19/05/20

Les 4 nouveaux enjeux et opportunités des bailleurs sociaux

En 2018, près de 2 millions de ménages étaient en demande d’un logement social en France… 12% de plus qu’en 2015 d’après l’USH (Union sociale pour l’habitat). La demande de logements sociaux ne cesse d’augmenter, alimentée par le faible niveau de vie des Français les plus modestes, couplée à la faible mobilité des habitants du parc social.

Dans ce contexte de dynamisme de la demande, les bailleurs sociaux sont aujourd’hui confrontés au défi de la construction… mais également à une profonde remise en question de leur modèle économique et d’activité. Effectivement, de récentes évolutions réglementaires, sociétales et technologiques viennent bousculer l’écosystème du logement social, poussant les bailleurs à se réinventer pour maintenir leur capacité d’investissement et continuer à répondre aux attentes des collectivités territoriales et de la population.

VERTONE a tenté de comprendre les principales mutations qui impactent aujourd’hui les bailleurs sociaux et vous présente quelques bonnes pratiques d’innovation dans le domaine de la vente et du marketing pour répondre à chacun de ces nouveaux enjeux.

Enjeu #1 : L’évolution récente du cadre réglementaire CHALLENGE L’ORGANISATION DU MARCHÉ ET FRAGILISE LES MODÈLES ÉCONOMIQUES DES BAILLEURS SOCIAUX

La loi ELAN (2018) contraint les bailleurs sociaux gérant moins de 12 000 logements à se regrouper d’ici le 1er janvier 2021 et à mutualiser sous une marque commune certaines compétences liées à leurs stratégies patrimoniales, financières, d’achats et de communication. Un enjeu de taille, puisqu’en 2018 près de 78% des bailleurs géraient moins de 12 000 logements ! (d’après Les HLM en chiffres 2019, USH).

Ce mouvement de concentration du marché intervient alors que les bailleurs sociaux doivent, plus que jamais, maitriser leurs coûts. En effet, la loi de finance 2018, instaure la réduction de loyer de solidarité (RLS) venant compenser, pour les locataires du parc social, la diminution de l’aide personnalisée au logement (APL). Cette baisse des recettes s’accompagne également d’une remise en question du taux de TVA réduit accordé aux acteurs du secteur, fragilisant encore le modèle de rentabilité des bailleurs sociaux.

Sécuriser les recettes, notamment en luttant contre les impayés et la vacance locative, maîtriser les coûts et développer de nouveaux relais de croissance devient donc indispensable aux bailleurs pour maintenir leur capacité d’investissement et d’auto-financement.

Opportunité #1 : La vente de logements HLM, afin de préserver la capacité d’investissement

C’est effectivement ce que propose la loi ELAN, qui ambitionne de multiplier par 5 les ventes HLM en facilitant les modalités de mises en vente, notamment par la fixation autonome des prix. Ce levier reste néanmoins peu activé par les bailleurs qui ont des difficultés à appréhender et à structurer cette nouvelle activité. De nombreuses questions se posent : Comment organiser ma politique de vente et de distribution ? Quelles sont les spécificités de la cible d’acheteurs parfois différente de la cible traditionnelle des locataires HLM ? Comment assurer la montée en compétence de mes équipes ? Quels objectifs et quelle feuille de route se fixer ? …

Certains bailleurs semblent cependant avoir commencé à structurer une politique de vente, à l’instar de CDC Habitat Social qui propose de nombreux outils d’accompagnement à destination des prospects (fiches conseils, articles et simulateur de la capacité d’endettement …) ou Domanys qui offre les « frais de notaire »à ses acheteurs pour booster l’activité sur certaines périodes commerciales.

Enjeu #2 : La paupérisation des locataires ASSOIT LA MISSION SOCIALE DES BAILLEURS ET RENFORCE LES ENJEUX DE LUTTE CONTRE LE DÉCROCHAGE

Le revenu moyen des locataires du parc social est en baisse constante depuis 1984 et baisse plus fortement que celui des locataires du privé. Cette fragilisation croissante des revenus des ménages du parc HLM se traduit, entre autres, par des difficultés et des retards de paiement pour près d’1 ménage sur 5 (d’après Impayés et prévention des expulsions 2018, USH ).

