COVID-19 : Réelle inflation des prix ou « simple » perception client ?
Depuis le début du confinement en France, les consommateurs ont le sentiment que les prix ont augmenté (près de 9 Français sur 10 selon une étude Bonial). Certains vont même jusqu’à partager leurs tickets de caisse sur les réseaux sociaux, montrant ainsi des différences de prix importantes sur un même produit avant et post crise du COVID-19 (Les magasin E.Leclerc ayant d’ailleurs précisé que cela provenait d’erreurs en caisse).
Alors quel est le vrai du faux ? Y-a-t-il réellement eu une forte inflation des prix dans les grandes surfaces alimentaires durant cette période de confinement ?
En fait oui et non à la fois. Ce qui est sûr c’est que les Français ont dépensé davantage qu’à l’accoutumée et plusieurs raisons expliquent cela.
Une forte augmentation du panier de course
Confinement oblige, nos habitudes pour nous restaurer ont changé. Alors que nous déjeunions habituellement à l’extérieur, dans des restaurants d’entreprises, des restaurants autour de notre lieu de travail, que nous nous faisions livrer ou que nous achetions à emporter dans des enseignes de restauration rapide et que nos enfants eux déjeunaient à la cantine de leur école, nous nous sommes retrouvés du jour au lendemain à faire un repas de plus chez nous.
De fait, nous avons dû faire des courses plus conséquentes (et je ne parle pas de ceux qui se sont rués sur la farine et le papier toilette les premiers jours du confinement au cas où la guerre annoncée par Emmanuel Macron allait mettre en risque nos approvisionnements en biens de premières nécessités…).
Et c’est bien le panier qui a augmenté de +60 à 80% selon les semaines de confinement, (source IRI), la fréquence quant à elle subissant une diminution de -30 à -50%. Cela peut en effet paraître logique, le confinement ayant pour but de limiter les déplacements, cela nous a donc conduit à faire moins souvent les courses mais à acheter beaucoup plus à chaque fois.
Des reports sur de nouveaux produits et de nouvelles marques
Les pénuries ou en tous cas les ruptures de stock sur des produits de première nécessité ont été fortes pendant les premières semaines de confinement et continuent encore de perdurer dans certains magasins.
Ces pénuries ont conduit nombre d’entre nous à se reporter par défaut sur de nouvelles marques ou sur des produits de gammes supérieures souvent plus chers.
Par exemple, davantage de produits bio ont été consommés, probablement plus par défaut que par véritable choix de changer d’alimentation (source : IRI vision actualité Bio).
Autre exemple, les fruits et légumes. Les frontières étant toutes fermées à l’échelle internationale, les importations de fruits et légumes sont plus difficiles, ce qui engendre des pénuries sur ces produits et a conduit les Français à se rabattre sur des fruits & légumes « made in France » souvent sensiblement plus chers.
Des changements d’enseignes et notamment de types de circuit
Le confinement nous a souvent obligé à délaisser notre hyper qui se trouvait à plus d’un kilomètre de chez nous. Par conséquent, nous nous sommes rabattus sur les commerces de proximités (primeurs, petits commerçants) ou sur les petits formats (de type Express) que nous avions habitude de fréquenter pour nos courses d’appoint, avec un positionnement prix souvent plus élevé que les hypers et les supers. Ainsi en quelques semaines, ces petits commerces ainsi que le drive (lorsqu’il fonctionnait…) sont devenus nos magasins préférés pour faire nos courses de la semaine, notre porte-monnaie en a donc pris un coup !
Une diminution des promotions
Comme vous l’aurez surement remarqué, plus de prospectus dans nos boîtes aux lettres, des prospectus en ligne bien plus maigres qu’à l’accoutumée (le prospectus Carrefour de la semaine du 20 avril faisait 20 pages au lieu des 40 habituelles), les étalages et rayons habituellement réservés aux promotions ont été remplacés par des produits de première nécessité… Bref, fini les possibilités d’optimiser nos achats en cette période de confinement et les consommateurs ont dû peut être pour la première fois depuis longtemps, payer leur course plein tarif !
Une inflation négative au globale mais des augmentations de prix sur certains produits
Quel que soit la source (KANTAR, IRI), les panélistes sont formels, au global, l’inflation a été négative sur la période du confinement, à hauteur de -0,15%. Pourtant le ressenti de 9 Français sur 10 d’avoir subi une hausse de prix forcée est bien présent. Et au-delà des éléments précédents démontrant les raisons de l’augmentation du panier de course, les Français ont bel et bien raison : certains produits ont subi une hausse, voire une forte hausse depuis le début de la crise COVID-19. L’illustration KANTAR ci-dessous ne laisse pas libre court à interprétation et permet d’identifier les produits ayant subi ces hausses : on y note +23% sur le Lait infantile, +16% sur la Javel ou encore +8% sur l’hygiène féminine, à savoir des produits de première nécessité qui ont fait face à de fortes pénuries et dont les coûts de réapprovisionnement ont donc grimpé en flèche.
Quels impacts sur la consommation demain ?
Cette augmentation du panier pour les Français, même si elle n’est pas directement liée à une inflation des prix, aura un impact certain sur le futur de la consommation en France. Associée à une baisse du pouvoir d’achat malheureusement inévitable, due aux diminutions de salaires à la suite des mises en activité partielle de près de 8 millions de salariés (à fin avril 2020) et à l’augmentation du nombre de demandeurs d’emplois (+7% en mars 2020), il est clair que les Français vont devoir revoir leur habitude de consommation et leurs priorités.
Pour les enseignes de distribution alimentaire, l’avenir semble incertain. Nombre d’enseignes et de marques estiment devoir « rendre » en 2021 l’excédent de chiffre d’affaires réalisé durant le confinement.
La guerre des prix semble donc inévitable et le facteur prix devrait rester encore pour longtemps, le facteur prioritaire de choix d’une enseigne pour les consommateurs.
La question est alors de savoir quels seront les autres facteurs.
Avant la crise, le manger-sain, manger local et la consommation responsable étaient des tendances de fond (avec une forte croissance de la consommation de produits bio sur les dernières années). De même pour la tendance de consommation en commerce de proximité. Ces tendances résisteront-elles à la baisse du pouvoir d’achat ?
Par ailleurs, les changements de modes de consommation pendant la période de confinement liés à la découverte de nouvelles enseignes et de nouveaux canaux de distribution (80% de la croissance du e-commerce alimentaire “généraliste” reste réalisée par le drive, source Nielsen) perdureront-ils dans le temps ? Cela dépendra en partie de la qualité de service et de l’expérience proposée par ces enseignes, des leviers de fidélisation activés ainsi que de la bonne prise en compte et mise en place des mesures sanitaires.
Ainsi, demain, la crise sanitaire et économique qui s’installera probablement de manière durable dans le pays, devrait conduire les consommateurs à privilégier les enseignes alliant forte maturité digitale, forte accessibilité et bon positionnement prix.
Article rédigé par Pierre Brun