21/07/22

Rénovation énergétique des logements : un écosystème en mouvement

Dans le cadre de la transition énergétique, et en pleine crise des prix de l’énergie, améliorer la performance énergétique des bâtiments est une priorité nationale. En France, le secteur du bâtiment résidentiel et tertiaire est responsable de 18% des émissions de gaz à effet de serre et représente plus de 40% de la consommation d’énergie.  

Avec plus de 22 millions de logements à rénover dont 7 millions de passoires thermiques, la rénovation énergétique constitue un levier essentiel pour tous les acteurs. Pour l’État, comme moyen d’atteindre les objectifs climatiques, de lutter contre le mal logement et de préserver le pouvoir d’achat. Pour les ménages, car la facture d’énergie représentait déjà, avant la crise des prix, 8,9% de leur budget en moyenne. Pour les professionnels de la rénovation qui doivent recruter, se former et massifier leur offre de services pour adresser ce marché, en intégrant des technologies et des matériaux plus efficaces énergétiquement. Mais aussi pour les acteurs du financement, les fournisseurs d’énergie et les entreprises de services énergétique opérant dans le cadre du dispositif des Certificats d’économie d’énergie (CEE) et des obligations de réduction de la demande d’énergie, fixées par la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC).   

Dès lors, quels sont les enjeux de la filière ? Quels mouvements d’acteurs observe-t-on, pour quelles opportunités ?  

Une forte incitation à la rénovation énergétique et un contexte réglementaire qui veut favoriser la rénovation globale

En ligne avec les accords européens, les recommandations environnementales imprègnent fortement les politiques publiques françaises. De nombreux objectifs sont fixés au niveau national et sur tous les secteurs (résidentiel, tertiaire, etc.). 

Parmi les leviers mis en place pour réaliser les objectifs visés, le dispositif des CEE et de Ma Prime Rénov sont désormais largement répandus et connus suite aux offres isolation à 1€ notamment. Ces incitations ont conduit à une forte activité de rénovation énergétique monogeste[1] dès la 4ème Période CEE. 

Ces travaux présentent néanmoins des limites en terme d’économie réelle. Seuls 6% des 3 millions de ménages ayant terminé un geste de rénovation en 2019 (et dont l’analyse de la performance énergétique a été possible) ont réalisé un saut d’au moins deux classes Diagnostic de Performance Energétique (DPE).  

Désormais, il s’agirait de favoriser la réalisation de bouquets de travaux ou travaux de rénovation globale qui consistent à concevoir ensemble des travaux de différentes typologies : isolation, chauffage, ventilation… Ces travaux multigestes sont plus efficaces énergétiquement mais sont aussi plus complexes, plus longs et plus difficiles à financer.  

Les politiques publiques orientent les acteurs dans cette direction avec les Coups de pouce CEE Rénovation Globale, Ma Prime Rénov’ Rénovation Globale et plus largement avec Mon Accompagnateur Rénov, initié en janvier 2022.  

Mon Accompagnateur Rénov, grâce en premier lieu au réseau de conseillers France Rénov, compte simplifier le parcours de rénovation en proposant un guichet unique au particulier et un accompagnement de bout en bout pour traiter toutes les étapes du projet dans ses différentes dimensions :   

  • Définition des travaux : visite, audit, préconisation des travaux adaptés,  
  • Conseil pour la sélection des entreprises et choix des devis, 
  • Appui aux démarches administratives, 
  • Aide pour les ménages en situation de précarité ou de difficulté sociale, 
  • Appui au suivi des travaux et conseils pour la réception en fin de chantier 

D’abord mis en œuvre par l’ANAH et le service public de la rénovation énergétique, le dispositif s’élargira à d’autres acteurs selon des modalités restant à définir. 

En parallèle, la règlementation s’étoffe pour rendre le DPE central lors des étapes de vente et de location de logements, et renforcer le recours à l’audit énergétique en amont des rénovations.  

Des échéances ont été introduites pour augmenter la pression réglementaire : interdire à la location les étiquettes énergétiques DPE de classes élevées (classes G à partir de 2025, classes F en 2028…) représentant 4,8 millions de logements soit 17% du parc résidentiel. (Rapport Sichel – chiffres de 2018).


[1] Travaux visant à réaliser un seul type de travaux à la fois, p.ex. l’isolation des murs

Des bénéficiaires à la recherche d’une offre simple et accessible

D’après une étude réalisée par helloArtisans en janvier 2022, les motivations à la réalisation des travaux de rénovation énergétique sont multiples :  

  • 56% cherchent à améliorer le confort de leur habitat,  
  • 40% cherchent à diminuer leur facture énergétique,  
  • 23% les font à la suite d’un entretien de matériel ou d’une découverte de dégâts/détériorations, 
  • 7% suite à des changements familiaux ou de modes de vie (télétravail, arrivée d’un enfant, …). 

La recherche de confort et d’économies sur les factures d’énergies, principales motivations, sont susceptibles de conduire les particuliers à s’interroger sur l’opportunité d’une rénovation globale performante. Néanmoins, un frein majeur à la massification de ces rénovations est la complexité du parcours. Selon les résultats 2020 de l’enquête TREMI de l’ADEME, 29% des ménages ayant réalisé des travaux déclarent avoir manqué d’accompagnement, essentiel pour simplifier la démarche.  

