22/04/20

Comment la SNCF transforme son expérience client pendant la crise du COVID-19 – Expérience (client) de crise #8

Avec sa nouvelle série “Expérience (client) de crise”, VERTONE décrypte les actions mises en place par les entreprises pour faire évoluer leur Expérience Client et l’adapter au contexte de la crise que nous traversons.

L’IMPACT DE LA CRISE SUR le secteur du transport ferroviaire

Etant donné que seuls les déplacements dérogatoires sont autorisés, le secteur du transport de voyageurs est très impacté par la crise du COVID tandis que la période était propice à une belle activité (i.e. vacances scolaires et weekends prolongés).

Les déplacements ont diminué de près de 80% en France depuis le début de confinement : la fréquentation a baissé de 90% sur l’ensemble des plus grandes gares et de 80% pour les aéroports. Désormais, ce sont les zones hospitalières qui sont les plus fréquentées, au détriment des gares et des lieux de loisirs.

La reprise du trafic longue distance s’annonce compliquée et ne pourra se faire que progressivement à l’issue du confinement. Fortement liée au secteur du tourisme de loisirs et du tourisme d’affaire, l’activité pourrait ne reprendre qu’à partir de la rentrée 2020 selon les scénarios les plus probables, et ne retrouver un niveau normal que l’an prochain.

Néanmoins, cette crise peut aussi représenter une opportunité pour le transport ferroviaire, en raison de la fermeture de l’espace Schengen jusqu’à nouvel ordre d’un côté et de l’autre, de la volonté des Français de « soutenir l’économie locale et privilégier la France » (d’après l’enquête API&You), qui favorisera les déplacements sur le territoire français.

LES ACTIONS MISES EN PLACE PAR la SNCF

L’activité du Groupe SNCF est quasiment à l’arrêt, avec un plan de transport très réduit et des services annexes suspendus (assistance en gare, salons…). Son offre reste néanmoins adaptée à la situation :  

  • Peu de trains de longue distance circulent, les trains OUIGO et Lyria ont été supprimés, 7% de l’offre TGV Inouï et Intercités est maintenue. Pour les trains de Thalys et Eurostar qui assurent des liaisons avec l’étranger, seul un train par jour circule et les TGV Lyria sont à l’arrêt.
  • Les trains de courte distance sont maintenus à environ 25% pour les Transiliens et 18% pour les TER. Leur fréquence a été adaptée aux rythmes des travailleurs, notamment pour permettre une meilleure desserte des hôpitaux.

Pour garantir la meilleure expérience client, SNCF Voyageurs n’a pas hésité à faire évoluer son offre et son organisation.

Tout d’abord en mettant rapidement en place des mesures flexibles pour les clients avant même l’annonce officielle du confinement : dès le 9 mars, la suppression des frais d’échange et le remboursement sur les InOuï, Intercités et TER et ce jusqu’au 24 juin. Les abonnements annuels et TGV Max sont gratuits sur le mois d’avril et les points du programme de fidélité Voyageur prolongés.

Cette politique représente un réel geste commercial puisque ces mesures vont au-delà de la réglementation de la commission européenne. En effet, si l’annulation n’est pas du fait du transporteur, il n’est en théorie pas dans l’obligation de rembourser mais seulement d’émettre un avoir.

De plus, les trajets TGV InOuï et Intercités sont gratuits pour les membres du corps médical et paramédical qui répondent à des appels volontaires pour intervenir dans d’autres régions que celles où ils habitent. Pour permettre cette continuité d’activité, la SNCF communique sur les conditions d’hygiène, qui ont été renforcées grâce au personnel supplémentaire recruté.

Ensuite, la SNCF a fait preuve de solidarité nationale avec une multitude de projets (stocks de restauration donnés aux Restos du Cœur, dons de couettes au SAMU, etc.) et a organisé le transfert de malades à bord de trains médicalisés, nécessitant 48 heures de préparation et la mobilisation de 200 cheminots.

Enfin, pour maintenir le lien avec sa clientèle dans une telle situation, la SNCF propose à ses clients confinés chez eux, du contenu expérientiel pour susciter le goût du voyage. Ainsi, sa bibliothèque digitale, initialement prévue pour les voyages en train, offre près de 6.000 ouvrages à lire en format numérique, ainsi qu’une petite vingtaine au format audio lus par « Simone », la voix emblématique des messages SNCF en gare.

