Panorama des initiatives des acteurs de la Banque et de l’Assurance – Expérience (client) de crise #5
En France, depuis le début de la crise sanitaire, la vie du pays est scandée par des décisions publiques de plus en plus inédites : fermeture des commerces « non essentiels » le 15 mars 2020 à minuit, mise en place du confinement le 17 mars 2020 à midi, renforcement du confinement le 23 mars 2020. Face à cette situation, les acteurs de la banque et de l’assurance prennent les mesures requises à marche rapide et, pour nombre d’entre eux, s’engagent progressivement au-delà de leurs obligations, afin d’accompagner leurs collaborateurs, leurs partenaires business, leurs prospects / clients / sociétaires, ou encore plus largement, la société dans son ensemble.
Comparés à d’autres acteurs économiques, comme des enseignes commerciales, des sites d’e-commerce, des agences de voyages, des associations, des prestataires de services et des administrations qui se sont rapidement manifestés auprès des Français, leurs actions ont toutefois pu, un temps, paraître longues à venir et insuffisantes, notamment s’agissant des assureurs.
Aussi, nous avons souhaité faire le point sur les différents types d’actions entreprises par les acteurs de la place en observant les communications associées. Bien que cet article n’ait pas vocation à donner une vue exhaustive de l’ensemble des multiples initiatives, il permet d’identifier les grandes tendances qui se dégagent : quels types d’actions ? quels objectifs visés ? quelles cibles ? caractère commun ou exceptionnel des mesures prises ?
Si les activités clés des acteurs de la banque et de l’assurance, requises pour assurer leur viabilité, sont appelées à se poursuivre car estimées essentielles par les autorités publiques, certains d’entre eux abordent la crise avec quelques fragilités liées au contexte de taux bas, antérieur à la crise actuelle. Par ailleurs, ces acteurs, notamment dans le secteur assurantiel, sont aujourd’hui impactés par les obligations sanitaires, et possiblement, par la réduction de l’activité économique, la hausse des frais de santé et de prévoyance liée à la pandémie, la recrudescence de certains sinistres comme les vols et / ou les mouvements baissiers des marchés.
Les initiatives des acteurs de la banque et de l’assurance vis-à-vis des différentes parties prenantes
Les actions vis-à-vis des prospects, clients, sociétaires
Les mesures d’urgence
Ils orientent ainsi massivement leurs prospects / clients / sociétaires vers leurs services à distance existants (via le téléphone, les mails, les formulaires…). La MACIF indique, de cette façon, à ses prospects / sociétaires, sur son site internet, les moyens de contact disponibles dans le cadre de la crise sanitaire, tout en prévenant de possibles allongements des traitements des demandes. Ces délais étendus de réponse concernent aussi des acteurs entièrement en ligne, ayant dû adapter leur service client, comme BforBank.
Par ailleurs, les assureurs pratiquant les activités de rapatriement sanitaire et d’assistance ont dû faire face à un défi complémentaire : la continuité de l’activité dans un contexte de hausse sans précédent des demandes. Groupama explique ainsi avoir procédé à 155 rapatriements du 16 mars au 2 avril via sa filiale Mutuaide.
Concernant l’accessibilité des réseaux physiques, des assureurs, et surtout les banques, gardent toutefois des agences ouvertes, en invitant à la responsabilité de chacun pour limiter les rendez-vous en présentiel. La Banque Postale, qui se trouve dans une situation particulière compte tenu de l’activité courrier des bureaux de poste, maintient ainsi encore ouvertes 1 600 agences, mais incite tout de même à la prise de contact par téléphone et avertit du nombre très limité de rendez-vous en présentiel.
D’autres acteurs ont opté pour la fermeture de toutes leurs agences, comme la MAAF. Si Groupama indique également avoir fermé son réseau pour protéger ses collaborateurs, le mutualiste s’attache tout particulièrement à assurer, en plus du maintien de son activité, un haut niveau de proximité. Ainsi, les réseaux commerciaux prennent le temps de contacter les sociétaires dans un objectif purement relationnel et non commercial afin de « prendre de leurs nouvelles et de les guider » dans cette période difficile.
Progressivement, ces acteurs de la banque et de l’assurance intègrent dans leurs activités les impacts du COVID-19 à l’instar de Boursorama, dans le cadre de ses analyses économiques et financières.
Certains rappellent aussi à leurs clients leurs droits dans le cadre des contrats existants. Generali fait par exemple le point sur ce que prévoient ses contrats dans le cadre du COVID-19, via son site internet.
