17/04/24

Citoyen, usager, client : comment prendre en compte toutes les attentes d’un même individu ?

Ces dernières années, l’émergence de considérations dites « citoyennes » (consommation éthique et responsable, respect des principes d’égalité, lutte contre les discriminations, etc.)  est venue bousculer les habitudes de consommation.

Le « marketing citoyen » est ainsi progressivement apparu comme réponse potentielle aux nouvelles exigences des individus.  71% des Français (+ 4 points vs 2019) disent désormais souhaiter mettre en cohérence leurs choix de consommation à l’avenir de la planète, et 2 Français sur 3 affirment que les entreprises et les marques ne répondent pas à leurs attentes de consommation responsable.

Dans un même temps, le client, mais également l’usager n’a jamais été aussi exigeant, souhaitant à la fois qualité, innovation, proximité et efficacité dans l’exécution des services, tout en recherchant la preuve d’un engagement citoyen de la part des entités en charge d’opérer ces services. Les attentes d’un même individu tantôt citoyen, tantôt usager et client sont-elles conciliables ? De quels leviers disposent les entreprises et acteurs publics pour répondre à ces attentes, parfois paradoxales ? Quels bénéfices tirer d’une meilleure prise en compte de ces enjeux ?

Du paradoxe du consommateur-citoyen vers une réconciliation des différentes facettes de l’individu

En tant que client-consommateur, l’individu s’engage dans des transactions commerciales avec des entreprises, achetant des biens ou des services pour satisfaire ses besoins et ses préférences.

En tant qu’usager, l’individu utilise des services relevant de l’intérêt général (justice, protection civile, sécurité sociale, service public hospitalier, défense nationale, enseignement, transport, etc.) fournis par des acteurs publics et parapublics respectant les grands principes posés par la loi : égalité, équité, adaptabilité et continuité du service.

En tant que citoyen, l’individu exerce ses droits et devoirs au sein d’un système institutionnel et de la vie publique et se positionne également en tant qu’acteur prônant la défense de valeurs collectives et sociales.

Les mutations que connaissent notre société viennent flouter cette distinction historique entre « citoyen », « client » et « usager », imposant aux acteurs économiques et publics de s’adapter. La numérisation de la société crée de nouvelles exigences comme celles d’instantanéité et de personnalisation, et l’apparition d’une « vitalité contemporaine des (…) expressions de la citoyenneté » repositionne au premier rang des priorités citoyennes l’engagement en faveur des causes collectives (lutte contre les inégalités, lutte contre le changement climatique, etc.).

Les individus deviennent à la fois plus exigeants et plus éclairés, les plongeant dans le paradoxe du consommateur-citoyen. C’est donc à l’individu dans son entièreté mais également à la pluralité d’individus dont les attentes peuvent varier en fonction de facteurs tels que la culture, l’âge, le revenu ou l’éducation, que les acteurs économiques et publics doivent s’adresser en proposant des réponses satisfaisant des exigences de différentes natures.

Pourquoi est-il nécessaire pour les entreprises et les acteurs publics de mieux prendre en compte les attentes « multi-facettes » de l’individu client-usager-citoyen ?

Quel est l’intérêt, pour les entreprises, de prendre en compte des considérations citoyennes ?

  • Les entreprises qui s’adaptent aux problématiques RSE augmentent la satisfaction et la fidélisation de leurs clients. 81% des Français seraient prêts à délaisser une marque ou une enseigne s’ils n’étaient plus alignés sur les mêmes valeurs, devenant ainsi des « consom’acteurs » c’est-à-dire « des consommateurs qui se réapproprient l’acte de consommation en faisant usage de leur pouvoir d’achat pour protéger les valeurs et les causes qu’ils défendent».

    Aussi, pour faire rimer solidarité avec fidélité, certaines entreprises mettent en place des logiques propres au marketing citoyen en permettant notamment de convertir des points de fidélité en dons associatifs ou en valorisant les comportements vertueux. À titre d’exemples, l’enseigne JULES qui récompense le recyclage vestimentaire ou encore l’entreprise Fiat qui valorise l’écoconduite.

  • L’engagement des entreprises en faveur d’enjeux sociétaux est par ailleurs un argument de différenciation pouvant aiguiller le choix des clients. Le système de notation de Yuka, plébiscité par les consommateurs, a poussé les acteurs traditionnels à s’adapter, comme le Groupe Casino qui a fait évoluer son application Casino Max pour afficher les informations Nutri-Score des produits disponibles en magasin (même ceux dont l’information n’apparait pas sur le packaging), ou encore Intermarché qui souhaite retravailler la formulation de 6000 produits en MDD en 2025 pour qu’ils soient mieux notés sur Yuka.

  • Ne pas prendre en compte les attentes citoyennes des clients c’est aussi risquer une détérioration de l’image et la réputation de sa marque pouvant aller jusqu’au « badbuzz » voire au boycott. 37% des consommateurs européens ont déjà arrêté d’utiliser une marque suite à la révélation d’un manquement éthique.

    A contrario, s’engager est récompensé par les individus, Nike a ainsi vu en 2018 ses ventes en ligne augmenter de 31% et a obtenu plus 75% de buzz positif le week-end suivant la révélation d’une campagne publicitaire avec Colin Kaepernick, un footballer américain qui avait refusé de se lever pendant l’hymne nationale en protestation aux violences policières et au racisme.