Les bailleurs sociaux, confrontés à la précarité de leurs locataires, recherchent des réponses adaptées aux enjeux sociaux du parc et développent des dispositifs d’alerte et de prévention pour identifier les situations critiques et éviter le décrochage. Ces dispositifs passent par l’identification amont des situations à risques, notamment par une présence terrain renforcée ; puis par la mise en place d’une assistance personnalisée lorsque les difficultés sont avérées (reports de loyers, accès facilité au crédit, accompagnement par des associations locales…). Un exemple de cette capacité de réactivité et d’accompagnement des situations les plus critiques : dans le cadre de la crise du COVID 19, de nombreux bailleurs ont permis à leurs locataires les plus impactés de suspendre et de reporter le paiement des loyers pendant la durée du confinement.

Opportunité #2 : Un programme relationnel qui récompense financièrement les comportements positifs des locataires, un levier innovant pour soutenir le pouvoir d’achat tout en promouvant la cohésion sociale ?

Haute-Savoie HABITAT a développé le programme « Privi’Loc » qui valorise l’investissement actif des locataires dans la vie de leur immeuble via un système de cumul de points. Les locataires membres peuvent, par exemple, remporter des points en participant à une fête de quartier, en relevant leur compteur, ou en dématérialisant leur facture mensuelle… Les membres ont ensuite la possibilité d’échanger leurs points contre des prestations proposées par Haute-Savoie HABITAT (réalisation de doubles de clés, travaux de rénovation au sein du logement…) ou contre des réductions de loyers. Le programme donne également accès à des avantages négociés auprès de commerces de proximité afin de promouvoir et de développer le tissu économique local.

Enjeu #3 : Les mutations sociétales (vieillissement, nouvelles structures familiales…) CRÉENT DE NOUVEAUX BESOINS ET POUSSENT LES BAILLEURS À INNOVER ET À ADOPTER UNE APPROCHE MARKETING CIBLÉE.

3 cibles se distinguent comme particulièrement stratégiques pour les bailleurs sociaux, en complément des personnes qui veulent seules : les séniors, les jeunes actifs et les familles monoparentales.

Les seniors de plus de 75 ans représentaient en 2012, 11% des occupants du parc social (d’après Vieillissement et sénior – Fiche thématique, USH ) et ce chiffre devrait encore augmenter dans les années à venir avec le vieillissement global de la population. Les bailleurs sociaux développent donc de nouveaux modèles de logements et des services adaptés à la cible senior et à ses besoins : maintien à domicile, lutte contre l’isolement… Le bailleur Patrimoine SA Languedocienne a, par exemple, lancé récemment un nouveau concept de colocation entre seniors. Les occupants partagent un même logement et bénéficient de l’intervention régulière d’un animateur social qui assure la médiation entre les colocataires et organise des sorties et animations.

Les jeunes actifs représentent une autre cible importante pour les bailleurs puisque 67 % des jeunes indiquaient avoir des difficultés à trouver un logement, notamment en raison d’un loyer trop élevé en 2018 (d’après Le logement et les jeunes, entre difficultés et opportunités, 2018, CDC Habitat ). L’Etat a récemment mobilisé les bailleurs sociaux sur le sujet, notamment dans le cadre de la Loi ELAN qui fixe des objectifs de production ambitieux avec plus de 20 000 nouveaux logements réservés aux jeunes actifs d’ici 2022. Les bailleurs se sont emparés du sujet et sont nombreux à avoir développé une offre réservée aux jeunes actifs, à l’instar de Domanys avec son offre « Loc’izy » de logements en colocation (ou non) équipés et meublés.