ET DU CÔTÉ DES CONCURRENTS ?

Les entreprises ferroviaires européennes maintiennent toutes une partie de l’offre pour assurer un service minimal et proposent des initiatives similaires à la SNCF :

  • Dès fin février, Trenitalia, le transporteur italien a mis en place des distributeurs de gels hydroalcooliques dans ses trains, instauré le remboursement des voyages annulés dû au confinement, et offert les voyages aux médecins et infirmières mobilisés.
  • Outre Rhin, la Deutsche Bahn qui a vu sa fréquentation chuter de 85%, recommande fortement l’utilisation de masques à bord des trains. Elle laisse la possibilité d’utiliser jusqu’au 30 juin les billets achetés entre le 13 mars et le 30 avril. Elle permet également aux rapatriés d’utiliser leur carte d’embarquement et aux détenteurs de billets de son concurrent low cost Flixtrain, qui n’est plus en circulation, comme titre de transport.
  • En Espagne, 30% de l’offre est maintenue par la Renfe et seuls les billets achetés le 9 avril et utilisable entre le 12 et 24 avril sont entièrement remboursés.

Des lancements d’offre sont également retardés : ainsi, « Avlo » le TGV low cost de la Renfe est reporté jusqu’à nouvel ordre, alors qu’environ 200.000 billets avaient déjà été vendus pour son lancement le 6 avril. De son côté, SNCF a signé le 11 avril le lancement des TGV OUIGO sur le réseau espagnol pour le mois de décembre, une offre qui concurrence directement Avlo.

Avec l’ouverture à la concurrence du marché ferroviaire grande vitesse prévue pour décembre 2020, au moins trois opérateurs étrangers envisageaient de pénétrer le marché français : Renfe, Trenitalia(avec sa marque Thello), et Flixbus. Ce dernier a d’ores et déjà annoncé qu’il renonce finalement au déploiement de ses trains Flixtrain dès début 2021.

Un rendez-vous crucial pour sa notoriété

Déjà affaiblie par les grèves fin 2019 (qui lui ont fait perdre 690 millions d’euros de manque à gagner), la quasi-mise à l’arrêt des trains de la SNCF pourrait lui faire perdre 30% de chiffre d’affaires en 2020. Par ailleurs, outre les grèves, les retards accumulés depuis longtemps sur les courtes distances et l’opacité perçue de sa politique tarifaire, ont contribué à dégrader la satisfaction client, comme en témoigne le Cactus d’or octroyé en décembre dernier par l’association 60 millions de consommateurs.

Cette période est alors cruciale pour le Groupe qui doit faire face à de nombreux enjeux. S’il est trop tôt pour mesurer objectivement un gain de satisfaction, les nombreux témoignages sur les réseaux sociaux montrent que la réponse apportée par la SNCF, et notamment la rapidité des remboursements, est appréciée.

Avec le déconfinement progressif débutant le 11 mai, l’entreprise doit tout mettre en œuvre pour engager les Français à reprendre les transports publics (voir l’article VERTONE sur l’impact de la crise sanitaire sur le secteur de la mobilité)

Lors de la remise en service, prévue à hauteur de 10 à 20% de l’offre TGV et 50% pour les trains de courte distance, de nouveaux dispositifs et mesures sanitaires en gare et à bord du train seront à adopter. Il faudra notamment filtrer les passagers en gare, distribuer du gel hydroalcoolique, et rendre le port du masque obligatoire, tel que prôné par son PDG Jean-Pierre Farandou,.

Selon le calendrier de déconfinement, la fermeture de l’espace Schengen, le découragement des vacances à l’étranger et la période estivale pourront constituer une réelle opportunité pour la SNCF pour fidéliser ses clients et en conquérir de nouveaux en vue de l’ouverture prochaine à la concurrence.

A noter également que cette crise aura permis au ferroviaire de se démarquer davantage du secteur aérien, et s’affirmer comme une solution d’avenir notamment pour faire face aux enjeux climatiques.

Une série proposée par Raphaël Butruille, Raphaëlle Brunois et Léna Diascorn, un article rédigé avec l’aide de Pierre-Olivier Bertrand.

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Lisez les autres articles de la série :

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