19/02/20

Maddy Keynote 2020 : le local à l’honneur

Les 30 et 31 janvier derniers, VERTONE était présent à la 5e édition de la Maddy Keynote à Paris, rendez-vous phare autour de l’innovation. Cette année, les acteurs clés de l’écosystème se sont rassemblés pour échanger autour du sujet des « Mutations dans les domaines du Vivant et des Territoires ». Parmi les grands thèmes abordés lors des différentes conférences et tables rondes, notre équipe sur place a identifié une tendance à la revalorisation du local et du « circuit de proximité » dans divers secteurs, comme une réponse aux enjeux environnementaux et sociétaux d’aujourd’hui et de demain.

Qu’est-ce qu’un « circuit de proximité » ?

Terme relevant usuellement du champ de l’agriculture et de l’alimentation, le « circuit de proximité » entend rapprocher producteur et consommateur d’un point de vue géographique, en privilégiant le local et donc en réduisant les distances parcourues. Le fervent défenseur du « Made In France » et co-fondateur de la marque de miel Bleu Blanc Ruche Arnaud Montebourg évoque une tendance de fond en France. D’après lui, les consommateurs rejettent de plus en plus les anciennes habitudes de consommation marquées par la prévalence du prix et de la quantité, au détriment de la qualité et de l’origine du produit.

L’un des signaux de cette nouvelle tendance, c’est l’utilisation de l’application Yuka, qui note les produits en fonction de leurs qualités nutritionnelles, de la présence d’additifs et du caractère bio. Toutefois, Clément Le Fournis, co-fondateur et directeur général de la start-up Agriconomie, un site de e-commerce dédié aux agriculteurs, regrette que Yuka ne donne pas d’indication sur l’origine géographique du produit. Par exemple l’application va davantage valoriser un produit bio provenant d’Espagne, et qui ne répond pas toujours aux normes françaises (d’après lui, 17% des produits bio importés en France ne sont en réalité pas conformes aux normes françaises du bio), qu’un produit local.

Mais comment consommer en circuit court lorsqu’on habite en ville, comme les trois quarts de la population française ? Le développement de l’agriculture urbaine est-il une solution pertinente ? Définie par la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) comme la culture et l’élevage effectués à l’intérieur et aux alentours des villes, l’agriculture urbaine permet de facto aux citadins de produire et de consommer local. Toutefois, d’après Clément Le Fournis, il ne s’agit pas pour autant d’une révolution agricole, ni d’une solution idéale à grande échelle. Ce qu’il faut avant tout, c’est relocaliser la production en France, et être solidaire des agriculteurs français en consommant leurs produits même si le prix est légèrement supérieur à un produit importé.

énergie : bientôt un monde en « court-circuit » ?

Cette tendance à la relocalisation ne s’observe pas uniquement dans l’agroalimentaire, mais également dans le secteur de l’énergie.

Xavier Passemard, directeur Biométhane chez GRDF, explique que le marché du biométhane, gaz vert produit à partir de déchets organiques notamment de fumiers issus de l’élevage, a connu une croissance de +170% en France au cours des 4 dernières années. Ce biogaz présente 3 principaux bénéfices :

  • Tout d’abord, il s’agit d’une énergie renouvelable produite localement, qui se substitue au gaz naturel que l’on importe, et qui peut aussi bien alimenter le réseau de distribution d’électricité que servir de carburant.
  • De plus, il permet de redynamiser des espaces ruraux et de revaloriser le métier d’éleveur, puisque la production de biométhane se présente comme une activité complémentaire, moderne et source de revenus additionnels pour une profession souvent précaire.
  • Enfin, une étude ADEME-GRDF estime que l’injection de biométhane dans le réseau permet une réduction des émissions de gaz à effet de serre à hauteur de 750 000 tonnes d’équivalents CO2 par an en moins en France en 2020.

Hervé-Matthieu Ricour, Directeur général de la Business Unit France BtoC d’ENGIE, constate quant à lui la montée de la décentralisation énergétique et de l’autoconsommation en France. La première s’oppose au système de production énergétique à grande échelle basé sur des centrales thermiques, puisqu’à l’inverse la décentralisation consiste à produire de l’énergie à l’échelle locale à partir de plus petites installations, afin de favoriser l’autonomie énergétique d’une collectivité par exemple. Quant à l’autoconsommation, elle se définit par la production par un individu de l’énergie qu’il va lui-même utiliser pour répondre à ses besoins en électricité. Depuis 2017, ENGIE propose ainsi son offre « My Power » aux propriétaires de maisons individuelles qui souhaitent consommer leur propre production d’électricité issue de panneaux photovoltaïques installés sur leur toit. Le Groupe souhaite aller encore plus loin en créant des communautés énergétiques, permettant de se fournir de l’énergie entre voisins.

Vers une « mobilité 4.0 » plus locale et raisonnée ?

La mise à l’honneur du local est également le fil rouge des 3 mutations qu’observe Éric La Bonnardière, le cofondateur et CEO d’Evaneos, dans le secteur du tourisme :

  • Une prise de conscience environnementale du touriste qui souhaite désormais voyager plus proche de chez lui ou bien plus longtemps s’il voyage loin
  • Un besoin de redonner le pouvoir aux locaux sur leur tourisme
  • La recherche d’une expérience plus authentique et de la découverte du mode de vie local

La première évolution constatée fait écho au sentiment de « honte de l’avion » importé de Suède et qui commence à se répandre en France, chez certains citoyens désireux de limiter leur empreinte carbone pour préserver la planète. Mais pour qu’une mobilité 4.0, plus « lente » et verte, ne se développe, Sophie Chambon-Diallo, directrice du développement durable du Groupe SNCF, Julien Honnart, président et fondateur de la start-up de covoiturage Klaxit, et Elliot Lepers de l’ONG Le Mouvement, identifient 3 axes :

  • Penser autrement sa mobilité : changer ses réflexes en privilégiant des modes moins polluants (vélo, train, transports en commun, covoiturage) plutôt que l’autosolisme (le fait d’être seul dans sa voiture) et l’avion, quitte à réduire les distances parcourues
  • Réduire les coûts du train et du covoiturage : rendre le TGV plus attractif économiquement en comparaison avec l’avion notamment, et inciter au covoiturage avec des politiques de remboursements de trajets comme le propose la Loi d’Orientation des Mobilités avec l’instauration du forfait mobilité durable
  • Mettre en avant les atouts de ces modes de déplacement alternatifs : créer du lien social en partageant un trajet en voiture, retrouver le plaisir de prendre plus son temps et de traverser des régions en empruntant le train

En conclusion, si la valorisation du local dans l’alimentation est un discours de plus en plus commun et auquel les consommateurs sont sensibles, cette tendance ne se limite pas à ce secteur mais s’étend petit à petit à d’autres, notamment à l’énergie, la mobilité et le tourisme. En mettant à l’honneur ces mutations, la Maddy Keynote 2020 fut l’occasion de dresser le portrait d’une société responsable et soucieuse d’avoir un impact positif sur son environnement, à la fois proche et global.

Rédigé par Aude LÉAUSTIC