Enfin, le parc social est marqué par une sur-représentation des familles monoparentales qui en font une autre cible spécifique pour les bailleurs. Les familles monoparentales représentent 21% des locataires du parc social, soit près du double vs le parc de locataires du privé (Les HLM en chiffres 2019, USH ). Les bailleurs sociaux semblent aujourd’hui adapter leurs constructions pour proposer des logements de taille réduite adaptés à ces familles ; ils pourront demain imaginer des services dédiés à cette cible particulièrement sujette à la précarité (accompagnement à l’insertion, aide aux devoirs, garde d’enfants…).

Opportunité #3 : La mise en place d’une Direction de l’innovation et le développement des relations avec l’écosystème start-ups, un accélérateur pour innover et construire de nouvelles offres

De nombreux bailleurs font de l’innovation un enjeu clé de développement sur les années à venir et structurent d’ores et déjà des entités et des process dédiés à la l’identification de nouvelles opportunités de croissance. Ainsi, 40% des bailleurs ont aujourd’hui nommé un Directeur de l’innovation (d’après Baromètre 2019 de la maturité digitale du logement social, Wavestone) et le secteur cherche à développer ses relations avec l’écosystème start-ups. Plusieurs initiatives ont déjà été mises en place : par exemple, un partenariat en 2018 entre l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) et l’accélérateur d’innovation Impulse Labs pour l’identification de start-up pertinentes pour le secteur du logement social et la mise en place de partenariats ou de tests.  Autre initiative, la Fédération des Entreprises Sociales pour l’Habitat a lancé en 2016, en collaboration avec l’incubateur Impulse Partners, le premier incubateur de start-up dédié au logement social.

Enjeu # 4 : La digitalisation OUVRE DE NOUVELLES OPPORTUNITÉS, À TOUTES LES ÉTAPES DE LA RELATION CLIENT.

La digitalisation des parcours clients représente pour les bailleurs une opportunité d’enrichir et d’améliorer leur Relation Client, tout en optimisant leur performance opérationnelle et en maîtrisant mieux leurs coûts.

Les opportunités sont notables à toutes les étapes du parcours client. Lors de la recherche d’un bien à louer d’abord, avec par exemple la mise en place d’algorithmes de recommandations ou le ciblage de prospects (Initiative Amson Habitat). Pour la gestion locative au jour le jour, avec la mise en place de portail web et d’applications mobiles dédiées à la gestion des factures, au paiement des loyers et à l’archivage des documents clés (Initiative Orvitis, Domanys et de nombreux bailleurs). Pour anticiper les incidents techniques, avec la mise en place de capteurs reliés aux outils CRM directement sur le réseau de chauffage et d’ascenseurs des immeubles afin de prévenir les locataires des incidents dès leur apparition de manière automatique et proactive (Initiative Habitat du Nord). Et enfin, pour gérer les sollicitations et les réclamations des locataires, avec la mise en place de nouveaux canaux de relation client accessibles 24h/24h comme les chatbots (Initiative Paris Habitat). Pour favoriser la mobilité au sein du parc et avoir des logements adaptés aux besoins des locataires, les acteurs franciliens du logement social ont mis en place une bourse d’échanges entre locataires « echangerhabiter ».fr

Opportunité #4 : L’Humain au coeur de la Relation Client des bailleurs, équipé de nouveaux outils digitaux

Les agents de terrains, et notamment les gardiens d’immeubles, sont souvent les premiers sollicités par les locataires en cas de besoin. Ils sont donc la pierre angulaire de la relation des bailleurs sociaux avec leurs clients. Loin de vouloir supprimer ce lien physique avec les locataires, les bailleurs cherchent à doter leurs agents de terrains d’outils digitaux pour rendre plus efficace et faciliter leur travail. Par exemple, Lyon Métropole Habitat a développé une application mobile à destination des gardiens d’immeubles de son parc leur permettant d’accéder, en mobilité, à toutes les informations utiles à la gestion des demandes des locataires et des incidents.

Un article rédigé par Elise Cadilhac