08/11/22

Quels enjeux pour les marques suite à la montée en puissance du retail media ?

Le retail media désigne l’ensemble des dispositifs de communication présents sur le parcours d’achat des consommateurs, en magasin ou en ligne. Entre 2019 et 2021, les investissements des marques dans le retail media en ligne ont augmenté de 69% et représentent désormais 8% de la publicité digitale en France, soit 640 millions d’euros. Cette forte croissance s’explique notamment par la croissance du e-commerce et par la nécessité pour les marques de favoriser les campagnes basées sur l’exploitation de données 1st party, mais aussi par les fortes transformations du retail media, leur offrant de nouvelles opportunités.

Dans cet article, VERTONE s’attache à comprendre les nouvelles possibilités offertes aux Marques par le retail media et les enjeux associés.

Un marché en constante évolution

Des offres de plus en plus variées

Les marques ont à leur disposition des activations de plus en plus variées que l’IAB (Interactive Advertising Bureau) et la MMA (Mobile Marketing Association) divisent en trois groupes dans leur cartographie du retail media (publiée le 02/06/2022) :

  • Les activations on site, sur le site du distributeur (Search, Display, jeux, promotions personnalisées…).
    Ce volet d’activations concentre la majorité des investissements des annonceurs sur le retail media, principalement sur le volet search (produits sponsorisés dans les résultats du moteur de recherche).
  • Les activations off-site, en dehors du site du retailer, elles consistent à faire de l’extension d’audience, c’est-à-dire à toucher les clients du distributeur dans un environnement publicitaire qui ne lui appartient pas (par exemple sur Google, Facebook ou l’ensemble de l’open web).
    Avec ces activations, les marques ont à leur disposition un inventaire quasi illimité avec une audience plus large et peuvent travailler sur des campagnes plus haut de funnel (branding, awareness). Elles peuvent donc avoir un intérêt pour l’ensemble des annonceurs souhaitant tirer parti de la finesse du ciblage offerte par la richesse de la donnée du distributeur, qu’ils soient ou non commercialisés sur le site du distributeur.
    Les activations off-site sont ainsi vouées à jouer un rôle important dans la croissance du retail media dans les prochaines années.
  • Les autres formats, qui regroupent des formats aussi diversifiés que le live shopping, le DOOH (Digital-Out-Of-Home, soit l’ensemble des systèmes de publicité extérieure digitale), les offres promotionnelles ciblées en magasin, le CRM ou les services et notamment le partage de données (au travers de dashboards de performance, etc.).

Cette partie servicielle, encore peu développée aujourd’hui, devrait également bénéficier d’une forte croissance dans les années à venir.

Des acteurs de plus en plus nombreux

En 2020, la MMA recensait 20 distributeurs en France proposant une offre on site et/ou off-site réparti sur 8 secteurs d’activités (GSA, généraliste, consumer electrics, ameublement, animalerie, vente privée, bricolage et jeux). En 2022, ils sont 32 distributeurs sur 12 secteurs d’activités (arrivée de la mode, de la beauté, du sport et de la parapharmacie). Cette diversification sectorielle offre à un panel de marques de plus en plus large l’opportunité d’activer des campagnes de retail media.

Une structuration du marché facilitant les investissements

La mise en place de ces dispositifs on site et off-site est facilitée par l’arrivée de plateformes de self-servicing proposées par des acteurs comme Criteo ou Citrusad permettant aux marques d’opérer leurs campagnes en totale autonomie.

On assiste également à une structuration des plus gros acteurs sur le sujet proposant chacun des plateformes de self-servicing. Alors qu’Amazon avait lancé sa plateforme d’achat media depuis 2016 en France, de nombreux gros acteurs se sont structurés en 2021 : Cdiscount a en effet lancé sa régie Cdiscount Advertising en avril, Carrefour a lancé Carrefour Links en juin, Fnac-Darty a lancé sa plateforme Retailink en septembre 2021 et Casino et Intermarché se sont liés pour lancer la régie publicitaire commune Infinity Advertising en janvier 2022.

Cartographie des principaux acteurs du Retail media en France, publiée par l’IAB France et la Mobile marketing association – Juin 2022

Les opportunités pour les marques offertes par le retail media

Le retail media offre aux Marques de nombreuses opportunités et notamment :

  • La possibilité de contacter une audience très précise sans utilisation de cookies tiers : le retail media s’appuie sur des données de vente en magasin et permet donc aux marques de cibler leurs communications sur la base des données transactionnelles du distributeur et sur une audience loggée, qui n’est donc pas concernée par la fin des cookies tiers.
    Les distributeurs disposant d’une base de données très riche, les marques peuvent activer des segments de clients précis et même créer des segments sur mesure en fonction de leurs besoins. Elles peuvent par exemple s’adresser spécifiquement aux plus gros acheteurs de leur marché, achetant une marque concurrente.
  • Une meilleure évaluation des performances des campagnes sur les ventes : dans le cadre des campagnes digitales « classiques », la marque suit des KPIs média (taux d’impression, de clic, nombre de vues, etc.), mais peut difficilement savoir si l’internaute ciblé a vraiment acheté son produit. En activant une campagne de retail media, elle a accès, dans la majorité des cas, non seulement à ses KPIs media, mais aussi aux ventes générées directement par sa campagne, via l’analyse des données transactionnelles dont dispose le distributeur, sur le site e-commerce mais également en magasin. Ces nouvelles campagnes permettent donc aux marques de pouvoir évaluer plus précisément l’impact de leurs campagnes digitales et, qui sait, demain avec l’arrivée de la TV segmentée, de leur campagne TV ?
  • Une meilleure connaissance de leurs shoppers : beaucoup de marques ne disposent pas de leurs propres circuits de distribution et ont donc une faible connaissance de leurs consommateurs directs. Aujourd’hui, avec l’avènement du retail media, les plus gros e-retailers comme Fnac-Darty ou encore Carrefour se sont structurés et monétisent l’accès à leurs données.
    Ces nouveaux services permettent aux marques d’avoir une meilleure connaissance de leurs shoppers (ex : évolution des comportements d’achat des clients au fil du temps, sensibilité des clients à la promotion, analyse de la valeur client…) et de pouvoir ainsi mieux définir l’ensemble de leurs activations marketing qu’il s’agisse ou non d’activations de retail media.