Banques et assureurs, rejoignent également les acteurs économiques des autres secteurs dans le maintien du contact avec leurs prospects / clients / sociétaires, via leurs réseaux sociaux, leur(s) site(s) internet, les espaces clients et des mails prospects / clients / sociétaires ; comme SwissLife France s’affirmant, sur son compte twitter, « mobilisée » et « aux côtés » de ses clients pour toute demande concernant leur(s) contrat(s).
Les mesures additionnelles exceptionnelles
Certains acteurs de la banque et de l’assurance décident, en outre, de prendre des mesures additionnelles exceptionnelles de solidarité pour leurs prospects, clients et sociétaires, avec une attention particulière pour les clients professionnels et entreprises ainsi que pour les plus fragiles, particuliers notamment.
Comme recommandé par les autorités publiques et la profession, AG2R La Mondiale permet à ses clients professionnels de reporter le paiement de leurs cotisations sans suppression de garantie ou mise en place de pénalités.
Malakoff Humanis met à disposition des solutions additionnelles d’accompagnement pour les entreprises, à savoir : une plateforme d’aide juridique, une cellule psychologique et un accompagnement dans le cas du décès d’un salarié.
Les Caisses d’Epargne mettent quant à elles en place un ensemble de facilités à destination de leurs clients entreprises dont l’activité est touchée par la crise sanitaire : nouvelle ligne de crédit court terme, report automatique et sans frais des 6 prochaines échéances dans le cadre d’un prêt long ou moyen terme, suspension automatique des prélèvements de loyer dans le cadre d’un crédit-bail mobilier ou immobilier, possibilité de reports de loyers dans le cadre de la location longue durée.
De son côté, et non sans polémiques, la MAIF prévoit le remboursement de ses sociétaires à hauteur de 100 millions d’euros en raison de la baisse des accidents automobiles du fait du confinement, laissant à ces derniers le choix entre percevoir la somme proposée ou la reverser à trois associations qui œuvrent particulièrement pendant la pandémie (la Fondation des Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, l’Institut Pasteur et le Secours Populaire).
Pour sa part, Generali a lancé une nouvelle offre pour les entreprises, « Generali COVID protection salariés », consistant en un « ensemble de garanties et services pour accompagner les salariés d’entreprises à travers l’épreuve de la maladie », à but non lucratif, les éventuels bénéfices devant être reversés à des associations partenaires de l’assureur et impactées par le COVID-19.
Les actions vis-à-vis des collaborateurs
Les mesures d’urgence
Certains de ces acteurs mettent effectivement en œuvre les mesures d’urgence s’imposant pour leurs salariés, notamment en matière de sécurité.
BPCE fait d’ailleurs de la sécurité de ses collaborateurs une priorité. Les banques et les assureurs ont basculé leurs salariés en télétravail, autant que possible et progressivement lorsqu’ils n’y étaient pas suffisamment préparés, à tout le moins à aussi grande échelle.
La MACIF a ainsi peu à peu équipé ses salariés du matériel requis pour le télétravail en commençant par ses centres d’appels et de gestion.
Ils aménagent aussi leurs modalités de recrutement. LCL a par exemple annoncé avoir revu son organisation pour faciliter les recrutements à distance via son compte Twitter.
Les mesures additionnelles exceptionnelles
Des banques et des assureurs, font aussi le choix de l’instauration de mesures additionnelles exceptionnelles pour témoigner leur reconnaissance à leurs salariés pour leur investissement dans leur travail dans un contexte de crise sanitaire.
BPCE a ainsi adressé publiquement, sur son compte LinkedIn, ses remerciements à ses équipes. MMA a exprimé, également sur son compte twitter, sa fierté à l’égard de ses salariés mobilisés.
Aviva a pour sa part, mis en place des mesures d’allègement de travail pour ses collaborateurs ayant des enfants. Le Crédit Mutuel Alliance Fédérale, regroupant 13 des 19 fédérations de Crédit Mutuel et le CIC, prévoit, quant à lui, de faire bénéficier ses salariés d’une « prime de mobilisation ».
Les actions vis-à-vis des partenaires
Les banques et les assureurs adaptent, de plus, leurs relations avec leurs partenaires.
Les acteurs des secteurs de la banque et de l’assurance prennent les mesures d’urgence s’imposant pour leurs partenaires, en particulier en matière de sécurité.
Certains d’entre eux vont plus loin ; Ils mettent en œuvre les recommandations des autorités publiques d’accélérer le paiement des sommes dues aux fournisseurs et autres prestataires, mais aussi alimentent ces derniers en missions, pour l’avenir, à l’image de la MAIF.
