16/09/22

Transport et réduction d’impact carbone : le ferré à la place de l’automobile, coaching gagnant ?

La Semaine européenne de la mobilité se tient en ce moment (16-22 septembre 2022), alors que les crises se superposent (sanitaire, écologique, énergétique, pouvoir d’achat…). Ayant pour objectif d’inciter les citoyens et les collectivités à opter pour des modes de déplacements plus durables, la comparaison entre les modes de transport est plus que jamais d’actualité.  

Représentant plus d’un quart des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) de l’Union Européenne, le secteur des transports figure parmi les enjeux clés de la transition écologique. Afin de respecter leur engagement de neutralité carbone à horizon 2050 pris dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe fin 2019, les pays de l’UE doivent revoir leurs politiques en matière de transport. 

Au sein du secteur, tous les modes de transports ne portent pas la même responsabilité dans le poids des émissions des gaz à effet de serre : quand l’automobile (80% des déplacements) représente 20% des émissions en France, les transports ferrés (10% des déplacements) ne participent, eux, qu’à 0,3%. 

S’ils sont interchangeables dans une partie de nos déplacements aussi bien quotidiens (à commencer par le domicile-travail) que longue distance, une transition de l’un vers l’autre induit des considérations plus larges que les seuls enjeux écologiques. La mise en place de la prime transport pour alléger le prix du carburant en pleine crise du pouvoir d’achat démontre qu’il s’agit également d’un enjeu économique et social majeur pour les Français. 

Mais alors, comment concilier les enjeux qui pèsent sur le secteur pour permettre de répondre au défi climatique tout en respectant les attentes des consommateurs ? 

Le transport ferré, un avantage évident face à l’automobile ?

Lorsque les deux modes de transports de voyageurs sont possibles, le choix peut passer par 5 critères clés : l’écologie, le tarif, la flexibilité, le maillage territorial et l’expérience de voyage. 

  • Écologie : Selon Greenpeace, le transport ferré émet 10 à 25 fois moins de CO2 qu’un déplacement identique effectué en voiture. Pour autant, il n’est pas réaliste de miser sur la disparition de la voiture pour décarboner le secteur. Certes, l’objectif est de réduire le nombre de véhicules sur la route, notamment en luttant contre « l’autosolisme » et en promouvant le report vers les transports en commun et des modes plus doux.

    Toutefois, il s’agit également de rendre les voitures en circulation moins polluantes, via le développement d’alternatives « propres ». Le véhicule à hydrogène est une opportunité attrayante, mais qui manque de maturité pour l’envisager sérieusement à grande échelle à moyen terme. Le remplacement du parc thermique existant pour un parc majoritairement électrique et hybride est plus avancé mais à court terme cette transition a un coût écologique à prendre en compte.

    En effet, la construction d’un véhicule, thermique ou électrique, générant 5 à 10 T de CO2 par véhicule, un hypothétique remplacement total du parc français reviendrait à émettre entre 200 et 400 millions de tonnes de CO2 supplémentaire, soit un volume équivalent à la production annuelle totale de CO2 de la France. À plus long terme, cette transition permettrait toutefois de réduire les émissions carbones du secteur routier.  
  • Tarif : Au-delà de l’impact écologique des différents modes de transport, le prix du déplacement est évidemment un critère déterminant pour les particuliers. Une récente étude menée par France Mobile indique que 38% des Français choisissent, à titre personnel, l’usage de la voiture pour des raisons économiques.

    Selon le niveau de subvention ou la politique de tarification adoptée par les autorités ou les transporteurs, il peut y avoir un décalage entre le coût perçu par l’usager des transports en commun et le coût réel. Il en est de même pour la voiture, dont le coût réel (essence, stationnement, assurance, etc.) pour les déplacements quotidiens serait au moins sept fois plus important que le coût des transports en commun. Et l’explosion du prix du carburant dans la période actuelle ne fait qu’accentuer cette différence.

    C’est dans ce contexte inflationniste que TER Normandie a par exemple lancé une campagne de rentrée afin d’inciter des automobilistes à se tourner vers le train pour leurs trajets domicile-travail, grâce à une offre promotionnelle avantageuse. Du côté de nos voisins européens, les incitations tarifaires sont également de mise pour pousser les citoyens à préférer le train à la voiture : billets à 9€ en Allemagne, gratuité sur certains trains quotidiens en Espagne… Avec les limites que cela peut induire sur la capacité du réseau à absorber la demande ou la question du financement sur le long terme. 
  • Flexibilité : En plus de la tarification, la liberté d’usage est un critère d’importance pour les ménages français. L’étude France Mobile estime que cette préférence serait un facteur de décision déterminant pour 40% des Français qui citent l’horaire adapté à leurs besoins comme un critère de choix.36% mettent en avant la simplicité et la fluidité de l’organisation d’un trajet en voiture, qui nécessite intrinsèquement moins d’anticipation. 