Les travaux sont techniquement difficiles à appréhender, les démarches d’obtention de prêts et d’aides parfois vues comme compliquées (en raison notamment de la diversité de dispositifs nationaux et locaux), et l’écosystème est complexe. Une multiplicité d’acteurs aux rôles différents coexiste sur ce secteur, et le tissu économique français est principalement composé de TPE / PME spécialisées par corps de métier. Ceci tend à raréfier la proposition d’offres de rénovation globale simples et accessibles.  

Les ménages qui envisagent une rénovation multigestes font alors face à des problématiques de différentes natures  :  

  • Budgétaire : il est difficile d’anticiper le coût final des travaux et du reste à charge, et de disposer des fonds pour avancer les frais quand les aides qui ne sont délivrées qu’une fois les travaux réalisés, 
  • Technique : comment évaluer les propositions des artisans, et encore plus s’il faut faire appel à plusieurs entreprises, 
  • Confiance envers les professionnels du bâtiment : comment s’assurer de la qualité des travaux et du respect des règles de l’art, sans parler des fraudes largement commentées dans la presse, 
  • Durée des travaux  : où loger pendant les travaux et pendant combien de temps ?  

Ces freins se reflètent dans les priorités exprimées par les ménages français : trouver les bons professionnels (55%), respecter le budget (50%), trouver les bons produits (35%) ainsi qu’être informé et accompagné (25%). 

Face à ces freins, les ménages peuvent avoir tendance à planifier les travaux geste par geste, au détriment d’une solution plus performante énergétiquement. 

Les marchés de l’efficacité énergétique et de la rénovation s’organisent pour répondre à cette demande

En réponse aux incitations réglementaires, les acteurs sur le marché anticipent une augmentation de la demande d’offres de rénovation globale clé en main et cherchent à se positionner sur ce marché.  

Sur cet écosystème hétérogène, composé d’acteurs du marché de l’efficacité énergétique et d’acteurs de la rénovation, peu disposent aujourd’hui des ressources et conditions pour développer en propre une telle offre.  

Certes, les entreprises générales de travaux gèrent des travaux tous corps d’état et sont positionnées sur la rénovation globale. Elles sont néanmoins souvent tournées vers des projets de plus grande envergure que la rénovation unitaire de petites maisons individuelles. 

De leur côté, les artisans, les TPE et PME œuvrant sur le marché de la rénovation des logements n’exercent souvent que sur un ou deux corps de métier. D’après la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), 99% des entreprises du bâtiment en France ont moins de 20 salariés. Ces petits acteurs doivent donc s’associer et se constituer en consortiums pour mutualiser leurs leads et développer des offres de bout-en-bout.

En parallèle, des acteurs comme les fabricants se positionnent aussi sur la rénovation globale. Aujourd’hui déjà, ils valorisent leur position clé sur la chaîne de valeur en proposant au client final des offres packagées de matériel et installation via leurs réseaux d’artisans partenaires. Des rapprochements entre fabricants comme TRYBA Isolation (fenêtres & isolation) et Viessmann (chauffages) permettent de proposer une offre de travaux de rénovation énergétique coordonnés par un interlocuteur unique, disponible dans leur réseau d’agences. L’objectif affiché de cette association est d’être un précurseur qui ne manquera pas de faire des émules. 

Par ailleurs, les distributeurs spécialisés (tel que Leroy Merlin) et les acteurs de l’efficacité énergétique (les obligés, les délégataires poussés par la nécessité de diversifier leur modèle d’activité) qui se positionnent déjà en tant qu’intermédiaires capables de capter le lead, lui proposer des solutions de financement et le mettre en relation avec des artisans partenaires, développent aujourd’hui des offres d’accompagnement aux travaux monogestes et multigestes. Ils optent pour des positionnements variés : conception / AMO, financement, coordination et aide à la réception des travaux, voire contractant général. Ainsi, Effy propose un accompagnement bout-en-bout des travaux et IZI by EDF (issu du rachat de Hellocasa par EDF en 2018) propose des services clé en main de rénovation énergétique, mais aussi d’électricité, plomberie et rénovation d’intérieur.  

Enfin, des acteurs du financement de travaux remontent maintenant la chaine de valeur pour capter les leads et proposer aussi des offres de travaux. C’est le cas du groupe BPCE (Banque Populaire – Caisse d’Epargne) qui a racheté en juillet 2021 la société Cozynergy, contractant général de travaux positionné sur la rénovation globale.  

Les mouvements des acteurs sont nombreux et il sera intéressant de suivre l’évolution du marché dans les mois et années à venir, ainsi que l’impact sur l’essor de la rénovation performante des logements.  

Conclusion

L’efficacité énergétique est donc un sujet à suivre de près tant le contexte réglementaire évolue rapidement et les acteurs se positionnent tour à tour et rapidement sur le secteur avec des stratégies variées. Le sujet sera clé dans les années à venir aussi bien pour ces derniers que pour les bénéficiaires des incitations réglementaires et aides publiques. 

VERTONE, cabinet de conseil spécialisé en stratégie et management, pourra vous accompagner pour définir et cadrer les objectifs de votre stratégie autour des sujets de l’efficacité énergétique. 

Un article rédigé par Laura Sallet et Meriem Goutali.