Les enjeux pour les marques face à cette transformation du retail media

La transformation du retail media représente une opportunité forte pour les marques, mais nécessite aussi de bien en comprendre tous les enjeux afin de pouvoir l’utiliser au mieux.

Définir l’organisation adéquate pour gérer ce media à la croisée des équipes commerciales et marketing

Le retail media n’est pas simple à adresser chez les marques puisqu’il est loin d’être l’apanage d’une seule équipe : il implique entre autres les équipes commerciales, puisque lié à un distributeur, mais aussi les équipes marketing et digitale, voire les équipes trade marketing et communication.  

Cette difficulté à définir l’équipe responsable a des conséquences sur :

  • Les budgets : le baromètre du eRetail Media 2021 de Publicis Commerce souligne que la responsabilité des budgets e-retail est partagée pour 40% des répondants. Or, il est essentiel sur ce marché en pleine mutation de pouvoir prendre des décisions rapidement afin de saisir les opportunités et cette co-responsabilité sur les budgets complexifie et ralentit la prise de décision.
Baromètre eRetail media 2021 – Publicis commerce – 30/11/2021
  • Les résultats attendus : la co-responsabilité de plusieurs départements sur ces campagnes nécessite de concilier des attentes différentes : celles des équipes commerciales, objectivées sur les ventes directes au retailer et en particulier sur le sell-in, celles des équipes marketing objectivées sur le sell-out et celle de la communication habituée aux KPIs médias et travaillant majoritairement sur des activations haut de funnel.

    Plusieurs annonceurs se structurent et réfléchissent à la meilleure organisation possible en interne pour adresser au mieux ces nouveaux médias à la frontière entre commercial, communication et marketing. Ainsi, dans le baromètre du eRetail media 2021, 62% des répondants indiquent prévoir des changements dans leur organisation liés à la progression des budgets e-retail. Les principaux changements attendus évoqués sont la création d’équipes dédiées internes ou externes (55%), le recrutement de profils experts sur le sujet (51%), le rapprochement entre marketing et trade (30%), la création d’un lead transverse (17%) et la mise en place de formations (17%).

Uniformisation des mesures de performance

La complexité du retail media pour les annonceurs réside également dans la multiplicité des acteurs. Aujourd’hui, un annonceur ne dispose pas d’un guichet unique pour activer ses campagnes et doit donc travailler avec l’entité retail media de chaque distributeur, chacune proposant des mesures différentes. Les différents intervenants ne partagent par exemple pas tous la même définition des indicateurs de mesure de l’impact sur les ventes ou ne l’analysent pas tous sur la même période suivant l’exposition, pouvant ainsi donner lieu à des différences de performance significative.

L’enjeu des marques consiste donc à comprendre les différents KPIs et leur pertinence pour pouvoir challenger les différents acteurs et avoir des résultats plus comparables. D’un point de vue plus global, les marques doivent intégrer ces nouveaux médias à leur marketing mix model, afin de comparer la rentabilité des campagnes de retail media avec celle de l’ensemble de leurs activations marketing.

Définir une cible pertinente tout en tenant compte de la déperdition liée à la réconciliation de la donnée online et offline

Si les distributeurs ont à leur disposition une base de données clients importante et particulièrement riche, dont l’ensemble des achats (online et offline) peuvent être trackés grâce aux cartes de fidélité, on constate une déperdition entre le nombre de porteurs de l’enseigne et l’audience adressable sur le site du distributeur et en dehors pour deux raisons :

  • La carte de fidélité du client doit être associée à un compte en ligne pour réconcilier la donnée offline et online, ce qui n’est pas toujours le cas, bien que cette part ne cesse d’augmenter avec l’augmentation du e-commerce et la disparition / dématérialisation progressive des prospectus et du ticket de caisse, incitant ainsi les clients à communiquer leur adresse email pour recevoir ces informations.

  • Pour proposer de l’extension d’audience (activations offsite), il faut pouvoir faire correspondre les cookies du distributeur avec ceux de la DMP des annonceurs, afin d’activer cette audience en dehors de l’écosystème du distributeur.
    Or, lors de son intervention en avril 2022 à la conférence Future of retail media organisée par Minted, Ollivier Monferran, Head of media and digital chez Essity, expliquait que, dans les campagnes qu’ils avaient menées, seuls 25% des clients encartés de l’enseigne pertinents pour sa campagne étaient activables en ligne.

Cette déperdition nécessite donc pour la marque de ne pas définir trop précisément sa cible, puisque cela limiterait considérablement son reach. Or un reach trop faible ne permet pas de mettre en place une audience témoin et de mesurer ainsi précisément l’impact des campagnes.

Ces différents enjeux commencent tout juste à être identifiés par les marques qui sont encore en phase de test & learn sur ce nouveau média. 2023 devrait donc permettre aux intervenants de tirer des enseignements de leurs premières activations, leur permettant de se forger des convictions plus fortes sur la manière d’adresser cette nouvelle forme de média.

Un article rédigé par

Tiphanie Gain, Consultante

Ihsane Rahmani, Partner