Aussi, l’avantage de disposer d’un moyen de locomotion sur place, constitue un point convaincant en faveur de l’automobile pour 24% des répondants. 

  • Maillage territorial : Le critère de maillage territorial concerne la facilité d’accès à la gare depuis son lieu initial de départ et l’accès à son lieu de destination finale depuis la gare d’arrivée. Pour 15% des répondants de l’étude France Mobile, la difficulté d’accès à la gare de départ ou d’arrivée représente un facteur décisif dans la sélection de la voiture au détriment du TGV pour des voyages longue-distance. La persistance de « zones blanches », dépourvues de trains du quotidien, explique également en grande partie que 80% des Français réalisent leurs trajets domicile-travail en voiture par exemple. 
  • Qualité de l’expérience de voyage : Ce dernier critère regroupe plusieurs éléments qui, ensemble, constituent le niveau de bien-être du voyageur pendant son déplacement. Praticité pour le transport de bagages (9% des répondants) ou confort dans l’habitacle (13%) sont des éléments qui agissent comme décisionnaires en faveur d’un déplacement en voiture plutôt qu’en train, mais le train peut comporter quant à lui des services à valeur selon les gammes (WC, restauration, wifi, presse…)  

Au vu de ces critères décisifs, les voyageurs préfèrent encore majoritairement se déplacer en voiture aujourd’hui. Ces différents critères constituent cependant des axes de travail et d’investissements clairs pour les pouvoirs publics afin de rendre le train plus attractif et accélérer la transition. 

La multiplicité et complémentarité des modes de mobilité : clé de la décarbonation du secteur des transports

La transition du secteur du transport vers l’accroissement des déplacements ferrés dans la part des voyages effectués par les particuliers est notamment portée par les grandes entreprises françaises. 
Ainsi Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF, et Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes, appelaient dans une tribune commune dans le Journal du Dimanche de juillet 2022 au développement d’usages combinant les modes de transports afin de réduire les émissions de gaz à effets de serre. Ces nouveaux usages, accompagnés de l’évolution des habitudes de consommation, se concrétiseraient, selon eux, par un doublement des déplacements effectués au moyen d’un transport ferré dans la prochaine décennie, qui représenteront alors 20% des déplacements totaux en France. 

Afin d’implémenter ces nouveaux usages, de nouvelles solutions sont à apporter pour permettre aux usagers de se mouvoir autrement. 

L’émergence de pôles d’échanges multimodaux, qui permettent une utilisation optimisée et combinée de différents modes de transport aussi bien traditionnels qu’innovants, apparait comme une solution pour développer les usages alternatifs à « l’autosolisme ». 

Le développement de nouvelles solutions de mobilité plus « vertes » et complémentaires des transports ferrés traditionnels devient ainsi un enjeu clé pour atteindre les objectifs fixés. Portées par les grandes entreprises comme les start-ups, des solutions innovantes fleurissent chaque jour pour apporter une couverture des zones moins denses ou permettre la réalisation des « derniers kilomètres ». 

Ainsi, pour rattacher les voyageurs aux voies ferrés moins accessibles dans des territoires reculés, la SNCF a développé la navette électrique Draisy, qui permettra de desservir les plus petites lignes en proposant un usage avec des arrêts à la demande tout en représentant un coût modeste pour les usagers. De la même façon, la start-up Milla a développé la navette Flexy qui peut naviguer sur et hors rails pour récupérer jusqu’à 9 voyageurs avant de revenir sur les rails. 

Enfin, les politiques nationales, régionales et municipales, jouent un rôle crucial dans le développement de ces nouvelles habitudes de transports. Elles portent en effet les investissements nécessaires pour développer et entretenir le réseau ferré local (nouvelles lignes du Grand Paris) et national (LGV Sud-Ouest) mais aussi développer la complémentarité et intermodalité avec d’autres modes de transport : construction de parcs-relais à l’entrée des grandes villes, prime à l’achat d’un vélo électrique, déploiement de vélos en libre-service, subvention pour inciter au covoiturage… 

Ainsi, la réalisation des objectifs de réduction des émissions pour le secteur du transport semble passer par une coordination de toutes les parties prenantes afin de définir une nouvelle offre de mobilité globale et cohérente, qui réponde à la fois à l’obligation de réduction des GES tout en respectant les attentes des consommateurs.

Vous trouverez en complément de cet article, les 5 tendances chez les voyageurs qui impactent « durablement » la mobilité.

Un article rédigé par

Aude Leaustic, Consultante
Thomas Chapelle, Consultant

Crédit photo : https://www.ecologie.gouv.fr/semaine-europeenne-mobilite-ouverture-plateforme-dinscription