expériences innovantes, prise de conscience climatique et sociétale, et maintenant la Guerre en Ukraine et l’inflation qui en découle…)
L’ensemble de ces éléments se traduit par une mutation profonde des attentes et comportements relationnels des clients. Dans le cadre d’une étude menée avec notre partenaire Dynata fin 2021, nous avons pu mesurer l’impact de ces tendances, notamment sur la fréquence de visites des clients en agence :
- Près de la moitié (45%) des clients estiment pouvoir se passer du contact en face à face avec leur assureur après le COVID
- Parmi les clients qui se rendaient en agence avant le COVID (au moins une fois par an), plus de 1 sur 3 ira moins souvent (35%)
Des Français très attachés aux canaux à distance…
Malgré la montée de la digitalisation, notre étude montre que le 1er canal de contact pour interagir avec son assureur reste le téléphone. Rapide, facile d’utilisation et évitant les déplacements, le téléphone est ainsi préféré par 38% des français pour interagir avec leur assureur.
Plus globalement, ils privilégient en premier lieu les canaux à distance (55% pour téléphone et email ; 14% pour le Selfcare). Ce comportement est d’ailleurs exacerbé pour certaines populations, notamment les clients de moins de 45 ans, actifs, qui sont moins en capacité de se déplacer pendant les horaires d’ouverture des agences.
…Mais dans ce cas, les agences sont-elles vouées à disparaître ?
Fort heureusement, nous ne le pensons pas ! Et des plans massifs de réduction des agences semblables à ceux connus dans la banque ne sont pas à l’ordre du jour. En effet, notre étude montre que les français restent très attachés au contact physique ; près d’un tiers des Français déclarent que l’agence reste leur canal privilégié, notamment les personnes les plus âgées. Elles privilégient ce canal pour le contact humain et l’expertise associée dans certaines situations spécifiques comme les actes de souscription, de gestion ou de résiliation dans lesquelles leur valeur ajoutée est perçue par les clients. Ces éléments sont d’autant plus marqués sur certains produits (Epargne / Retraite notamment) qui nécessitent un niveau d’expertise et de pédagogie important.
À l’inverse, les motifs moins caractéristiques des temps forts de la relation client (réalisation d’une opération, suivi d’une demande…) sont davantage réalisés en « selfcare », notamment pour des contrats avec une forte récurrence d’usage comme la santé.
Ainsi, notre étude montre bien que les préférences des différents canaux, au-delà des moyennes, sont spécifiques en fonction des différents segments de clients (en fonction de l’âge et de la localisation notamment) mais aussi des produits et des actes à réaliser. Un axe de travail pour les assureurs est donc de bien comprendre les parcours clients actuels et d’ajuster les rôles et prérogatives des différents canaux en fonction de parcours clients cibles.
Le pivot de la relation n’est pas l’agence mais le conseiller…
En effet, au-delà des interactions en face à face, les clients plébiscitent la relation avec un conseiller, si possible référent (pour 60% des clients interrogés). Ces interactions peuvent se faire en face à face, par téléphone ou encore en visioconférence, notamment pour les jeunes qui sont 69% à être prêts à utiliser ce canal.
Ainsi, les assureurs doivent repenser le rôle des conseillers, notamment en agence, pour offrir une relation de proximité, humaine, qu’elle soit en physique ou à distance. Ceci nécessitera vraisemblablement un changement de culture, une évolution des activités et un outillage des réseaux pour qu’ils s’adaptent aux préférences des clients et puissent gérer dans une même journée des visites spontanées, des appels téléphoniques et emails ou des rendez-vous physiques comme à distance, ainsi que des activités back office.
En conclusion, les assureurs traditionnels qui héritent de réseaux d’agences souvent conséquents sont confrontés à de nombreux défis :
- À court terme, comment proposer une relation humaine, à distance et physique et donc conserver les agences, avec des effectifs suffisants pour assurer des plages d’ouverture « larges » tout en restant efficientes
- Plus largement et à moyen terme, quelle place, quel rôle et quelle valeur ajoutée de l’agence dans des modèles qui se veulent résolument multicanaux ?
Dans nos prochains points de vue, nous tenterons nous vous exposer quelques pistes qui méritent d’être explorées, issues de notre expérience ou d’autres secteurs comme le retail :
- L’optimisation des activités des agences en fonction de leur contexte local
- Le digital au service du rayonnement de l’agence
- Une présence locale sans agence
- La « diversification » des agences
Un article rédigé par