Les initiatives plus larges dans la lutte contre le COVID-19
Acteurs économiques de poids et à la clientèle étendue, les banques et les assureurs entendent assumer autant que possible leur responsabilité sociétale en s’investissant plus largement, directement dans la lutte contre le COVID-19, aux côtés des autorités publiques, pour le système et les personnels de santé, la recherche, et l’ensemble des Français.
Relais et soutien des autorités publiques
Les acteurs de la banque et de l’assurance partagent, notamment sur leurs réseaux sociaux, les consignes et alertes des autorités publiques. Le Crédit Mutuel a ainsi incité les Français à respecter les mesures de sécurité et promu, dans ce cadre, sur son site internet, l’usage du paiement sans contact dès que possible. GMF a mis en avant sur son compte twitter le « réflexe téléconsultation », en l’absence d’urgence. BNP Paribas et le Crédit Agricole appuient les autorités publiques dans leur rappel des risques de phishing en lien avec le COVID-19.
Groupama contribue également, adoptant une stratégie globale de prévention des risques via sa rubrique « COVID : Information de dernière minute » en mettant en garde contre l’ensemble des risques accrus en cette période : cyberattaques, faux e-mails, mais également, incendies d’origine électrique.
Certains acteurs mettent en œuvre la politique d’urgence économique. En effet, les acteurs bancaires assurent notamment le déploiement du prêt garanti par l’Etat auprès des entreprises.
Des banques et des assureurs appuient les appels à la solidarité des autorités publiques. Covéa a, en particulier, partagé l’appel à « la mobilisation générale des solidarités » du gouvernement sur son compte twitter. De plus, les membres de la Fédération Française de l’Assurance (FFA) se sont ralliés au fonds de solidarité mis en place par les autorités publiques en faveur des très petites entreprises (TPE) et des indépendants, des secteurs particulièrement touchés par les conséquences économiques, financières et sociales du virus COVID-19, en décidant d’y contribuer à hauteur de 200 millions d’euros.
Autres actions de soutien
Les banques et les assureurs vont au-delà de ce rôle de relai, avec des initiatives prises au niveau de la profession (des fédérations françaises, bancaires et de l’assurance, notamment) ou à titre individuel, avec l’appui bien souvent de leurs réseaux de partenaires et de leurs offres de services extra bancaires et assurantiels existantes.
Soutien au système, aux personnels de santé et à la recherche dans la lutte contre le COVID-19
Des banques et des assureurs soutiennent, de fait, le système et les personnels de santé ainsi que la recherche dans la lutte contre le COVID-19. Ils participent, pour une partie d’entre eux, au soin des Français atteints du COVID-19. Des hôpitaux et cliniques mutualistes, comme l’Institut Mutualiste Montsouris à Paris, se sont ainsi mis en ordre de marche pour prendre en charge des patients atteints du COVID-19. Le centre de santé Square de la Mutualité du groupe Matmut a notamment été réorganisé pour être dédié à la gestion du COVID-19.
Ils réalisent des dons à destination des acteurs de la santé, en s’appuyant, notamment, côté assurance, pour le matériel, sur les ressources des assisteurs. Generali, avec ses filiales, a, pour sa part, donné 3 millions d’euros, pour répondre à des besoins en équipements d’urgence des 38 hôpitaux publics en première ligne sur la prise en charge des patients atteints du COVID-19 en métropole et outre-mer, son surplus de masques (plus de 10 000) au centre hospitalier de Saint-Denis, mis à disposition des pouvoirs publics 15 appartements vacants à Paris, pour loger les personnels soignants appelés à travailler en Île-de-France, et, en tant qu’assisteur, a confié 10 respirateurs pour le personnel soignant des hôpitaux franciliens, et prêté des bouteilles d’oxygène pour faciliter le transport vers des régions moins touchées des patients affectés par le COVID-19.
Ils ont également pu contribuer à la recherche. La Caisse d’Epargne Provence Alpes Corse (CEPAC) a, par exemple, donné 200 000 euros à l’Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) Méditerranée Infection, acteur du territoire dans les domaines de la recherche, du dépistage et des soins.
Ils adoptent également des mesures pour soutenir les personnels de santé dans leur quotidien personnel et familial. La Mutuelle Nationale des Hospitaliers (MNH) a ainsi mis en place pour ces derniers une solution de garde d’enfants en dehors des heures d’accueil typiques, avec la start-up Gens de Confiance.
Préservation des finances publiques et de l’économie française
Des banques et des assureurs font, par ailleurs, le choix de préserver les finances publiques et l’économie française. Certaines banques et certains assureurs ont en effet opté pour un renoncement au report de l’impôt sur les sociétés et / ou de charges sociales ainsi qu’au chômage partiel afin de limiter la dégradation des finances publiques dans le contexte du COVID-19, à l’instar de la Société Générale.