Les bénéfices liés à une meilleure prise en compte des besoins des usagers par les acteurs publics

La capacité à orienter son offre aux besoins des usagers est l’un des défis majeurs des pouvoirs publics, alors même que l’offre de services publics est « de plus en plus en décalage avec les besoins des individus » : phénomène de désertification des territoires ruraux, horaires d’ouverture des services pas toujours adaptés aux modes de vie et de travail des individus, services publics moins accessibles depuis la crise sanitaire (selon 39% des Français).

  • Aussi, en intégrant davantage les nouvelles exigences des usagers (instantanéité de service, proximité, accessibilité des services publics, réactivité, besoin de personnalisation, etc.) certains acteurs publics passent d’un service orienté sur la « demande » à un service « d’offre » pour mieux anticiper les besoins et ainsi mieux y répondre.

    Les opérateurs publics tels que la SNCF, par exemple, propose des réductions et abonnements adaptés aux spécificités des individus  (carte Liberté TGV INOUI, carte avantage Senior, etc.). De même, les administrations développent des services numériques accessibles aux personnes en situation de handicap. De leurs côtés, de plus en plus de collectivités mettent en place des « portail citoyen » permettant d’accéder avec efficacité et réactivité à des services municipaux en ligne tel que le signalement de déchet sur la voie publique.

Comment acteurs publics et entreprises peuvent-ils collectivement mieux prendre en compte les considérations citoyennes ?

Mettre l’innovation au service des grands enjeux citoyens

Les enjeux de décarbonisation ont par exemple conduit l’entreprise Timberland à intégrer de nouveaux matériaux comme du plastique recyclé pour la conception de paires de chaussures ou encore la jeune entreprise Asphalte qui propose un système de précommandes sur l’ensemble de ses produits, adaptant ainsi la production à la demande pour éviter les invendus.

De son côté, l’entreprise Décathlon place l’éco-conception au cœur de son processus d’innovation en adaptant les méthodes de prototypage des produits et de travail des ingénieurs en intégrant les impératifs de décarbonation et en indiquant aux clients les produits « Eco-design ». De même, l’enseigne Leroy Merlin a récemment déployé son « Home Index », indicateur qui évalue l’impact environnemental et social d’un produit tout au long de son cycle de vie, en donnant une note de responsabilité de A à E à chacun de ses produits en marque propre.

À l’inverse, certaines entreprises décident de retirer de la vente des produits et services ayant un fort impact négatif et jugés non essentiels : c’est par exemple le cas de l’enseigne Biocoop qui a décidé d’arrêter la vente de bouteilles d’eau en plastique.

Intégrer l’impact social et environnemental au cœur du mécanisme de création de valeur

Un exemple récent en la matière est la décision du fondateur de l’entreprise Patagonia de dédier les bénéfices réalisés à la lutte contre le changement climatique en déclarant que « La Terre est désormais notre unique actionnaire ». Certaines entreprises revoient leurs modèles d’affaires en passant d’une économie de produit à une économie de la fonctionnalité.

Faire reconnaître son engagement et ses initiatives de transparence

L’obtention de labels tant pour les acteurs publics que privés est un gage de confiance et indice de qualité pour permettre aux organisations d’améliorer leur image. Cela passe notamment par la multiplication des labels pour valoriser les territoires et communes engagés dans la protection de l’environnement (Label Ville verte, Label Commune nature, Label EcoJardin, Label Ecoquartier, etc.), et des labels gage de transparence alimentaire (Nutri-score, Label Rouge, Agriculture Biologique (AB), etc.)

Ecouter la « voix du client » et celle du « citoyen » pour designer des services et des offres adaptés à leurs attentes

L’entreprise Décathlon prend en compte les avis clients pour concevoir ses produits : lorsqu’un produit obtient une note inférieure à 3/5 il est retiré du marché pour l’améliorer. Certaines Civic tech telles que Make.org utilisent également les leviers du marketing citoyen en organisant des participations citoyennes pour des associations, organismes publics, parapublics et entreprises plaçant l’individu à l’épicentre du processus de création de services publics ou services marchands.

Acculturer et engager les collaborateurs des organisations à la prise en compte des engagements citoyens

92% des Français considèrent, que la responsabilité sociétale doit être un sujet important pour les entreprises et 31% estiment qu’il doit s’agir d’un enjeu prioritaire. Pour engager les salariés et attirer les nouveaux talents, les organisations mettent en place notamment des formations sur des composantes « éthiques », des sessions de réalisation de « fresques du climat »,  ou encore consacrent des journées à l’appui de causes associatives.

Conclusion

La convergence des attentes des individus en tant que consommateurs, usagers et citoyens représente un impératif pour les entreprises et les acteurs publics. Une personnalisation collective des offres, une écoute active des besoins, une implication  de tous les collaborateurs ou encore une transparence accrue sont des leviers essentiels pour rester pertinent dans une société de plus en plus traversée par des considérations citoyennes.

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Un article rédigé par

Mathilde D
Mathilde D

Senior Manager

Margaux F
Margaux F

Manager