Certains ont de surcroît pris l’initiative de reporter des restructurations défavorables à l’emploi. Des acteurs ont en outre renoncé au versement de dividendes afin de renforcer leur ratio de solvabilité, comme CNP Assurances qui a proposé « l’affectation de l’intégralité du résultat de l’année 2019 en report à nouveau », possible alternative à une hausse des cotisations pour les Français par exemple.
Un accompagnement de l’ensemble des Français au quotidien dans leur confinement
Les acteurs des secteurs de la banque et de l’assurance aident les Français à s’informer dans le contexte de la crise sanitaire, comme la MAIF qui s’est engagée contre la manipulation de l’opinion via la diffusion de « fake news », ou encore le groupe Vyv qui a mis à disposition une plateforme regroupant notamment des informations médicales.
Ils apportent aussi leur aide pour un bon déroulement de la vie de tous les jours, notamment en œuvrant à rompre l’isolement et à entretenir la solidarité entre les Français. Avec le hashtag #ChezSoiMaisEnsemble Allianz maintient ainsi un lien au quotidien sur les réseaux sociaux. Le groupe Aésio a, pour sa part, alerté sur les dangers des écrans pour les enfants. Groupama a, de son côté, assuré de son soutien la plateforme d’entraide entre voisins prêts à se rendre service « Allovoisins » et apporte des conseils pour identifier des producteurs locaux avec sa plateforme granvillage. Par le biais de la filiale de la Banque Postale KissKiss BankBank, Ma French Bank a permis la mise en place de dons de paniers solidaires pour accompagner les personnes les plus touchées. Ces paniers contiennent des produits de première nécessité pour répondre aux besoins des bénéficiaires pour 3 ou 4 jours.
Certains acteurs vont parfois encore plus loin, avec une proposition de soutien psychologique pour les Français. Axa a, de cette façon, rappelé l’existence de son service AXA Entraide, un numéro d’aide ouvert à tous pour un soutien psychologique gratuit par téléphone.
Les acteurs de la banque et de l’assurance ne peuvent outrepasser les ressources disponibles ni leur champ de responsabilités
Très attendus, mais tenus par des contraintes fortes de solvabilité, leur objet social et leurs prérogatives, les banques et les assureurs n’ont pu se présenter comme solutions à toutes les pertes des Français liées au confinement. En effet, les acteurs de l’assurance ne peuvent endosser à eux seuls une pandémie car un tel événement se situe hors de leur portée.
Les principes de fonctionnement de l’assurance limitent a priori les actions des acteurs de l’assurance face à une pandémie. L’assurance repose sur la mutualisation, laquelle fonctionne lorsque les primes, du plus grand nombre non touché par un sinistre, permettent d’indemniser ceux subissant ce sinistre ; or, une pandémie est susceptible de toucher tout le monde en même temps.
Une couverture rétroactive du risque de pandémie non inclus dans les contrats dégraderait, de plus, à première vue, les ratios de solvabilité des acteurs de l’assurance. Par ailleurs, les autorités publiques européennes de l’assurance ont indiqué qu’« obliger les assureurs à couvrir rétroactivement des risques non couverts dans leurs contrats exposerait le secteur à des risques d’insolvabilité qui fragiliseraient la protection des assurés, la stabilité des marchés, et aggraverait in fine la crise actuelle ».
Vers un régime de type assurantiel permettant de couvrir les catastrophes sanitaires ?
Des acteurs du secteur de l’assurance ont néanmoins manifesté leur volonté de contribuer à la réflexion sur un régime de type assurantiel permettant de couvrir des catastrophes sanitaires, pour l’avenir. La FFA a ainsi lancé une réflexion sur un tel régime, en vue de faire des propositions aux autorités publiques. Sa présidente a d’emblée indiqué que les assureurs ne pourront couvrir seuls des catastrophes sanitaires et que, par conséquent, un partenariat avec l’Etat sera nécessaire, en cas de mise en place d’un régime de type assurantiel couvrant les catastrophes sanitaires. D’après Le Monde, le PDG d’Axa a quant à lui indiqué réfléchir à un régime d’assurance pandémie « inspiré de celui qui existe déjà pour les catastrophes naturelles », s’appuyant à 50% sur la puissance publique, à 50% sur un pool d’assureurs privés.
Force est de constater que les actions prises par les acteurs de la place sont à date nombreuses et variées, et sources de polémiques pour certaines d’entre elles. Elles demandent à être suivies, le contexte de crise évoluant rapidement et les influences réciproques appelant des mouvements de la part des différents acteurs de la place.
Un article rédigé par Laurence Boivin et Lina Hayane
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